En 2087, la Terre ne sera plus habitable. Philippe Valette nous raconte ce qui se passera alors, dans l’Héritage Fossile, une magnifique odyssée de science-fiction sombre et désabusée, parue chez Delcourt.
L’héritage fossile : « On en était où ? »
Perdus dans une mer de sable, fouettés par des vents violents, Reiz et sa fille Nova avancent.
Les mains enroulées dans des bandages et le visage couvert de cicatrices, le vieil homme poursuit inlassablement sa quête : retrouver les modules de son vaisseau. Et lorsque vient le soir, à l’abri d’une tente, il raconte son histoire, celle qui les a menés jusqu’à cette immensité. Et de mémoire d’être humain, jamais une histoire n’avait commencé il y a aussi longtemps.
2087 l’Odyssée de l’espèce.
En 2087, il avait fallu se faire une raison : la Terre n’était plus habitable. Alors, on avait organisé une expédition spatiale ayant pour destination une planète susceptible d’accueillir la vie. Les analyses étaient formelles : Geminæ présentait des conditions de vie idéales. Seul problème et non des moindres, cette exoplanète se trouvait à des milliards de milliards de kilomètres de la Terre. Cela signifiait que le périple durerait 20 000 ans. Mais avec la technologie idoine et beaucoup d’argent, c’était réalisable. De l’argent, Reiz en avait plus qu’il n’en fallait. Et la technologie était connue.
En alternant des courtes phases d’éveil avec de très longues périodes de biostase, et en admettant que le voyage se déroule sans encombre, les corps vieilliraient tout au plus de 11 ans.
Mais voilà, des voyages sans encombre, ça n’existe pas. Et au bout de seulement 200 ans, l’équipage d’Héritage One rencontra son premier problème…
« Je pense qu’il s’est passé un truc très grave sur Terre »
L’héritage fossile : Perdus dans l’espace.
Le point de départ de la magnifique odyssée de Philippe Valette fait froid dans le dos. En effet, en nous mettant face à nos responsabilités, il nous force à imaginer ce qui se passera plus tard. Dans un futur relativement proche tout d’abord, puisqu’après tout, 2087 approche à grands pas. Puis, et c’est là qu’Héritage fossile prend toute son ampleur, le scénariste nous emmène à une époque inenvisageable à l’échelle humaine. Nous avons donc un début et une fin. Mais comme toujours, ce qui compte, c’est qui s’est passé entre les deux. Et Philippe Valette va nous le révéler par bribes, dans une narration particulièrement soignée, pour finalement nous faire comprendre que science sera de moins en moins fiction si l’humanité reste ce qu’elle est.
De Charybde en Scylla sur le bateau de Thésée.
Le fait est qu’on ne voit que peu d’espoir au bout du tunnel intergalactique. Et à l’image des protagonistes, le lecteur se laisse bercer par une mélancolie parfois douce, mais souvent cinglante. Petit à petit, les désillusions se mêlent aux mensonges. Et main dans la main avec la jeune Nova, nous avançons sans savoir où l’on va. Ou pire : en craignant ce que l’on va découvrir.
Et finalement, avec beaucoup de malice, le scénariste nous invite à nous questionner. Non pas sur l’éculé « qu’aurais-je fait ? », mais bel et bien sur le « que ferai-je ? », qui nous responsabilise autant qu’il nous angoisse. Les quêtes se mêlent et s’entre-mêlent avec beaucoup de cohérence. Identité, rôle à jouer dans un mécanisme qui nous dépasse, devenir de l’humanité… Quel que soit l’angle par lequel on aborde Héritage fossile, on trouve matière à la réflexion. Et pourtant, lorsqu’on en entame la lecture, on est bien loin de s’imaginer le périple qui nous attend.
Vers l’infini et au-delà.
En effet, dès les premières cases, et alors même que les protagonistes semblent errer sans fin, le trait de Philippe Valette se veut rassurant. Fin, précis et presque simple, il rappelle les dessins animés de science-fiction de notre enfance.
Ainsi, même le visage aux allures de créature de Frankenstein de Reiz ne parvient pas à nous inquiéter. Bien entendu, on s’interroge, mais on n’imagine pas le pire. Ensuite, le premier flash-back maintient cette ambiance. Les personnages sont souriants et affrontent les premiers problèmes avec motivation et espoir. Et puis arrive enfin la première double page qui laisse apparaître la navette dans l’immensité sidérale.
En images numériques, comme tous les décors, elle se présente à nous en majesté. Et immédiatement, le souffle coupé, on essaye d’imaginer l’étendue de l’aventure.
- L’Héritage fossile
- Scénariste : Philippe Valette
- Dessinateur : Philippe Valette
- Editeur : Delcourt
- Prix : 29,95 €
- Parution : 18 septembre 2024
- Nombre de pages : 228
- ISBN : 9782413024712
Résumé de l’éditeur : Nova et son père, Reiz, un vieil astronaute, cheminent à la surface d’une planète désertique, à la recherche des vestiges de son vaisseau. La jeune fille profite du périple pour rédiger les mémoires de son père : 20 000 ans plus tôt, son équipage a quitté la Terre pour tenter d’établir la toute première colonie humaine sur une exoplanète propice à la vie. Mais au fil des siècles, l’expédition a pris une tournure inattendue.
À propos de l'auteur de cet article
Victor Benelbaz
Tombé dans la marmite de la bande dessinée depuis tout petit, Victor est un vrai amateur éclairé. Comics ou récits jeunesse sont les deux genres préférés de ce professeur de français.
En savoir