Un plongée glaçante dans l’adolescence d’un tueur en série. D’autant plus glaçante qu’elle est réelle. Mais autant que le personnage de Dahmer, c’est ici le narrateur qui se révèle fascinant à regarder.
Mon ami Dahmer, c’est le récit de l’adolescence de Jeffrey Dahmer, tueur en série qui assassinera 17 jeunes homme entre 1979 et 1991. Mais une adolescence vue par Derf Backderf, journaliste et auteur de bande dessinée qui était, pendant cette période, peut-être le plus proche ami du futur tueur en série. Et plus que la plongée dans l’adolescence du serial-killer, c’est cette relation entre le futur auteur et le futur tueur qui intrigue. « Comment les adultes ont-ils pu passer à côté de ça ? », se demande Derf Backderf à longueur de page. De la même façon que lui passe à côté de ça, a t-on envie de lui répondre : chacun à sa vie, chacun n’imagine pas ce qui se passe dans le jardin du voisin.
La mascotte du lycée
S’il n’occulte pas son propre rôle dans la création de Dhamer, Derf Backderf ne l’analyse pas non plus. Faire de Dahmer la mascotte, le freak marrant, l’afficher sur les murs comme une mascotte de l’école, comme une blague récurrente… Tout cela n’a t-il pas contribué à le déposséder de son identité, à élever un barrage supplémentaire entre lui et le monde ? A faire croire que ce jeune homme tellement présent dans les blagues du lycée était au final bien intégré ? Qu’il avait de véritables amis ? C’est peut-être là que le bat blesse, dans le titre : « Mon ami Dahmer »… Ont-ils vraiment été amis ? On pourrait parler longuement de tout cela, et continuer la psychologie de comptoir sur des paragraphes entiers. Mais il ne faut pas perdre de vue le principal: cet ouvrage, en tant qu’ouvrage, en tant que documentaire.
Fascination graphique
Et ce sur quoi tout le monde s’accordera, c’est que c’est une grande bande dessinée, au graphisme étonnant mais juste. Le trait ne plaira pas à tout le monde, mais ceux qui entreront dedans reconnaitront à l’auteur une réelle maîtrise de ses partis-pris, de son crayon, de ses cadrages, de sa narration. Texte et dessin s’équilibrent, racontant juste ce qu’il faut, sans trop insister, sans trop oublier. Les pages se tournent les unes après les autres, dans une sorte de fascination morbide où le graphisme fait écho à l’histoire. Les séquences s’enchainent, implacable et logique, toujours saisissantes malgré leur fausse banalité.
Et avant même de s’en rendre compte, on a fini le bouquin, et on lit les appendices pour en savoir plus…
- Mon ami Dahmer
- Scénario & dessin : Derf Backderf
- Editeur: ça et là
- Prix: 20 euros
- Date de parution : 23 février 2013
À propos de l'auteur de cet article
Thierry Soulard
Thierry Soulard est journaliste indépendant, et passionné par les relations entre l'art et les nouvelles technologies. Il a travaillé notamment pour Ouest-France et pour La Nouvelle République du Centre-Ouest, et à vécu en Chine et en Malaisie. De temps en temps il écrit aussi des fictions (et il arrive même qu'elles soient publiés dans Lanfeust Mag, ou dans des anthologies comme "Tombé les voiles", éditions Le Grimoire).
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