Heidi au printemps

Heidi et son grand-père dans la gentille série télévisée des années 80 (pour les trentenaires et quadragénaires) on en est loin avec Heidi au printemps ! Devenue jeune adolescente, la petite fille des alpages a beaucoup grandi et découvre son corps. Ce très beau roman graphique de Marie Spénale n’est pas à mettre dans toutes les mains !

HEIDI CHEZ SON GRAND-PÈRE

Alors qu’elle fut orpheline de parents très tôt, Heidi fut confiée à sa tante Dete. Rapidement, cette dernière fut agacée par le petite fille qu’elle décida d’emmener chez son grand-père dans les Alpes. Là, elle grandit insouciamment avec les chèvres, sa petite Blanchette ou son ami Peter le chevrier.

Plus tard, Dete revint la chercher pour la grande ville. Elle devait tenir compagnie à Clara, la petite-filles très malade. Devenues amies, elles s’amusaient beaucoup, mais Heidi était nostalgique de ses montagnes. Elle revint alors chez son grand-père.

L’ADOLESCENCE : PÉRIODE DE DÉCOUVERTES

Quelques années ont passé, Heidi a beaucoup grandi, c’est une belle adolescente. Pourtant son grand-père la voit toujours comme sa toute petite fille. Elle change, elle commence à râler, ne veut plus accompagner le vieil homme vendre ses produits sur le marché. C’est l’hiver et elle s’ennuie énormément.

Alors que le printemps arrive, elle revit. Elle est surtout heureuse de retrouver le beau Peter, son ami. Elle commence par être troublée lorsqu’il se met torse nu. Elle pense à lui tout le temps et surtout la nuit où elle découvre ses premiers plaisirs solitaires.

Quelques jours plus tard, ils s’embrassent puis glissent lentement vers des ébats sexuels plus poussés qui plaisent au jeune adolescent. Il se sent fort mais elle, elle préférerait autre chose, la routine s’installe…

HEIDI AU PRINTEMPS : UN TRÈS BEL HYMNE AUX PREMIERS ÉMOIS

A l’image des bandes dessinées de Max de Radiguès (L’âge dur, Louise et Simon), Marie Spénale livre un très beau roman graphique sur les premiers émois amoureux. Si l’auteur belge pouvait rester chaste dans ses vignettes, la jeune auteure de Disquettes (Dupuis) va beaucoup plus loin dans Heidi au printemps, n’hésitant pas un instant à dessiner des scènes plus osées (parfois suggérées) sans être trop trash. Le lecteur sera plutôt saisi par sa fantastique mise en scène érotique de ces moments de découverte. Sans jamais être voyeuriste, elle réussit avec talent à rendre belles et merveilleuses ces étapes cruciales.

Pour cela, elle part de l’œuvre originale de Johanna Spyri pour l’emmener ailleurs, vers l’adolescence, vers un ailleurs meilleur. On est très loin des romans publiés en 1880, des films, téléfilms ou de la série animée du maître Isao Takahata (1974) diffusée à partir de 1978 en France.

Ce magnifique conte initiatique est écrit avec douceur et justesse. Tout en nuance, Marie Spénale met admirablement en scène ce passage vers l’âge adulte.

HEIDI VEUT TUER LA FIGURE DU PÈRE

En même temps que la découverte de son corps et de celui des garçons, Heidi évolue et devient plus mâture. Alors qu’elle est toujours vu par son grand-père comme une toute petite fille ingénue et insouciante, elle se révèle être moins lisse qu’il n’y paraît. Elle veut tuer la figure du père (le vieil homme) et s’en affranchir. Ainsi, elle ne veut plus trop l’aider dans ses tâches et garde un jardin secret par la correspondance avec Clara. Elle aspire à autre chose que la broderie ou écouter les histoires sur ses genoux. Elle veut même habiter en ville loin de la cabane en bois de son enfance.

Jusqu’à présent, son grand-père était le seul Homme qu’elle côtoyait, maintenant elle connaît intimement Peter et elle en veut plus, veut s’émanciper de cette figure hyper-paternaliste.

Le désir mais aussi les doutes et les peurs sont magnifiquement mis en image dans Heidi au printemps. Le trait épuré de Marie Spénale convient admirablement pour restituer le propos chaleureux de son récit. Elle apporte un grand soin aux décors de sa couverture. Le lecteur pourra même apercevoir un bel hommage à Madame Pepperpote (un dessin animé diffusé à partir de 1984) en la personne d’Agnès la villageoise.

Heidi au printemps : un bel album sur le passage à l’âge adulte, sur les premiers émois amoureux, sur la découverte de son corps et celui de l’autre; avec délicatesse et justesse.

Article posté le mercredi 07 juin 2017 par Damien Canteau

Heidi au printemps de Marie Spénale (Delcourt) décrypté par Comixtrip le site BD de référence
  • Heidi au printemps
  • Auteure : Marie Spénale
  • Éditeur : Delcourt, collection Hors Collection
  • Prix : 16.95€
  • Parution : 17 mai 2017
  • IBAN : 9782756072029

Résumé de l’éditeur : Le temps innocent des balades bucoliques dans les Alpes se termine. Heidi est désormais une jeune femme avide de découvertes. De son corps, pour commencer, mais aussi de celui de Peter, le joli chevrier. Entre ces premières fois maladroites et un grand-père qui ne veut pas la voir grandir, entre les désirs et les angoisses, se dessine finalement une grande question : comment devient-on femme ?

À propos de l'auteur de cet article

Damien Canteau

Damien Canteau est passionné par la bande dessinée depuis une vingtaine d’années. Après avoir organisé des festivals, fondé des fanzines, écrit de nombreux articles, il est toujours à la recherche de petites merveilles qu’il prend plaisir à vous faire découvrir. Il est aussi membre de l'ACBD (Association des Critiques et journalistes de Bande Dessinée). Il est le rédacteur en chef du site Comixtrip.

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