La vallée du diable

Après Le sentier des reines et la Savoie, Anthony Pastor propose avec La Vallée du diable un nouveau road movie historique qui entraîne les lecteurs dans la Nouvelle-Calédonie des années 20. Un récit âpre et violent porté par un trait puissant.

DU SENTIER A LA VALLÉE

On avait laissé les personnages d’Anthony Pastor dans les paysages enneigés de leur Savoie natale, qu’ils avaient fuie aux lendemains de la première guerre mondiale. On les retrouve en 1925, émigrant vers les terres plus arides de La Nouvelle-Calédonie. Blanca Dupraz, sa belle-fille Pauline, Florentin l’orphelin et Arpin l’ancien Poilu sont désormais établis aux Antipodes où ils espèrent une vie meilleure. Mais eux qui, épris de liberté et de justice sociale, espéraient une vie meilleure vont vite déchanter, confrontés aux réalités d’un univers colonial qui ne leur fera aucun cadeau.

TERRE DE VIOLENCE

Dans une région imaginaire qu’il a baptisé Banoa mais directement inspirée par celle, bien réelle, de Koné, située à 350 km de Nouméa, Anthony Pastor imagine Florentin l’orphelin devenu vacher pour le compte d’un riche colon de la Grande Terre, tandis que Pauline la jeune veuve a fini par épouser Arpin et que Blanca la plus âgée jette sur cette société violente de colons souvent mal dégrossis le regard d’une femme un peu désabusée. Elle qui en métropole a lu bien des revues féministes et a si souvent rêvé à la prochaine émancipation des femmes va assister impuissante à des règlements de compte sans merci entre Kanaks, colons et anciens bagnards…

DES PAYSAGES INCARNÉS

Les personnages ne sortiront pas tous indemnes de cette aventure. On préservera ici le suspense de cette fiction historique magnifiquement porté par le trait et les couleurs d’Anthony Pastor. S’il avait su dans le premier volume restituer à merveille les blancs éclatants des paysages savoyards, il peint ici avec tout autant de talent les montagnes pelées et les moiteurs des forêts calédoniennes.

A la fin de l’album, un mini-dossier d’Isabelle Merle, historienne au CNRS, vient à propos éclairer cette période charnière de l’histoire coloniale française, là où les personnages  » affrontent, écrit-elle, les tensions d’un univers social nourri par un racisme structurel envers les kanaks et « autres colonisés », soutenu par un système profondément inégalitaire qui s’impose à tous. A cette violence coloniale s’ajoute celle d’un bagne qui imprime sa marque sur les corps condamnés et s’expose sur l’ensemble du territoire par le spectacle des hommes enchaînés et des prisons, des gardiens armés et des punitions … »

Cette Vallée du diable est un beau roman graphique dont la fin relativement ouverte laisse peut-être présager un troisième opus.

Article posté le jeudi 31 août 2017 par Jean-Michel Gouin

La vallée du diable d'Anthony Pastor (Casterman) décrypté par Comixtrip le site BD de référence
  • La Vallée du diable
  • Auteur : Anthony Pastor
  • Editeur : Casterman
  • Prix : 20 euros
  • Parution : août 2017
  • IBAN : 9782203116566

Résumé de l’éditeur. Nouvelle-Calédonie, 1925. Loin de leur Savoie natale, qu’ils ont fuie aux lendemains de la guerre, Blanca, Florentin, Pauline et Arpin ont fini par s’établir aux Antipodes.
Mais cette nouvelle vie dans les colonies ne satisfait pas leur rêve de justice sociale et de liberté. Et, alors que l’air se fait de plus en plus irrespirable, l’heure des règlements de comptes est venue.

À propos de l'auteur de cet article

Jean-Michel Gouin

Passionné par l'écrit, notamment l'histoire, la littérature policière et la bande dessinée, Jean-Michel Gouin est journaliste à Poitiers.

En savoir