Rat est bien malheureux. Il en a assez que la mère Patate le chasse méchamment chaque fois qu’il sort manger dans la cuisine. Il essaye bien de faire entendre raison à sa propriétaire mais rien à faire, il se retrouve dehors à grands coups de balai. Dans Rat et les animaux moches, le voici donc à la recherche d’une nouvelle maison.
Prendre la clé des champs
Furieux, Rat emballe une provision de miettes dans son baluchon et commence ses recherches. Il va tenter partout dans la ville de se faire accepter. Mais il y a toujours un chat pour essayer de le croquer, une tapette à souris, ou des personnes pour lui crier qu’il est dégoûtant. Rat ne comprend pas cette animosité, lui qui ne ménage pas sa peine pour rendre service : il nettoie les gouttières, mange les miettes laissées par terre, essaye de faire les courses et la vaisselle… quels que soient ses efforts, personne ne veut de lui. La tête haute mais le coeur lourd, notre Rat des villes prend la clé des champs.
Dans une scène qui rappellera un peu le Blanche-Neige de Disney, il se retrouve en forêt, de nuit, fixé par de multiples yeux globuleux. Ce sont les autres animaux chassés par les humains en raison de leur laideur. Ils ont fondé leur propre communauté, le « village des animaux moches qui font un petit peu peur ». La vie est douce dans ce village où chacun est accepté, et Rat commence même à se faire des amis. Mais il réalise vite que ses voisins en ont gros sur la patate. Comment être heureux quand personne ne veut de vous ?
Rat et les animaux moches cherchent leur place
Rat aimerait aider ses nouveaux amis les mal-aimés, alors il a une idée : il va leur trouver des maisons. La tâche est ardue mais Rat y met tout son cœur et le lecteur a plaisir à le suivre. Et si pour être heureux, on avait besoin de se sentir utile ?
Des grandes illustrations pleine page aux petites têtes des dialogues, la finesse du dessin aux allures naturalistes de Jérôme d’Aviau rend les animaux très expressifs. Rat a la moustache tantôt lisse tantôt fébrile, Crocodile est un cuisinier concentré, Bousier un grand timide… même Requin semble enjoué et Araignée presque sympathique (on a dit presque !). Attardez-vous sur chaque case ou illustration : elles sont souvent, tout comme le texte, truffées de détails humoristiques.
L’inépuisable univers du conte
On lit cet album comme un vieux livre de conte : peu de cases, pas de bulles mais une belle calligraphie manuscrite de Capucine, et des illustrations en noir et blanc comme dans les premiers recueils de Perrault destinés à la jeunesse. On s’attendrait presque à voir une couverture rouge et or.
Mais la modernité est passée par là et nous propose autre chose : une version audio et des bonus en réalité augmentée. Armé de votre téléphone ou de votre tablette, ouvrez l’application gratuite Delcourt Soleil+ – disponible sur Apple et Android – pour scanner les pages sur lesquelles se promène une fourmi. Vous aurez alors accès à des éléments supplémentaires, qui certes n’apportent rien à la narration mais font un petit bonus. On regrettera juste qu’ils ne soient pas plus intégrés à la narration, sans doute un choix des auteurs que de ne pas obliger le lecteur à sortir du livre pour utiliser ses appareils connectés.
Rat et les animaux moches trouveront-ils le bonheur ? À vous de le découvrir dans ce bel album, sélectionné parmi les pépites du Festival de Montreuil 2018 et que les adultes apprécieront aussi.
- Rat et les animaux moches
- Scénario : Sibylline
- Dessin : Jérôme d’Aviau
- Lettrage : Capucine
- Editeur : Delcourt
- Prix : 19,99€
- Parution : 2 mai 2018
- IBAN : 978-2413001508
Résumé de l’éditeur : « Ne supportant plus les hurlements injustes de la propriétaire, Rat part à la recherche d’une nouvelle maison. Ses errances vont le mener au Village des animaux moches qui font un petit peu peur. Rat va petit à petit découvrir que les habitants ne sont pas toujours heureux. Il va s’investir dans cette mission et dévouer sa vie à la réhabilitation des animaux moches… »