Le dévoreur de souvenirs

Le dévoreur de souvenirs est une légende urbaine. Ryôichi s’intéresse à lui pour ses études. Mais lorsque la fille dont il est amoureux perd subitement la mémoire, il commence à prendre un peu plus au sérieux l’existence de cette créature folklorique moderne.

Une enquête de terrain

Ryôichi mène une étude sociologue sur la propagation des légendes urbaines. Il s’intéresse notamment à une légende locale, native de son propre quartier. Celle du Kiokuya, un homme qui ferait disparaître les souvenirs douloureux de ceux qui le souhaitent. En tant qu’étudiant assidu et raisonné, Ryôichi ne croit pas une seule seconde à l’existence d’un tel individu. Pourtant autour de lui, le dévoreur de souvenirs est en vogue. Tous le monde spécule sur son existence, souhaite à demi-mot le rencontrer, certains racontent même qu’il suffit d’être assis sur un certain banc, dans un certain parc pour le croiser à la nuit tombée.

Lorsqu’il était enfant, Maki, sa meilleur amie, a subitement perdu la mémoire. Il y a quelque chose que la petite fille ne voulait pas se rappeler et le lendemain, elle avait tout oublié. C’est la première fois que Ryôichi entendait parler du Kiokuya. Arrivé à la fac, l’étudiante dont il est tombé amoureux, Kyôko, est victime d’un syndrome post-traumatique qui l’empêche de sortir la nuit. Alors qu’ils passaient leurs temps ensemble, elle perd à son tour tous ses souvenirs traumatisants. Mais aussi ses souvenirs de Ryôichi, qui l’aidait du mieux qu’il pouvait à surmonter sa peur.

Pris au dépourvu, cet événement le convainc que le Kiokuya existe vraiment. Et Ryôichi ne lui pardonne pas de l’avoir effacé de la mémoire de Kyôko. Déterminé à l’empêcher de supprimer les souvenirs d’autres personnes, le jeune homme s’engage dans une enquête méticuleuse afin de le débusquer. Méticuleuse, et discrète. Car il n’est pas exclu que le dévoreur de souvenirs essaye de se défendre et d’effacer ses traces. Car lorsque que vous rencontrez le Kiokuya, vous n’en gardez pas le souvenir. Et si Ryôichi s’était déjà rapproché de sa véritable identité, s’en souviendrait-il seulement ?

La valeur de la mémoire

Le dévoreur de souvenirs soulève de multiples questions. Certains souvenirs sont si douloureux que nous voulons juste nous en débarrasser. La vie serait alors tellement plus légère, débarrassée de ces éléments parasites qui nous blessent. Le Kiokuya serait alors le libérateur de notre passé, celui qui gomme nos blessures intérieurs. Mais qu’advient-il de ceux avec qui nous partageons notre peine ? Ceux qui tentent jour après jour de panser nos plaies ?

Au fil des pages, les souvenirs apparaissent comme le lien essentiel entre les gens. Car les expériences emmagasinées par notre mémoire couvent nos sentiments, notre ressentie du monde et des autres. Sans eux, comment pourrions-nous savoir qui nous aimons, qui nous réchauffent le cœur et nous apportent du bonheur ?

Si nous pouvons faire le choix de perdre la mémoire, est-il vraiment juste que le Kiokuya nous rende amnésique pour autant ? Existe-t-il une « bonne » façon d’affronter un traumatisme ou de gérer un problème ?

Mais après tout perdre une partie de notre mémoire ne nous empêche pas de continuer de vivre, de continuer de fréquenter ceux que nous avons oublié, même si tout est à recommencer. Même si des choses précieuses ont été perdu, peut-être est-ce là la quête d’un nouveau départ ou d’une seconde chance.

Collection Moonlight

La quête de seconde chance, c’est d’ailleurs une caractéristique qui traverse tous les mangas publiés dans la collection Moonlight aux éditions Delcourt/Tonkam . Le dévoreur de souvenirs est la quatrième séries sorties dans cette collection créée en 2020. Et la première de Kyoya Origami (au scénario) et Nachiyo Murayama (au dessin).

C’est une histoire délicate, à mi-chemin entre l’amour et l’amitié, sous le règne de la mélancolie. Le dessin très académique de Murayama est claire, lisible et doux. La couverture a une charme particulier grâce à l’aspect aquarellique donné par le dessinateur aux souvenirs qui s’effacent.

Lecture légère

Cette première création en duo est une série terminée en 2 volumes. Rapide à lire, avec des personnages tendres, bien que nombreux. Les différentes étapes de l’histoire se succèdent avec souplesse, en nous emportant dans l’enquête de l’entêté Ryôichi, ponctuées par les apparitions énergiques de Maki.

Le dévoreur de souvenirs est une duologie mélancolique, agréable à lire. Elle est parfaite pour commencer à lire des mangas dans le genre Seinen . Disons que c’est un seinen très léger au sous-genre shakai (manga qui traite de problèmes sociaux et sociétaux) tendre qui nous amène à repenser la valeur que nous accordons à nos souvenirs et à nos relations.

Article posté le jeudi 24 septembre 2020 par Marie Lonni

Le dévoreur de souvenirs - Origami & Murayama - Delcourt/Tonkam
  • Le dévoreur de souvenirs
  • Auteur : Kyoya Origami
  • Dessinateur : Nachiyo Murayama
  • Éditeur : Delcourt / Tonkam
  • Prix : 7,99€
  • Parution : 26 août 2020
  • ISBN : 9782413036722

Résumé de l’éditeur : Ryôichi, étudiant, mène des recherches sur les légendes urbaines et s’intéresse à la façon dont elles sont propagées. Alors que plusieurs personnes perdent étrangement la mémoire autour de lui, il entend parler d’un mystérieux monstre, le Kiokuya, qui se nourrit de souvenirs. Mais ce Kiokuya existe-il vraiment ? Et pourquoi chercherait-il à effacer la mémoire de ceux qui viennent le voir ?

À propos de l'auteur de cet article

Marie Lonni

"C'est fou ce qu'on peut raconter avec un dessin". Voilà comment les arts graphiques ont englouti Marie. Depuis, elle revient de temps en temps nous parler de ses lectures, surtout quand ils viennent du pays du soleil levant. En espérant vous faire découvrir des petites pépites à savourer ou à dévorer tout cru !

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