La terreur des hauteurs

Jean-Claude Denis explore à nouveau les ressorts de la psychologie humaine avec un album original, « La terreur des hauteurs ». Une plongée intime dans une phobie très répandue, le vertige.

Une sensation étrange

« Ça a commencé par une vague sensation de tristesse, un sentiment diffus d’absence et d’abandon. Rien de très remarquable au fond. Je ne me suis pas méfié du tout ». Mais de quoi veut-il donc parler, ce narrateur qui se livre dès les premières pages, provoquant chez son lecteur une curiosité mêlée d’inquiétude? Comme il l’avait fait dans « Nouvelles du monde invisible «  album dans lequel il nous parlait du monde des odeurs, le voilà qui bien malgré lui cette fois prend de la hauteur, cette hauteur terrible qui paralyse, le vertige…

Maudits sentiers

C’est en se promenant avec son amie sur un chemin escarpé en bord de mer, celui des contrebandiers, que l’auteur va renouer avec cette phobie qu’il croyait enfouie à jamais depuis sa jeunesse, le vertige. Contraint d’expliquer à sa compagne ce qui lui arrive, il va se livrer à une introspection et tenter de rassembler ses souvenirs.

D’où vient cette angoisse sournoise, cette peur du vide irraisonnée ? De l’enfance, quand en vacances il sillonnait les routes du pays basque en voiture avec ses parents ? Ou l’année de ses dix-huit ans, quand en virée en Espagne avec des copains, on l’invite à plonger d’une falaise et qu’il finit par un plat magnifique qui manque de lui coûter la vie ?

Retrouver la confiance

Au fil de ce récit complet de 144 pages, on chemine à petits pas avec ce Jean-Claude angoissé, qui doit user de nombreuses stratégies de contournement avec ses proches pour ne pas passer pour un couard. Une fois adulte, quand il devient l’auteur adulé qu’on connaît (Jean-Claude Denis remporte en 2012, à 61 ans, le Grand Prix du Festival d’Angoulême) et qu’il est l’invité de nombreux salons et festivals, il doit encore dissimuler sa peur du vide comme il peut. L’anecdote qu’il raconte avec Druillet son complice d’un soir au salon du livre des Baux-de-Provence (pages 59-72) est à ce sujet des plus savoureuses.

L’auteur, passé maître dans l’introspection, évite ici l’écueil du pathos ou la psychanalyse de comptoir. Il réussit à faire d’une question somme toute très personnelle un sujet universel. Car nous sommes sans doute bien plus nombreux que cela à souffrir de ce mal des hauteurs….

Son dessin réaliste mais simple, ses planches en lavis gris-bleu qui passent parfois au jaune pour les flashback éclairent judicieusement son propos. La patte Denis est toujours là. Les fidèles de cet auteur décidément très attachant apprécieront…

Article posté le mardi 02 octobre 2018 par Jean-Michel Gouin

  • La terreur des hauteurs
  • Auteur : Jean-Claude Denis
  • Editeur : Futuropolis
  • Prix : 21 euros
  • Parution : 13 septembre 2018
  • IBAN : 9782754821735

Résumé de l’éditeur. Déambulant avec sa compagne sur un chemin des douaniers, au bord de la mer, l’auteur s’arrête tout soudain : « Ça a commencé par une vague sensation de tristesse, un sentiment diffus d’absence et d’abandon. Rien de très remarquable au fond. Je ne me suis pas méfié du tout. » Mais de quoi l’auteur ne s’est-il pas méfié ? De la peur du vide. De la terreur des hauteurs, ce monstre issu de l’imagination qui toujours triomphe de la raison. Autrement dit, le vertige, qui « absorbe et retient toute pensée cohérente ». Poursuivant, tant bien que mal, sa marche sur le sentier littoral – « Enfoirés de douaniers ! » -, l’auteur se remémore ces « paniques à bord » qui ont marqué, ô combien, sa vie.

 

À propos de l'auteur de cet article

Jean-Michel Gouin

Passionné par l'écrit, notamment l'histoire, la littérature policière et la bande dessinée, Jean-Michel Gouin a été journaliste radio et presse écrite pendant une trentaine d'années à Poitiers.

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