Quand la morale et la justice ne sont pas les deux faces d’une même pièce, cela donne un avocat à l’éthique discutable… Kujô est avocat, pragmatique et n’est pas regardant sur ses clients. On l’appelle Kujo l’implacable, car quelque soit le client, le tout d’une défense, c’est de savoir raconter une bonne histoire.
« Je vais te présenter un bon avocat… »
Une voiture crise sur le bitume, un bruit sourd percute les pages, une giclé de sang et la voiture démarre à toute berzingue. Laissant un père et son fils étalés sur le sol. Voici comment commence Kujô, l’Implacable.
Deux coups de téléphone plus tard, Kengo Mibu, patron d’un garage automobile demande à Taiza Kujô de s’occuper d’un gars pour lui. Le type a renversé un cycliste et son fils, avant de prendre la fuite, tuant l’un et blessant à vie l’autre. Il jouait au volant et avait bu. Mais bon. Kujô accepte l’affaire avec pour objectif de faire éviter la taule au chauffard.
D’affaire en affaire, Kujô l’Implacable déploîe un talent considérable pour réécrire l’histoire en choisissant juste ce qu’il faut de réalité. Sans déformer la vérité, il tort les événements de son plaidoyer pour ne retenir que le nécessaire. Kujô est effectivement un avocat implacable. Mais ses collègues le regardent comme un paria, un type sans foi prêt à défendre les pires raclures.
Implacablement efficace
Et plus le manga avance, plus le lecteur sera d’accord. Le génie de cette série repose sur trois éléments : le charisme écrasant de son personnage principal, son sens du réalisme et son graphisme détaillé et pulpeux.
Tout au long du récit, le lecteur apprend à connaître le personnage, plus complexe qu’il n’y paraît. Shôhei Manabe décrit un personnage flegmatique, capable de séparer son métier – défendre un client devant la justice – et la morale. Appelé régulièrement par Kengo Mibu, Kujô n’a de cesse de défendre des coupables. Pourtant, grâce à la finesse de sa connaissance des lois, mais aussi des hommes, Kujô l’Implacable sait discerner le vrai risque qu’encourt un de ses clients, et la prison n’est pas forcément la pire des options.
Sous le feu des néons
Shôhei Manabe nous plonge dans un thriller juridique mené de main de maître. Subtil et complexe. Le lecteur devra s’accrocher un peu pour suivre tous les rebondissements. Quand bien même, le récit coule de source. Sur un rythme posé et bien dosé, Shôhei Manabe nous tient en haleine et nous fait frissonner comme un fait divers bien réel le ferait.
La couverture tape à l’œil, comme saturée par l’ambiance morbide des ruelles tokyoïtes malfamées, répond parfaitement à l’atmosphère du livre. Sous tension constante, notre esprit est interpellé sans cesse par les petits détails. Pourtant, impossible de lâcher l’ouvrage. Les enquêtes juridiques de Kujô, l’Implacable, son manque de moral évident, nous tiennent captif.
Sur bien des aspects – le réalisme, l’ambiance et le dessin – Kujô, l’Implacable (et Ushijima, l’usurier, autre série de Shôhei Manabe) rappelle les œuvres de Jun Watanabe, Montage et Golden Guy. Thriller captivant donc, édité chez Kana. Il est destiné à un public averti et conseillé – par Comixtrip – au plus de 16 ans.
- Kujô, l’Implacable
- Auteur : Shôhei Manabe
- Éditeur : Kana
- Prix : 7,55€
- Parution : 27 janvier 2023
- ISBN : 9782505120414
Résumé de l’éditeur :Pour Taiza Kujô, avocat controversé qui n’accepte que des affaires complexes, ce sont deux choses différentes. Que ce soit pour défendre un conducteur ivre, qui a percuté un père et son fils, ou pour défendre un homme manipulé et abusé par un gang, Kujô n’a qu’un objectif : trouver une ligne de défense qui aura un maximum d’avantages pour son client.
À propos de l'auteur de cet article
Marie Lonni
"C'est fou ce qu'on peut raconter avec un dessin". Voilà comment les arts graphiques ont englouti Marie. Depuis, elle revient de temps en temps nous parler de ses lectures, surtout quand ils viennent du pays du soleil levant. En espérant vous faire découvrir des petites pépites à savourer ou à dévorer tout cru !
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