Le nom de la rose

Après sa sortie en 1980 sous le titre original Il nome della rosa, puis sa traduction en français en 1982, le roman Le nom de la rose a été adapté au cinéma par Jean-Jacques Annaud en 1986 et en série en 2019. Ne manquait plus donc qu’une version graphique. C’est dorénavant chose faite, puisque ce thriller médiéval devient un diptyque signé Milo Manara et publié chez Glénat. Une gageure pour l’auteur de bandes dessinées italien que de s’attaquer à ce roman écrit par son compatriote transalpin Umberto Eco.

Le nom de la rose, un roman incontournable

Comment, quand on a lu Le nom de la rose, ne pas avoir été marqué par cet incroyable thriller médiéval à l’ambiance glaciale ? Malgré ses plus de 500 pages, le roman a vite trouvé son lectorat et a été traduit en de nombreuses langues.

Il peut être lu comme un roman policier, mais il peut également faire l’objet d’une lecture plus approfondie, quand on s’intéresse à la signification des symboles qui parsèment le récit. En cela, le travail d’Umberto Eco est intéressant puisqu’il s’adresse à un lectorat très varié, sans pour autant être difficile d’accès.

Le Nom de la rose - Le Nom de la rose - 1

Le nom de la rose, un succès au box office

Un tel roman ne pouvait pas ne pas faire l’objet d’une adaptation cinématographique. Et c’est Jean-Jacques Annaud qui a dû relever le défi d’adapter ce récit très dense en un film d’un peu plus de deux heures. Cette coproduction franco-germano-italienne allait confier le rôle principal, celui de Guillaume de Baskerville, à l’acteur mondialement connu pour son personnage de James Bond, Sean Connery.

À ses côtés, le rôle d’Adso de Melk, le novice qui l’accompagne dans son enquête, est tenu par un Christian Slater encore adolescent. Le film a connu un succès retentissant et fut primé dans de nombreux pays européens, que ce soit pour le rôle tenu par Sean Connery, pour ses décors ou en tant que meilleur film.

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Le roman a également également été adapté en une série en huit épisodes en 2019, diffusée sur une plateforme spécialisée dans la diffusion de films et de séries. Le rôle de Guillaume de Baskerville était cette fois tenu par l’excellent acteur et réalisateur américain, John Turturo. Le succès ne fut pas au niveau de celui du roman et du film, mais la série, avec ses près de sept heures permettait de retrouver de nombreux détails figurant dans le roman et absents de la version cinématographique.

Le Nom de la Rose - Série (2019) - SensCritique

 

Le nom de la rose en adaptation graphique ?

Si le film avait été un beau miroir du roman, qu’allait-il en être de cette nouvelle adaptation, cette fois graphique, de ce récit, à mon goût culte ?

La couverture, dévoilée il y a quelques mois déjà, ne pouvait qu’augurer une belle mise en valeur du récit puisque le dessin serait réalisé par Milo Manara. Le dessin, mais pas seulement, puisque l’auteur italien serait seul aux commandes de cette adaptation. Sa fille se voyant confier la colorisation. Son trait, ne pouvait que convenir à une adaptation qui se devait d’être classique, à l’image du roman.

Très rapidement, on peut découvrir une première petite différence par rapport au roman. Dès les premières pages de l’album, apparaît le visage d’Umberto Eco qui s’adresse à nous lecteurs. Ainsi, on le voit expliquer quelles recherches il avait dû mener à bien entre 1968 et 1970 en Tchécoslovaquie, en France et en Argentine, avant de s’atteler à la rédaction de l’histoire d’Adso de Melk. Car contrairement à ce que l’on pourrait penser, c’est bien ce jeune novice qui est le narrateur de cette histoire.

Le nom de la rose d'Umberto Eco et Milo Manara chez Glénat.

Le nom de la rose, une autre structure

Le roman était découpé en jours, plus exactement en sept jours, mais également en fonction des sept prières qui rythment inlassablement la journée des moines (laudes, primes, tierce, sexte, none, vêpres, complies) dans l’Église catholique.

Dans cette version graphique, le récit s’écoule sans ces interruptions. Ce choix peut s’expliquer par une volonté de ne pas couper un récit qui, en l’espèce, s’écoule ainsi plus fluidement sur ses 72 pages pour ce tome 1. Le roman, plus conséquent en terme de pagination, nécessitait cette structure narrative.

Les explications, sur la situation historique, politique et religieuse de ce XIVe siècle, ont également été reprises, ce qui, je le reconnais, était indispensable pour mieux se situer dans ce siècle et comprendre les tiraillements qui existaient au sein du Saint Empire romain.

Le nom de la rose d'Umberto Eco et Milo Manara chez Glénat.

Très rapidement à la lecture de l’album, on peut constater que certaines phrases du roman ont été intégralement reprises dans la bande dessinée, comme quand Guillaume de Baskerville à l’approche de l’abbaye dit :

« Riche abbaye… L’abbé aime faire belle figure dans les occasions publiques. »

Le nom de la rose d'Umberto Eco et Milo Manara chez Glénat.

 

Le nom de la rose un thriller médiéval

Quand Adso de Melk, jeune assistant bénédictin prend la parole, c’est pour nous conter l’enquête qu’il va mener aux côtés du frère franciscain Guillaume de Baskerville. Une série de meurtres va se dérouler dans une abbaye située à la frontière italienne. Les deux hommes ont été sollicités par l’abbé pour faire le jour sur la mort d’un jeune moine enlumineur dont on ne sait pas si la chute depuis un étage élevé de l’abbaye était intentionnelle ou pas.

Pour opérer, Guillaume de Baskerville pourra interroger les moines et circuler comme bon lui semble dans l’abbaye et ses alentours. À l’exception d’un seul endroit qui se trouve être la bibliothèque, située au dernier étage du bâtiment. Celle-ci recelant des documents de grande valeur mais surtout d’une grande fragilité, l’accès y est donc limité à seulement deux personnes.

Le nom de la rose, une froideur persistante

Ce qui est extrêmement marquant dès le début de la lecture, c’est l’atmosphère glaciale de cette histoire parfaitement bien retranscrite visuellement. L’hiver et la présence quasi-permanente de la neige, dans cette région montagnarde et enclavée, font ressentir cette froideur due à la saison, mais également à l’ambiance, à toutes les pages.

Mais cette froideur est également due à ces personnages qui, pour certains avec leurs têtes patibulaires, ne désirent absolument pas être dérangés dans leurs activités, qu’elles soient religieuses ou pas. On pressent parfaitement que l’arrivée de ces deux enquêteurs va modifier le  fonctionnement de cette communauté, même si les moines ont parmi leurs attributions, celle d’offrir l’hôtellerie aux voyageurs.

Le nom de la rose, un dessin très classique

Le dessin est précis, fin et sobre. Il est à l’image du  mode vie de ces hommes et convient parfaitement à cette adaptation. Une vie consacrée à Dieu, à la prière et à la transmission des préceptes de la Bible par la copie ou bien la transmission orale vers ceux qui les approchaient.

On peut remarquer une alternance entre différents types de dessins. Ceux retraçant la quête des personnages, ceux en sépia pour raconter des faits antérieurs, mais également ceux colorés montrant le travail de stakhanoviste effectué par les moines copistes qui dédiaient leur vie à cet art de la plume.

En ce qui concerne les couleurs qui, selon les scènes, sont à dominante grise, marron ou rose, celles ont été réalisées par la propre fille de Manara, Simona, avec qui il avait également travaillé sur son diptyque consacré à Le Caravage.

Cette version graphique du Nom de la rose, édité chez Glénat et traduite de l’italien, est parfaitement fidèle à l’esprit du roman. Elle est à mon goût très réussie, parce que surtout maîtrisée par le travail de Milo Manara.

En correspondant exactement aux attentes que je pouvais avoir en tant que lectrice, alors que celles-ci étaient visiblement haut placées, il en ressort ainsi un plaisir incroyable, celui de ne pas être déçue par une adaptation, qui pour des questions d’originalité, aurait rapidement pu dénaturer l’essence même de ce très beau roman.

Article posté le samedi 07 octobre 2023 par Claire Karius

Le nom de la rose d'Umberto Eco et Milo Manara chez Glénat.
  • Le nom de la rose tome 1
  • Scénariste et dessinateur : Milo Manara
  • Adapté de : Umberto Eco
  • Coloriste : Simone Manara
  • Editeur : Glénat
  • Prix : 17,50 €
  • Parution : 20 septembre 2023
  • ISBN : 9782344049754

Résumé de l’éditeur : Quand le maître italien du Neuvième art revisite le chef-d’œuvre d’Umberto Eco. En l’an 1327, dans une abbaye bénédictine du nord de l’Italie, plusieurs moines sont retrouvés morts. Pour mettre un terme à ces inquiétantes disparitions avant l’arrivée d’une importante délégation de l’Église, le frère Guillaume de Baskerville tente de lever le voile sur ce mystère qui attise toutes les superstitions. Assisté par son jeune secrétaire Adso de Melk, il va progressivement percer à jour les troubles secrets de la congrégation, et se heurter à la ferme interdiction d’approcher la bibliothèque de l’édifice. Pourtant, Baskerville en est persuadé, quelque chose se trame entre ses murs. Et bientôt, à la demande du pape, l’inquisiteur Bernardo Gui se rend à son tour au monastère et s’immisce dans l’enquête. Les morts s’accumulent et la foi n’est d’aucun secours… Événement ! Milo Manara s’attelle à l’adaptation en deux tomes du chef d’œuvre d’Umberto Eco, vendu à plusieurs millions d’exemplaires et traduit en 43 langues. Après Jean-Jacques Annaud au cinéma (1986), c’est un nouvel artiste de prestige qui s’empare du célébrissime polar médiéval. À la demande des héritiers Eco, Manara a eu carte blanche pour donner sa vision de l’œuvre, et a pour cela choisi un triple parti pris graphique très audacieux. Son adaptation s’ouvre en effet sur Umberto Eco lui-même s’adressant au lecteur, dessiné dans un noir et blanc classique. Puis commence l’intrigue médiévale elle-même, et là Manara renoue avec le noir et blanc au lavis, rehaussé d’effets de matières et de modelés qu’il a déjà utilisé pour Le Caravage. Enfin, chacun sait que les livres tiennent un rôle fondamental dans l’intrigue, et Manara s’amuse donc de temps à autre à recréer des enluminures d’époque, réalisées à la manière des moines copistes du Moyen Âge. L’ensemble est mis en couleurs par la propre fille de Manara sous la supervision de son père, là aussi selon la même méthode qui a présidé à la réalisation du Caravage.

À propos de l'auteur de cet article

Claire Karius

Passionnée d'Histoire, j'affectionne tout particulièrement les albums qui abordent cette thématique. Mais pas seulement ! Je partage ma passion de la bande dessinée dans l'émission Bulles Zégomm sur Radio Tou'Caen et sur ma page Instagram @fillefan2bd.

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