Frankenstein

Avec Frankenstein, Georges Bess donne sa très belle version du monstre créé par Mary Shelley. C’est tout simplement beaux, poignant et captivant.

Frankenstein, de Mary Shelley à Georges Bess

Personnage née de la plume de Mary Shelley en 1816, le roman fût adapté à mainte reprises – des adaptations cinématographiques avec l’immense Boris Karloff dans le rôle de la créature dès 1931 sur les écrans, et pour plusieurs réalisations, rôle repris par Christopher Lee dans les films de la Hammer alors que le grand Peter Cushing s’emparait pour quelques adaptations de celui du Baron Victor Frankenstein.

En bande dessinée, idem, le roman de Mary Shelley connu de nombreuses adaptations plus ou moins talentueuses, et la dernière à ce jour et non des moindres pourrait bien faire date, puisque l’immense Georges Bess s’attache aujourd’hui à nous donner sa version du mythe tout en s’appliquant à retranscrire au plus près l’âme du roman.

Il y a deux ans, c’est la figure du prince des ténèbres, le conte Dracula, qu’il adaptait avec maestria. Aujourd’hui toujours armé du brio graphique qu’on lui connaît, un noir et blanc tranché, à la beauté ténébreuse, il nous raconte le destin tragique de cette créature née de la folie d’un homme, le baron Victor Frankenstein, et la malédiction non moins tragique que ce dernier subit lorsque sa créature s’évertua à lui faire regretter d’avoir voulu jouer au apprenti sorcier avec la vie même, façonnant de la sorte un être colossal innommable, à la laideur monstrueuse qui ne pouvait inspirer que dégoût et répulsion.

Victor Frankenstein, l’apprenti sorcier

Victor Frankenstein raconte l’histoire de sa vie au capitaine Walton et à ses hommes, qui le trouvèrent à l’article de la mort, égaré sur la banquise Arctique. Après qu’il eu repris un peu de force, il se lance dans le récit hallucinant de sa tragédie, sa malédiction, dés lors qu’il entrepris de percer le mystère de la vie même, à Ingolstadt en Allemagne.

Des travaux en biologie et des expérimentations sur le pouvoir nouveau de la fée électricité qui aboutirent à la création d’un être de chair et de sang, reconstitué avec des morceaux de cadavres, et à qui, avec l’aide de son fidèle serviteur Sven, il parvint à donner la vie un soir d’orage. La créature sitôt dressée sur ses 2 jambes pris la fuite tel une bête sauvage, et Victor, face à une telle monstruosité, ne fit rien pour l’en empêcher. Pire, il pris lui aussi ses jambes à son cou pour se mettre à distance.

La créature et son créateur, destins croisés

Victor poursuit son récit et raconte alors ce que la créature lui a confiée lorsque leur route se croisèrent à nouveau quelques année après. On suit alors l’errance désespéré de cet être effrayant, sans passé, sans histoire et qui s’éveille à la vie tel un nourrisson sans repère.

Il ne possède pour lui que sa force physique qui lui permettra de satisfaire ses instincts primitifs, et une cape en lambeau comme seule vêtement. Une cape qu’il emporta dans sa fuite la nuit où il prit vie, qui appartint à Victor Frankenstein et dans la poche de laquelle se trouve un carnet rempli de notes scientifiques, que la créature qui ne sait pas même parler, est bien sûr incapable de déchiffrer. Mais ça viendra.

Le monstre de Frankenstein se cache des hommes pour mieux se protéger

Le monstre lâché dans la nature en mode survie, après plusieurs tentative de rapprochement avec les hommes, comprendra assez vite qu’il est plus sage de s’en tenir éloigné. Cette créature choisira par instinct de survie de rester caché au fond des bois où les bêtes sauvages qu’il y croise lui semble bien moins dangereuses que les humains qui le rejette.

Et c’est là qu’il finit par trouver un peu d’humanité, à distance, en restant caché, au contact indirect avec une famille recluse dans une chaumière isolée perdue au milieu des bois. La créature passe ses journées à observer de loin ce père aveugle et ses deux enfant, Félix et Agatha. Il les écoute parler, les comprend de mieux en mieux, s’entraine dans son coin à répéter leurs mots, développe ainsi le langage (primitif soit…).

Plus tard même la venue de Safie, une jeune femme turque, la bien aimée de Félix, offrira à Agatha l’opportunité de lui enseigner la lecture et l’écriture. Se faisant la créature, toujours tapie dans l’ombre, profite secrètement des leçons d’Agatha. Apprenant ainsi les rudiments de la lecture le monstre pût alors se lancer dans le déchiffrage du précieux carnet de note de Victor Frankenstein, et alors muni d’une conscience, encore jeune certes, il subit un nouvel électrochoc lorsqu’il comprit d’où il venait.

Retour auprès de Victor

Dès lors et comprenant qu’il ne pourrait jamais vivre parmi les hommes, le monstre se mit en tête de retrouver son créateur, afin que celui-ci lui offre une compagne en réparation au sort peu enviable qu’il lui réserva par l’acte même de l’avoir créé. Victor s’y refuse dans un premier temps, puis finit par y consentir voyant qu’il ne pourrait échapper à sa créature, qui lui promet l’enfer pour lui et ses proches si elle n’obtenait pas satisfaction.

Tout ça va très mal finir, et des innocents bien sûr, y perdront la vie.

Je vous ai rappelé les grandes lignes de ce récit fantastique culte, mais imaginez bien que la narration que nous propose Georges Bess est bien plus subtile, complète et précise, et qu’il parvient à nous faire suivre le calvaire invraisemblable du monstre pourtant plein d’humanité au début, et dont le cœur finira par se durcir et s’assécher au contact des hommes. L’empathie est totale avec cet être pourtant répugnant, et l’on arrive même à excuser sa cruauté lorsqu’arrive le temps de la vengeance.

C’est tout simplement beaux, poignant et captivant.

Article posté le jeudi 26 mai 2022 par David Lemoine

Frankenstein de Georges Bess d'après Marry Shelley (Glénat)
  •  Frankenstein
  • Auteur : Georges Bess, d’après le roman de Mary Shelley
  • Editeur : Glénat
  • Prix : 25, 50 €
  • Parution : 24 novembre 2021
  • IBAN : 9782344040522

Résumé de l’éditeur : Le cauchemar d’un monstre. La folie d’un homme. Dans ce XIXe siècle d’innovations techniques et de révolution industrielle, la littérature anglaise a produit des figures fantastiques iconiques qui sont toujours vivantes aujourd’hui. C’est le cas du Frankenstein de Mary Shelley et de son héros au destin tragique. Un proscrit rejeté de tous et en premier lieu par celui qui le façonna. De son délire narcissique est né un être colossal et effrayant qui témoigne de sa capacité à aimer, de son besoin de se relier et qui est condamné à la solitude, à la souffrance, à l’incompréhension et au rejet. Car cette « chose » innommable, cette monstruosité, à qui la postérité donnera le nom de son créateur, est un agglomérat de cadavres auquel Victor Frankenstein a donné la vie. Dans la lignée de son magistral Dracula, Georges Bess signe une adaptation somptueuse du Frankenstein de Mary Shelley. On y retrouve la magie de son noir et blanc profond et élégant qui sublime la dramaturgie du récit. Une oeuvre grandiose, où le trait acéré et l’encrage puissant de l’auteur expriment dans chaque case le souffle romantique de cette histoire. Celle du cauchemar d’un monstre et de la folie d’un homme. Une pépite graphique incontournable.

À propos de l'auteur de cet article

David Lemoine

Lecteur de BD depuis sa plus tendre enfance, David a fini par délaisser assez vite les classiques franco-belges, pour doucement voir ses affinités se tourner vers des genres plus noirs, plus grinçants, sarcastiques, trashs, violents, absurdes et parfois même décadents. Il grandissait en somme…. Fan de la première heure de Ranxerox et Squeeze the Mouse, il vénère aujourd’hui l’oeuvre d’auteurs Anglo-Saxon tel que Bendis, Brubaker/Phillips, Ben Templesmith, Terry Moore, Jonathan Hisckman, Ellis/Robertson, sans bouder son plaisir à la lecture des européens talentueux, francophone ou non, que sont Tardi, Ralf Konîg, Michel Pirus, Gess, les frères Hernandez, ou même Fred Bernard. La liste de ses amours dans le 9e art est loin d’être exhaustive, vous vous en doutez, et cela fait plus de 20 ans maintenant qu’il s’efforce de vous convaincre de les embrasser à travers ses chroniques radio qu’il vous livre chaque semaine dans l’émission XBulles sur les ondes de Radio Pulsar (http://www.radio-pulsar.org/emissions/thema/x-bulles/ / https://www.facebook.com/xbulles)”

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