Filles des oiseaux

A une époque pas si lointaine – il y a une cinquantaine d’années – les filles un peu « récalcitrantes » étaient envoyées en pension chez les Bonnes Sœurs. C’est ainsi que Marie-Colombe se retrouve dans celui des Oiseaux où elle croise Thérèse, qui elle veut fuir son quotidien. Florence Cestac se remémore ses années de pensionnat dans Filles des oiseaux, un récit plein de tendresse et d’humour aux éditions Dargaud.

LE PENSIONNAT POUR FUIR SON QUOTIDIEN

Thérèse, 13 ans, se demande encore pourquoi elle se retrouve au pensionnat des Oiseaux. Pour fuir son quotidien qui lui pèse – ses parents sont agriculteurs à Beuzeville près de Rouen, son père est alcoolique et frappe sa mère qui ne dit jamais rien – la bouse de vache et les animaux, elle n’en pouvait plus. Seulement dans son lit de dortoir – pièce glaciale – elle pleurniche, pire elle a ses règles.

Si la sœur responsable du dortoir est aux anges – « remerciez le seigneur pour ce don merveilleux » – elle, en est moins convaincu. Elle croise alors Marie-Colombe, 13 ans, fille de bourgeois parisiens – son père très riche fait des affaires, ils ont un appartement cossu et deux maisons secondaires – mais elle est placé en pension car elle fait trop de bêtises, afin de rentrer dans le rang. Mais la jeune adolescente n’en a pas envie.

LE PENSIONNAT  : LIEU DES 400 COUPS

Thérèse apprécie tout de suite Marie-Colombe qui la fait rire. Il faut dire que la fille de bonne famille n’est pas la dernière pour s’amuser : elle se moque des prières, essaie de savoir si les bonnes sœurs ont des cheveux et simule un malaise. Les deux adolescentes rient beaucoup et se font toujours réprimander par les religieuses.

Afin de passer un week-end chez Marie-Colombe, elles se tiennent bien la semaine précédente. Le vendredi soir, l’homme d’affaires vient les chercher à bord d’une sublime voiture. Thérèse n’en croit pas ses yeux : sa copine vouvoie ses parents, leur appartement est immense, ils ont un ascenseur et ont une gouvernante. Très british dans leurs manières d’être, la petite fille aimerait bien être comme eux, véritable princesse.

Le week-end suivant, c’est au père de Thérèse de venir chercher les deux copines. Le dépaysement est total. En plus, Jean-Marie, le frère est là qui tombe amoureux de la petite bourgeoise…

FILLES DES OISEAUX : SOUVENIRS DE FLORENCE CESTAC

Dans une France pré-mai 68 et où la religion est encore prégnante à l’école, la mixité est interdite : les filles de bonne famille et celles qui n’écoutent pas sont envoyées en pension. Pour Filles des oiseaux, Florence Cestac puise dans sa mémoire pour dévoiler quelques souvenirs du temps où elle aussi était pensionnaire.

Comme elle en a l’habitude, l’auteure des Débloks (avec Nathalie Roques, Dargaud) met beaucoup de distance et d’humour dans son récit. Les bondieuseries sont tournées en ridicule, les Sœurs sont sévères, pas très belles, touchées par la grâce et en mission pour éduquer les jeunes filles. Les gags s’enchaînent sans en avoir l’air et c’est cela qui est bon !

Cette belle histoire très drôle repose aussi sur un contraste entre les deux familles de Thérèse et Marie-Colombe, le monde rural et le monde bourgeois urbain. La fille d’agriculteurs découvre tout, s’émerveille d’un ascenseur et de la richesse des bibelots, tandis que sa copine s’émerveille des animaux et de la nature. Cultivés et lettrés s’opposent alors aux gens de la terre moins instruits. Mais pourtant les deux filles se ressemblent, elles veulent s’émanciper de leur vie toute tracée – ce foutu déterminisme social – Thérèse de la campagne et de son père alcoolique, Marie-Colombe des préceptes trop figés de ses parents; elle a d’ailleurs l’âme d’une rebelle, idéal juste avant mai 68.

Alors que le fait religieux et la religion refont surface dans notre société, il est de bon ton de se plonger dans Filles des oiseaux, un temps révolu, pas si lointain mais qui aujourd’hui plait à des esprits rétrogrades, qui sont nostalgiques de l’ordre et la vertu… Ouille ! Filles des Oiseaux : une très belle bande dessinée féministe !

Article posté le lundi 19 septembre 2016 par Damien Canteau

Très bon album Filles des oiseaux est signé Florence Cestac (Dargaud) décrypté par Comixtrip le site BD de référence
  • Filles des oiseaux, tome 1/2 : N’oubliez jamais que le seigneur vous regarde !
  • Auteure : Florence Cestac
  • Editeur : Dargaud
  • Prix : 13.99€
  • Parution : 09 septembre 2016

Résumé de l’éditeur : Honfleur, au pensionnat des Oiseaux, un établissement pour jeunes filles tenu par des soeurs chanoinesses de saint Augustin, dans les années soixante. Marie-Colombe et Thérèse ont 13 ans. L’une vient d’une famille très aisée vivant à Neuilly ; l’autre, d’une famille du coin, dans laquelle on est paysans depuis des générations. Les deux jeunes filles deviennent inséparables et font les 400 coups dans le vénérable pensionnat. Une amitié à toute épreuve dans la France des sixties.

À propos de l'auteur de cet article

Damien Canteau

Damien Canteau est passionné par la bande dessinée depuis une vingtaine d’années. Après avoir organisé des festivals, fondé des fanzines, écrit de nombreux articles, il est toujours à la recherche de petites merveilles qu’il prend plaisir à vous faire découvrir. Il est aussi membre de l'ACBD (Association des Critiques et journalistes de Bande Dessinée). Il est le rédacteur en chef du site Comixtrip.

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