Faut pas prendre les cons pour des gens (tome 2)

Après le succès de leur premier opus, Emmanuel Reuzé et Nicolas Rouhaud reviennent avec une nouvelle mouture de « Faut pas prendre les  cons pour des gens ». Toujours aussi efficaces pour stigmatiser la bêtise ordinaire et traiter par l’absurde de grands sujets de société.

UNE MÉCANIQUE DE L’ABSURDE

On les avait quittés en septembre 2019, déjà auréolés de succès avec la sortie chez Fluide d’un album original pointant avec humour toutes les absurdités de notre société. Avec le premier tome de « Faut pas prendre les cons pour des gens » ( vendu à 100.000 exemplaires ) , Emmanuel Reuzé et son co-scénariste Nicolas Rouhaud ont fait un carton. Et il y a fort à parier que le deuxième, paru cet automne, suivra le même chemin. Dans le premier opus, les auteurs posaient de drôles de questions. Peut-on remplacer les enseignants par des distributeurs de diplômes ? Faut-il expulser du territoire un bébé qui ne parle pas Français ? Ou encore doit-on incarcérer de futurs criminels pour éviter qu’ils ne commettent de futurs crimes sur de futures victimes ? Autant de questions absurdes, ou censées l’être, qui pointent la bêtise.

Dans cette nouvelle cuvée de 54 pages, le duo s’en donne encore à cœur joie. D’autres questions surgissent. Faut-il une dérogation pour insulter un patron raciste? Peut-on passer ses vacances sur le continent plastique ? Peut-on se faire rembourser un enfant défectueux ? Les réponses ne nous sont pas données évidemment, seule importe ici cette mécanique de l’absurde savamment huilée qui interroge sur le sens de la vie et de nos actions…

DE L’ÉCOLOGIE AU TÉLÉTRAVAIL

A travers ces histoires courtes, dont les premières avaient été dans les années 2000 puis 2008 dans les magazines Psikopat ou L’Echo des Savanes, on est happé par un drôle d’univers, là où se joue une certaine inversion des valeurs. A travers le prisme de l’humour noir, on aborde dans le second tome des sujets de société tels que l’écologie, (On vous renvoie aux pages 36 et 47) , l’enseignement (page 40), la pauvreté (page 51 ), les délocalisations (page 22). On y parle aussi (c’est actuel en ces temps de pandémie) de télétravail et de santé, de l’hôpital public et de la radicalisation… Autant de thèmes qui font écho à la société de 2020.

UN REGARD CRUEL MAIS LUCIDE

A raison de quatre ou six cases par planche, jamais plus, portées par un dessin sobre et réaliste, jouant sur le dédoublement de ces mêmes cases, sur le décalage entre dialogues et situations, cet album appuie là où ça fait mal. A sa lecture, on pense à d’autres grands du non sense ou de l’humour noir : Les Monty Python au cinéma, un Desproges sur la scène, les Goossens, Franquin, Fabcaro et autres Alexis au crayon.

Ceux-là portaient ou portent encore sur le monde qui nous entoure un regard cruel mais ô combien essentiel.  Ils nous disent que la bêtise est universelle et que pour la combattre, mieux vaut peut-être un sourire lucide qu’une colère stérile. La formule du regretté Guy Bedos, « Il ne faut pas prendre les gens pour des cons, il y a assez de cons qu’on prend pour des gens » trouve ici toute sa justification.

Article posté le dimanche 01 novembre 2020 par Jean-Michel Gouin

Faut pas prendre les cons pour des gens 2 d'Emmanuel Reuzé et Nicolas Rouhaud (Fluide Glacial)
  • Faut pas prendre les cons pour des gens
  • Dessin : Emmanuel Reuzé
  • Scénario : Emmanuel Reuzé et Nicolas Rouhaud
  • Editeur : Fluide Glacial
  • Prix : 12,90 €
  • Parution : Octobre 2020
  • ISBN : 9791038200210
Résumé de l’éditeur : Succès surprise de 2019 (60 000 ex.),  Faut pas prendre les cons pour des gens revient en octobre pour un tome 2 toujours aussi absurde, hilarant et terriblement efficace.  En ces temps où tout le monde se demande si l’on peut encore rire de tout, Reuzé et Rouhaud font fi de ces questions et nous offrent un bijou d’humour noir et absurde que n’aurait pas renié Desproges. Chaînon manquant entre l’implacable lucidité des Idées noires et l’absurdité de Fabcaro, cette série fera date dans l’histoire de la BD.

À propos de l'auteur de cet article

Jean-Michel Gouin

Passionné par l'écrit, notamment l'histoire, la littérature policière et la bande dessinée, Jean-Michel Gouin a été journaliste radio et presse écrite pendant une trentaine d'années à Poitiers.

En savoir