Proies faciles

Le célèbre dessinateur espagnol Miguelanxo Prado signe chez Rue de Sèvres son premier polar, Proies faciles. Une fable sociale très noire basée sur la crise économique qui a durement touché l’Espagne ces dernières années.

CES BANQUIERS QU’ON EMPOISONNE

Un directeur, un commercial, un contrôleur financier…En cet hiver 2013 dans une ville de la côte galicienne (Espagne), c’est l’hécatombe chez les banquiers. Tous meurent empoisonnés ou dans des circonstances pour le moins étranges. La police est sur les dents. L’inspecteur Carlos Sotillo et sa supérieure Olga Tabares démarrent une enquête qui s’annonce difficile. Qui peut bien en vouloir à ce point à ces hommes et femmes dont le seul point commun est d’avoir travaillé à des niveaux divers dans le milieu bancaire?

SOUS LE ROULEAU COMPRESSEUR DE LA CRISE

L’hypothèse du tueur en série est évoquée. Mais vite abandonnée. Alors qui ? La mafia ? Les narcos ? Les flics pataugent, impuissants face à cette suite de morts suspectes. Leur horizon finira par s’éclaircir quand ils s’apercevront que tous les établissements concernés par les meurtres ont quelque chose à voir avec les préférentielles (ces fameuses actions proposées par les banquiers à leurs clients) et les expulsions…

C’est d’ailleurs ce que laisse entendre Prado dans la « notice d’utilisation » qu’il a rédigée en guise de préface : « Actions préférentielles, titres préférentiels, dette subordonnée, dette structurée, clauses plancher… Autant de termes pour se servir une grosse tranche des biens de tous ceux qui ont des revenus, aussi minimes soient-ils, et se gaver dans l’appétissante bourse des petits épargnants qui ne se sont jamais assis à la table de jeux de l’économie spéculative ». 

SOMBRE ET GLAÇANT

Tout est dit. Dans ce conte politico-social qui lorgne, côté littéraire, vers les univers d’un Mankell ou d’un Markaris, les rôles s’inversent. Les victimes, au départ les banquiers assassinés, ne sont peut-être pas celles que l’on croit. Ces derniers sont en effet au cœur d’un système qui broie les individus, les pousse dans leurs derniers retranchements et les oblige au pire. Tous ces simples citoyens, ces petits retraités aux revenus modestes, ces jeunes précarisés, broyés par l’ogre capitaliste, ne sont-ils pas les plus à plaindre ? C’est ce que semble nous dire Prado , qui signe ici sa première incursion dans le polar.

Avec son art maîtrisé du noir et blanc (le tout réalisé au pinceau et à la peinture acrylique) l’auteur reconnu de Trait de craie et de Chroniques absurdes brosse avec brio un portrait sombre et glaçant de l’Espagne de la fin des années 2000. Cette BD en forme de réquisitoire remplacera avantageusement un manuel d’économie politique…

Article posté le mardi 21 février 2017 par Jean-Michel Gouin

Proies faciles de Miguelanxo Prado (Rue de Sèvres) décrypté par Comixtrip le site BD de référence
  • Proies faciles
  • Auteur : Miguelanxo Prado
  • Editeur : Rue de Sèvres
  • Prix : 18 €
  • Parution : janvier 2017

Résumé de l’éditeur. Madrid, aujourd’hui. Le corps de Juan Rivas, 37 ans, est retrouvé dans son appartement, sans trace de lutte ni mot de suicide. Empoisonnement ? Rapidement, d’autres cadavres font surface, sans lien apparent… La presse s’empare des faits. L’inspectrice Tabares et son adjoint, Sotillo, prennent en charge l’enquête. Dans un pays déchiré par la crise, où les plus cyniques ont été récompensés en millions sur le dos de simples citoyens, la violence ne vient pas forcément d’où on l’attend. Une histoire de vengeance digne de la tradition du polar social.

À propos de l'auteur de cet article

Jean-Michel Gouin

Passionné par l'écrit, notamment l'histoire, la littérature policière et la bande dessinée, Jean-Michel Gouin est journaliste à Poitiers.

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