L’aventurier

On aurait pu croire à l’adaptation d’une œuvre méconnue du dramaturge Anglais William Shakespeare, mais c’est du côté de l’écrivain, médecin, psychologue Autrichien, Arthur Schnitzler, que les auteurs Italiens Alessandro Tota et Andrea Settimo ont été librement puiser leur inspiration pour L’Aventurier, un récit initiatique et onirique.

Italie, 1520

L’histoire débute dans la ville de Ravenne, où Anselmo Ringardi, un jeune homme dans la fleur de l’âge, aime à jouer du luth à ses heures perdues. Et notamment lorsque ses entrainement à l’escrime lui en laissent le temps. Il se prépare, contre son gré, à intégrer le corps de garde de la ville. C’est un excellent bretteur et son père exige de lui une brillante carrière militaire. Sa mère cherche, elle, à le marier à une fille de bonne famille venue de Naples, Faustine d’Immacolata. Mais le jeune homme, là encore, se montre désintéressé par la chose. Son cœur est déjà envouté par la belle Beatrice Castiglioni.

Écrasé par le poids des obligations familiales, c’est l’arrivée de la peste qui tragiquement le délivrera des attentes qui pesaient sur lui, emportant subitement ses deux parents et nombre de ses amis aussi. Plus rien ne retient Anselmo à Ravenne. Il selle son cheval au plus vite, prend sa lame et part à l’aventure.

L'aventurier de Alessandro Tota et Andrea Settimo (éditions Treize étrange / Glénat)

Sur les chemins errant…

Dés le premier jour, en chemin, dans une modeste auberge de campagne, il rencontre une troupe de brigands. Elle l’invite alors à boire et manger avec elle. L’un des trousseurs de bourses le force à miser ses écus sur des parties de dés. Anselmo, bien en veine, va toutes gagner.  Il repartira de l’auberge accompagné d’Anita, une jeune femme qui se trouvait avec le brigand, et que ce dernier n’hésita pas à mettre en jeu dans l’espoir de se refaire sur la partie de dés suivante. De cet épisode-là, Anselmo y gagnera de perdre sa virginité, mais l’aventure ne s’arrête pas là.

L'aventurier de Alessandro Tota et Andrea Settimo (éditions Treize étrange / Glénat)

Le vieux mage et la belle

Le jeune homme continue seul son chemin. Dans une clairière enchanteresse au milieu des bois, il découvre les portes du palais du mage Géronte. Ce vieux sage érudit s’est forgé la réputation, jamais démentie, de pouvoir prédire avec une grande exactitude la date et l’heure de la mort de toute personne dont il sonde le regard.

Profitant de la sortie de Géronte, une sortie ordonnée par le vieux roi malade pour qu’il exerce sur lui sa prédiction, Anselmo croise à ce moment-là le regard de la fille de Geronte, Lucrezia. L’ange Cupidon virevolte à proximité et profite de la porte laissée entrouverte par la jeune femme pour s’engouffrer dans ce palais merveilleux en même temps que notre héros. Lucrezia, aussi belle que savante, n’est pas non plus en reste sur le maniement de l’épée ou la pratique des arts. Le temps que papa Geronte revienne dans son palais, suffira à Cupidon pour décocher sa flèche et voir les deux jeunes gens s’éprendre l’un de l’autre.

Anselmo ne craint pas de faire sa demande à papa Geronte dès son retour. Mais, Lucrezia, elle, semble s’interdire cet amour pour d’obscures raisons. Frustré d’être éconduit si rapidement avec une injonction à quitter cette demeure, Anselmo s’emporte. Il se laisse aller à une provocation puérile à laquelle Geronte répondra en plongeant son regard dans celui d’Anselmo. Le verdict tombe, il ne lui reste plus qu’une année à vivre sur cette terre, pas un jour de plus. Mais est-ce là une honnête prédiction de Geronte, ou une réponse cruelle pour éprouver la valeur du prétendant à la main de sa fille ?

L'aventurier de Alessandro Tota et Andrea Settimo (éditions Treize étrange / Glénat)

N’est pas prince qui veut…

Quoiqu’il en soit le souverain de ce royaume est maintenant mort. Les puissances ennemies menacent de déclarer la guerre à tout instant. Anselmo bouleversé et persuadé qu’il ne jouit que de la garantie de vivre une année pleine encore, reprend alors sa route insouciant aux dangers.

Bonne ou mauvaise fortune – l’avenir nous le dira – il croise celle du prince Smarloffo, l’héritier du défunt roi. Le jeune prince, en chemin avec son serviteur – un vieux sage venu d’orient prénommé Mogdul – est en route pour le palais royal bien décidé à s’assoir enfin sur le trône laissé vacant par son père. Cette rencontre au milieu de la campagne Italienne verdoyante, va sceller le destin d’Anselmo à jamais.

L'aventurier de Alessandro Tota et Andrea Settimo (éditions Treize étrange / Glénat)

Le bref destin de L’Aventurier

Un destin hors du commun fait de grandeur, empli de guerre, d’amour impossible, de désespoir, de courage, de déclin et que la peste viendra à nouveau chambouler… Un destin furtif pour Anselmo qui 364 jours après la prédiction de Geronte, se tient à nouveau face au vieux mage et l’interroge :

« Vous connaissez l’avenir Geronte, et c’est ce qui vous différencie de tous les autres hommes. Mais que reste-t-il pour nous simples mortels, si ce qui doit arriver est déjà écrit ? Est-il possible que notre libre arbitre ne soit qu’une illusion ? Est-il possible que nous n’ayons aucun pouvoir sur notre vie ? Que choisir, si un chemin ou un autre ne nous conduise toujours à la même destination ? »

Un questionnement qui résume assez bien le champ thématique principal abordé dans L’Aventurier. C’est également un très beau récit initiatique, tragique et poétique, onirique aussi par moment.

L'aventurier de Alessandro Tota et Andrea Settimo (éditions Treize étrange / Glénat)

L’Aventurier : Un dessin qui sait s’effacer

Graphiquement Andréa Settimo nous propose une ligne épurée qui se focalise sur l’action et les personnages. Les décors sont assez souvent réduits à leur plus simple expression avec beaucoup de cases laissées vierge de tout arrière-plan.

La palette de couleur est sobre et douce, avec des teintes pastelles. La mise en page de L’Aventurier est assurée la plupart du temps en des gaufriers rectilignes. Seules les scènes oniriques ou celles qui relatent de la présence de la peste, sont beaucoup plus libres dans leur construction.  Pour ces dernières, l’auteur à fait le choix d’un monochrome vert sombre pour appuyer le côté malsain et irrespirable du moment.

Article posté le vendredi 27 septembre 2024 par David Lemoine

L'aventurier de Alessandro Tota et Andrea Settimo (éditions Treize étrange / Glénat)
  • L’aventurier
  • Scénariste : Alessandro Tota
  • Dessinateur : Andréa Settimo
  • Traducteur : Laurent Laget
  • Editeur : Treize étrange / Glénat
  • Prix : 25 €
  • Parution : 04 septembre 2024
  • Pagination : 184 pages
  • ISBN : 9782344044575

Résumé de l’éditeur : Italie, 1520. Les parents d’Anselmo Ringardi sont emportés par la peste. Pour échapper à l’épidémie, le jeune noble fuit la ville et part à l’aventure. Le fin bretteur va croiser la route de brigands et de filles faciles jusqu’à sa rencontre avec Géronte et sa séduisante fille Lucrezia. Alors que le roi se meurt, la garde vient chercher Géronte qui possède l’étrange pouvoir de prédire la date à laquelle survient la mort. Durant son absence, Anselmo et Lucrézia tombent amoureux et, au retour du vieil homme, le jeune garçon lui demande la main de sa fille. Mais Géronte refuse au prétexte qu’Anselmo ne vivra pas longtemps et lui révèle qu’il mourra dans un an, jour pour jour. Fou de rage, Anselmo repart à l’aventure, bien décidé à prouver au vieux fou qu’il se trompe et qu’il reste maître de son destin quitte à remettre sa vie en jeu tous les jours. Mais Géronte ne s’est pas trompé, soucieux de protéger sa fille, il a seulement menti pour ne pas la voir partir avec un inconnu sans se douter qu’il allait changer le destin d’Anselmo en tragédie.
L’Aventurier est un roman inachevé d’Arthur Schnitzler (1862-1931) qu’Andrea Settimo et Alessandro Tota ont adapté et conclu d’après les notes laissées par l’écrivain.

À propos de l'auteur de cet article

David Lemoine

Lecteur de BD depuis sa plus tendre enfance, David a fini par délaisser assez vite les classiques franco-belges, pour doucement voir ses affinités se tourner vers des genres plus noirs, plus grinçants, sarcastiques, trashs, violents, absurdes et parfois même décadents. Il grandissait en somme…. Fan de la première heure de Ranxerox et Squeeze the Mouse, il vénère aujourd’hui l’oeuvre d’auteurs Anglo-Saxon tel que Bendis, Brubaker/Phillips, Ben Templesmith, Terry Moore, Jonathan Hisckman, Ellis/Robertson, sans bouder son plaisir à la lecture des européens talentueux, francophone ou non, que sont Tardi, Ralf Konîg, Michel Pirus, Gess, les frères Hernandez, ou même Fred Bernard. La liste de ses amours dans le 9e art est loin d’être exhaustive, vous vous en doutez, et cela fait plus de 20 ans maintenant qu’il s’efforce de vous convaincre de les embrasser à travers ses chroniques radio qu’il vous livre chaque semaine dans l’émission XBulles sur les ondes de Radio Pulsar (http://www.radio-pulsar.org/emissions/thema/x-bulles/ / https://www.facebook.com/xbulles)”

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