Delcourt réédite Deux tueurs et Mickey Mickey, du tandem Mezzo-Pirus. Trente ans après une première édition en noir et blanc, ces deux nouvelles aujourd’hui colorisées embarquent le lecteur dans l’univers poisseux et violent de braqueurs malchanceux.
Conflit de générations
En 1995, Mezzo et Michel Pirus faisaient une entrée remarquée dans le monde de la bande dessinée avec Deux tueurs puis Mickey Mickey deux ans plus tard.
Depuis, ils ont parcouru un joli bout de chemin et publié ensemble la trilogie Le Roi des Mouches puis Love in Vain avec Jean-Michel Dupont pour Mezzo. Aujourd’hui, leur éditeur Delcourt récidive avec la réédition de ces deux récits, colorisés pour l’occasion par la palette de Ruby.

Un paysage désolé, quelque part dans un désert américain et à l’horizon, derrière de hautes grilles, de grandes cuves. C’est là que doivent se rendre deux tueurs professionnels pour honorer un contrat. Le plus âgé, moustache tombante et cheveux gominés, incorrigible macho, fantasme sur les belles voitures et les poitrines opulentes d’improbables conquêtes féminines.
Ses blagues douteuses et homophobes agacent son jeune partenaire, lunettes noires, suant dans son costume cravate. Celui-ci n’a qu’une hâte, finir le travail, proprement. » Je n’aime pas bâcler, je suis un professionnel » plastronne-t-il. Ce à quoi le plus âgé répond: » Les professionnels, c’est ceux qui nous ont envoyé ici, mignon. Nous, on est des ramasse-merde…Et, crois-moi, on prend beaucoup plus de risques qu’eux. »

L’erreur au bout du canon
On l’aura compris, ces deux-là se détestent cordialement. A tel point que la défiance régnant entre eux va les pousser à la faute. Le contrat ne sera pas honoré… La mort se présentera au bout du canon. Dans ce premier récit noir bien serré (55 pages), les dialogues savoureux et l’atmosphère poisseuse l’emportent sur le scénario. On ne sait rien ou presque des tueurs, on ne sait pas non plus quelle est véritablement leur cible.

Le braquage aussi tourne mal
Le second récit, Mickey Mickey, initialement paru en 1997, embarque le lecteur dans une spirale analogue. Ici, Max et Scotch, deux gangsters, tout aussi déjantés que les deux tueurs, ont recruté un certain Mickey, convoyeur de fonds, pour assurer le succès du hold-up qu’ils préparent.
Mais rien ne va se dérouler comme prévu et là aussi, la situation va vite se dégrader et virer au drame. Max est gravement blessé, le personnel de la banque est pris en otage. Parmi elles, il y a la belle et pulpeuse Susan, proche, très proche de Mickey…
Là encore, la poisse, la fatalité semblent coller à la peau des personnages de ce récit, de quelque côté de la loi et de la morale qu’ils se situent.

Un pari esthétique
Si l’on lorgne du côté du cinéma, les tueurs et les braqueurs de ces deux histoires n’ont rien à envier à ceux qu’affectionne Quentin Tarantino dans un Pulp Fiction ou un Reservoir Dogs. Au rayon littérature, c’est du côté des romans de la Série Noire qu’on trouvera des héros du même acabit, souvent accablés par un destin qui les anéantit.
Côté esthétique, c’est aussi à cette même Série Noire que l’on pense quand on tient en main cet album. Son titre en lettres jaunes sur fond noir nous y incitent d’emblée.
Enfin, au fil des pages de ce double récit, on appréciera forcément la qualité graphique de Mezzo. Avec ses encrages d’un noir épais, son trait nerveux et ses cadrages très « film noir », ce dernier rend à ces losers tragi-comiques une identité perdue. Quand tueurs et braqueurs portent aussi une part d’humanité…
- Deux tueurs suivi de Mickey Mickey
- Scénariste : Michel Pirus
- Dessinateur : Mezzo
- Editeur : Delcourt
- Prix : 24, 95 €
- Parution : 25 septembre 2024
- Pagination : 112 pages
- ISBN : 9782413083085
Résumé de l’album : Deux tueurs professionnels font équipe alors que tout les oppose, l’âge, le caractère, l’humour… Mickey, transporteur de fond, cède aux avances de deux gangsters chevronnés… Au milieu des années 90, Mezzo et Pirus poursuivent leur oeuvre au noir avec ces deux récits mettant en scènes tueurs névrosés et braqueurs malchanceux. Cette réédition, mise en couleur par Ruby, leur donne l’écrin qui leur faisait défaut.
À propos de l'auteur de cet article
Jean-Michel Gouin
Passionné par l'écrit, notamment l'histoire, la littérature policière et la bande dessinée, Jean-Michel Gouin a été journaliste radio et presse écrite pendant une trentaine d'années à Poitiers.
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