En 2022, Lucie Bryon sortait son premier album Voleuse chez Sarbacane. Cette année, l’autrice frappe encore pour un ouvrage autant réussi, si ce n’est plus, que le précédent : Happy Endings. Dans celui-ci, l’autrice se fait généreuse en offrant à son audience trois histoires différentes, dans cette même tendre ambiance qu’avait celle de 2022.
Ain-six font
Même recette mais différents ingrédients. Lucie Bryon utilise toujours deux personnages principaux, de l’humour, et son généreux trait pour narrer l’amour. Cependant, on sent l’autrice désireuse d’aborder plus de choses que l’étrange période entre fin d’adolescence et âge adulte dont traitait Voleuse. C’est peut-être pour cette raison que le lecteur navigue entre trois différents récits et donc plusieurs duos.
Ainsi, Bryon navigue plus facilement entre ses intentions scénaristiques. La lecture s’ouvre par ce pour quoi l’autrice s’est fait connaitre. Un doux chapitre ancré dans le réel, avant d’intégrer des éléments de science-fiction ou de fantastique. Lucie Byron s’est plu à travailler sur ce second album, et le plaisir à le découvrir n’en est que plus important.
De l’amour à donner…
Là où l’on retrouve l’intelligence de l’autrice, c’est par l’amour qu’elle porte à ses personnages, à ses histoires. Cet amour, on le retrouve notamment dans la partie dédiée au titre Ocean. L’autrice laisse l’un de ses personnages, Toots, s’exprimer directement avec son journal intime. On se retrouve alors avec un brillant phénomène de réflexivité où l’on alterne entre simple fonds blancs classiques et fonds de carnets à lignes, représentant le journal tenu par le personnage.
Au-delà de cet exemple bien particulier, on ressent chez le découpage et l’absence par-ci par-là de cases une profonde intelligence et liberté dans la narration de la conteuse. Il en résulte trois histoires dont la beauté résulte autant de la tendresse des récits que de son plaisir à dessiner, que l’on ressent facilement.
… Et des cases qui débordent.
Si la première histoire est trop courte pour s’en charger, les deux suivantes posent un autour, un avant. Les personnages que l’on suit existent au-delà des planches que l’on voit et au-delà de leur relation amoureuse. Ils ont des amis, un métier, une vie pré-établie par rapport à ce que l’on suit d’eux.
Avec légèreté, on découvre ces différents personnages à un moment de leur vie avant de les laisser voguer vers d’autres horizons. C’est aussi-là l’une des forces de Happy Endings : faire vivre son récit dans de l’invisible.
Au-delà des éléments qui nous sont suggérés, il y a une place importante laissé aux lecteurs et son imagination, pour combler les trous laissés par les ellipses et les flashbacks. Il y a autant de vies passées et futures pour chacun des personnages qu’il n’y aura de lecteurs, grâce à la construction narrative.
Ranma 1/2, BN et Ghostbusters
Au final, Happy Endings semble presque être, subtilement, une lettre d’amour à toute une génération, avec celles ayant suivis.
Dans une chaude ambiance, Lucie Bryon joue de clins d’œils aussi appréciables qu’ils ne sont discrets. Elle s’adresse à cette tranche de jeunes adultes ayant connus les réveils à l’heure du du-du-duel sur la télévision, céréales entre les mains, qui a grandi aux coups des mangas et cartoons arrivant en France (n’en déplaisent à certaines). Elle s’adresse à tous, dessinant à la manière Haribo, pour les grands, les petits, les maigres, les ronds, les majorités mais encore plus les minorités.
Il y a dans les scénarios et encore plus dans les dessins de Lucie Bryon quelque chose d’intrinsèquement doux, relevant de la joie de vivre et de l’espoir d’un demain toujours plus beau que la veille. Lucie Bryon livre une œuvre quelque part engagée, à la manière du coming-out qu’elle héberge. Qui n’a pas besoin de se dire pour l’être.
- Happy Endings
- Auteur : Lucie Bryon
- Éditeur : Sarbacane
- Prix : 24€
- Sortie : 21 août 2024
- Pagination : 168 pages
- ISBN : 979-10-408-0526-7
Résumé de l’éditeur : Il était une fois… un jardinier de cimetière qui tombe amoureux d’un pleureur de tombes professionnel, au faux air de Pierrot la Lune… ou bien de fantôme ? Il était une fois… une étudiante en Art qui demande à un jeune homme de poser pour elle, nu, une nuit de Nouvel An. Il était une fois… des agents du futur envoyés dans notre présent, dans une petite ville de bord de mer, pour réparer un paradoxe temporel. Ils se surprennent à aimer déguster des glaces à l’italienne devant des couchers de soleil et ne veulent plus repartir dans leur dimension…
Et ils finirent… allez savoir ? Toutes les belles choses ont une fin… mais à choisir, qu’elle soit belle !
À propos de l'auteur de cet article
Hippolyte Girier
Il est né en même temps que le Printemps, il ne jure que par le Hawkeye de Matt Fraction et le Grand Vide de Léa Murawiec. Il croit dur comme fer à la prise de pouvoir artistique de Zoé Thorogood, autant qu'il renie l'existence de roman graphique. Bref, cet article vous est offert avec plaisir, mais surtout par Hippolyte Girier.
En savoir