Les enfants du rêve chinois

Tourner un documentaire pour projet de fin d’études et choisir la Chine comme destination, c’est ce qu’a décidé Luxi, une jeune étudiante chinoise résidant à Paris. Mais ce tournage, qui devait parler de sa copine Fanfan, ne va pas se dérouler comme prévu. Les Enfants du rêve chinois ou comment un film va se transformer en une première bande dessinée publiée chez Sarbacane.

Couverture Les enfants du rêve chinois

Un projet cinématographique

Alors que Luxi a grandi en Chine, elle a choisi de profiter de l’ouverture économique de son pays pour pouvoir partir en France et y habiter. Alors qu’elle doit réaliser son film de fin d’études, Luxi a choisi de parler de sa copine Fanfan pour évoquer le monde rural en Chine. C’est avec  Jean, son ami, qu’elle a décidé d’aller sur place, une première pour lui. Mais ce retour aux sources ne va pas se dérouler comme escompté.

En effet, Fanfan est professeure à la campagne. Mais elle est également homosexuelle, une orientation sexuelle difficile à vivre dans l’Empire du milieu. D’ailleurs la jeune femme semble ravie d’accueillir ses invités et est prête à les accueillir chez elle afin de leur raconter sa vie.

Un retour aux sources

Afin d’effectuer la prise de son sur place et surtout leur faciliter la tâche, Luxi et Jean seront aidés par Ludong, une ingénieure du son qui a également étudié à Paris. Cette dernière parle couramment français et a plusieurs tournages en Chine à son actif. Ainsi, elle pourra faire de son mieux pour les accompagner.

Après un voyage en avion, puis un trajet en train, l’aventure chinoise commence à Gansu à plus de 1500 kilomètres de Pékin. Fanfan est au rendez-vous pour accueillir son amie, qu’elle avait rencontrée lorsqu’elles voyageaient seules toutes les deux. Mais rapidement elle l’informe qu’elle ne pourra loger ses deux visiteurs chez elle, comme cela avait été convenu précédemment. Selon elle, ce n’est que l’affaire d’une seule nuit. Les deux documentaristes se voient donc obligés de passer leur première nuit dans un hôtel.

Un pays à redécouvrir

Dès le lendemain, l’équipe de tournage part en direction du lieu de tournage, vers le village de Beidao. Fanfan en profite pour leur expliquer les consignes à suivre lors des prises de vue ou de son. En effet, les villageois pourraient ne pas accepter un manque de discrétion de leur part. Malgré cela, Fanfan ne semble pas prête à faciliter les échanges entre la population et l’équipe.

D’ailleurs Luxi commence à se poser des questions sur le comportement de son amie qu’elle ne reconnaît plus. Celle-ci se montre très critique et très dure vis à vis de ses compatriotes ruraux, qu’elle trouve vulgaires et corrompus. Fanfan lui explique ne pas se reconnaître dans ce mode de vie à la campagne et se méfie des autres. Mais elle se méfie surtout de ses sentiments vis à vis des autres.

Une homosexualité réprimée

Alors que les jours passent, Fanfan va commencer à s’ouvrir et expliquer les difficultés à vivre cette vie intime réprimée par le régime politique. Mais surtout par les gens  et ses proches qui la côtoient et qui n’acceptent pas un mode de vie différent. Il lui est d’ailleurs impossible de se confier.

C’est ainsi que Fanfan avoue avoir dû rentrer dans le rang afin de retrouver une vie dite normale. Même si cela l’a obligée à traverser des période de désespoir et de dépression qui l’ont conduite à vouloir attenter à sa vie.

Un tournage interrompu

Dès les premières pages de l’album, on apprend que le tournage de ce documentaire va être interrompu par la police, puisqu’on assiste à l’interrogatoire de Luxi dans une cellule capitonnée et sans lumière extérieure. Ces locaux semblent être ceux de la police.

La jeune femme ne comprend pas pourquoi on la prend pour une espionne venue de l’Occident et qui aurait soi-disant fréquenté des opposants au régime chinois. En effet, elle trouve cette situation absurde, ne sait pas quoi répondre et se demande si cette arrestation est en réalité du bluff pour obtenir des renseignements de sa part. Mais que cherche à savoir la police ?

Un scénario pour mieux comprendre le statut de certaines femmes qui se veulent libres et indépendantes

En mettant face à face deux femmes qui ont reçu deux éducations similaires mais qui ont poursuivi leurs chemins dans des pays différents, Luxi l’autrice permet à ses deux personnages féminins de s’interroger. S’interroger sur leur pays d’origine, s’interroger sur la façon de vivre une sexualité qui n’entre pas dans les normes du régime chinois, mais également dans les normes de la population voire de sa propre famille.

Les Enfants du rêve chinois est un album qui permet d’aborder de façon très intéressante, parce que très concrète et surtout avertie, la notion de Droits de l’Homme. Que ce soit dans la sphère privée, mais également dans la sphère publique et professionnelle.

Un dessin en noir et blanc très réaliste

Luxi a étudié les Arts plastiques et le cinéma. Pour cet album, elle a choisi d’opter pour le noir et blanc comme pour donner une impression d’uniformité de comportement, mais surtout de façon de penser de ses personnages face à un régime qui ne laisse pas cours à la liberté de penser.

La trait employé est fin et sobre, peut-être même parfois un peu maladroit. Mais il laisse ainsi de la place à toutes les nuances de blanc, de noir et de gris qui permettent de donner du relief aux dessins. Tout en laissant une impression tenace que des ombres planent, de façon continuelle, sur les personnages mais également sur leur façon de faire et d’agir.

Un projet documentaire filmé censuré

Si Les Enfants du rêve chinois a pris vie, c’est parce que le projet de film de Luxi et son ami Jean a dû être abandonné. En effet, à la fin de leur tournage, la police les arrête, les interroge et suite à ces interrogatoires, détruit les rushs de ce qui aurait dû devenir un documentaire filmé.

Mais c’était sans compter sur la détermination  et l’habileté de Luxi qui a, dans cet album publié chez Sarbacane, décidé de raconter comment s’était déroulé son tournage en Chine. Un témoignage vrai, sans fard sur une réalité politique mais également sociétale.

Un album finaliste pour le Prix Asie de la critique ACBD 2023

C’est certainement pour cela que Les Enfants du rêve chinois fait partie des cinq titres en compétition  pour le Prix Asie de la critique ACDB ( Association des Critiques et journalistes de Bande Dessinée) 2023.

Couverture Les enfants du rêve chinois

Les quatre autres albums en lice sont :

Adieu Eri de Tatsuki Fujimoto chez Crunchyroll

Couverture adieu Eri

Box – Qu’y a-t-il dans la boîte ? de Daijirô Morohoshi chez Le Lézard noir

Couverture Box tome 1

Darwin’s Incident de Shun Umezawa chez Kana

Couverture Darwin's incident tome 1

Hirayasumi de Keigo Shinzô chez Le Lézard noir

Couverture Hirayasumi tome 1

Le Prix Asie ACBD 2023 sera remis le 16 juillet 2023 lors de la Japan Expo.

Les Enfants du rêve chinois est à la fois un album très personnel de l’autrice mais surtout un pamphlet pour dénoncer, très habilement et tout en subtilité, les atteintes aux droits des hommes et des femmes.

Un véritable plaidoyer pour la liberté d’expression, qui même si elle a été bafouée sous la forme d’un film, a repris vie comme un phénix de ses cendres, sous la forme d’une bande dessinée.

Article posté le mardi 20 juin 2023 par Claire Karius

Les Enfants du rêve chinois du Luxi chez Sarbacane
  • Les Enfants du rêve chinois
  • Autrice : Luxi
  • Editeur : Sarbacane
  • Prix : 25,00 €
  • Parution : 04 janvier 2023
  • ISBN : 9782377318438

Résumé de l’éditeur : En 2015, Luxi, étudiante chinoise en cinéma à Paris, décide de partir dans son pays natal avec son copain français pour y réaliser son documentaire de fin d’études sur sa copine Fanfan, professeure des écoles et lesbienne dans une région rurale très pauvre. Cette dernière est persécutée par sa famille, ses voisins, ses collègues et, plus largement, par le régime chinois, qui n’admettent pas son homosexualité. Sur place, alors que le tournage est sur le point de se terminer, les amis se font arrêter par la police après avoir été dénoncés par des villageois… Au bout de quelques jours d’interrogatoire, la police décide de les laisser partir, mais après avoir détruit les dizaines d’heures de rush du documentaire. Ceci est le making-off inédit de ce film qui ne verra jamais le jour…

À propos de l'auteur de cet article

Claire Karius

Passionnée d'Histoire, j'affectionne tout particulièrement les albums qui abordent cette thématique. Mais pas seulement ! Je partage ma passion de la bande dessinée dans l'émission Bulles Zégomm sur Radio Tou'Caen et sur ma page Instagram @fillefan2bd.

En savoir