Le journal de Marianne

Pour son premier roman graphique, Le journal de Marianne, le jeune dessinateur nantais Baptiste Chouët se penche sur les humeurs de la République française . Entre joies, espoirs  et peines.

UNE MARIANNE MODERNE

Elle est jeune, jolie et sexy, cette petite Marianne…Elle se promène à travers les cases, coiffée de son bonnet phrygien et la poitrine débraillée, un peu à l’image de  » la Liberté guidant le peuple  » que peignit en son temps un certain Eugène Delacroix. C’est ainsi que l’a dessinée le nantais Baptiste Chouët, déjà connu des lecteurs de la presse quotidienne régionale, qui propose pour sa première incursion dans la bande dessinée un gros récit chez Marabout, Le Journal de Marianne . Elle est jeune mais elle a pourtant 223 ans! Ainsi croquée, la République ne fait pas son âge…

DE JANVIER 2015 À MAI 2017

Tout commence le 22 septembre 2015. Ce jour-là, Marianne fête son anniversaire. Un peu déprimée, elle décide de se lancer dans l’écriture d’un journal, journal intime, journal de bord dans lequel elle notera au jour le jour souvenirs, anecdotes et événements qui jalonnent son parcours.  C’est le prétexte choisi par Baptiste Chouët pour décliner un peu plus d’un an d’actualité française, des attentats de 2015 jusqu’à l’élection d’Emmanuel Macron.

Entre ces deux bornes temporelles, de nombreux thèmes sont abordés par l’auteur: brexit, montée du FN, attentats de Paris et de Nice, crise migratoire, élections régionales… A travers ce prisme de l’actualité, on découvre une Marianne à l’image de son pays : tout à tout généreuse, irritante ou irritable, qui commente, juge et s’emporte. Entourée de personnages secondaires comme Europe, Italia, John, Sam, incarnations des pays voisins, elle cristallise autour d’elle bien des attentes. La Patrie des droits de l’homme a encore un rôle prépondérant à jouer sur la scène internationale, lui dit-on , mais la jeune femme ne se sent pas toujours à la hauteur…

ÉLOGE DE LA FRAGILITÉ

Tombé amoureux de Marianne et de ses symboles, l’auteur qui envisage une suite BD à ce journal, s’est attaché à donner sans jugement péremptoire une image douce et rajeunie à celle qui incarne à ses yeux les valeurs qui lui sont chères. Derrière les symboles et une relecture de l’Histoire de France, il propose à son lecteur de s’interroger sur ce qui fonde le socle commun de ce pays.

Côté graphique, on chemine dans un récit rythmé, circonscrit dans des cases au format classique mais qui sait aussi s’échapper dans des pages pleines ou des doubles pages dans lesquelles les bleus blancs et rouges ont évidemment trouvé place.

Le texte, aussi important que l’image, est parfois abondant. Mais la lecture de ce journal reste toutefois amusante et riche d’enseignements. Comme cette confidence en forme d’appel de cette enfant de la patrie:  » On dit que je suis pourrie gâtée… La faute à qui ? Depuis ma naissance on me fout une pression monstre. Moi, la République, moi, l’enfant de la patrie… Ça va. Et de la Patrie des droits de l’homme, s’il vous plaît.

Ben, la patrie des droits de l’homme, elle craque. Et pourtant, on attend encore tellement de moi… Je crois que j’ai besoin d’aide. La vôtre. »

Article posté le vendredi 23 février 2018 par Jean-Michel Gouin

  • Le Journal de Marianne
  • Auteur : Baptiste Chouët
  • Editeur : Marabout
  • Prix : 17, 95 €
  • Parution : Janvier 2018

Résumé de l’éditeur : Cet album traite de la dépression qui touche la France, mal en point, relatée «en direct» sous la forme du journal intime de Marianne. Le récit commence le 21 septembre 2015. C’est l’anniversaire de Marianne. Evidemment, tout le monde l’a oublié. Elle déprime. Marianne a 223 ans mais ne les fait pas ! Pour une jeune femme, elle se sent si vieille… Ses insomnies sont de plus en plus fréquentes. Les événements de janvier 2015 occupent ses pensées, elle n’arrive pas à passer à autre chose. Comment se relever ? Hantée par ses angoisses, elle ne tient plus. Marianne commente son actualité, relate et vit les grands événements de 2015-2016 : débat sur la déchéance de nationalité, attentats, brexit, montée du FN, régionales, crise des migrants, etc. Elle commente, s’énerve, se trompe… Ce livre est une déclaration d’amour à Marianne et une mise en garde sur le fait qu’elle n’est pas immortelle.

À propos de l'auteur de cet article

Jean-Michel Gouin

Passionné par l'écrit, notamment l'histoire, la littérature policière et la bande dessinée, Jean-Michel Gouin est journaliste à Poitiers.

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