Sara

Hiver 1942.

Siège de Leningrad.

Perchée en haut d’un arbre, une femme vêtue d’une combinaison de camouflage blanc attend…

L’œil vissé à la lunette de son fusil de précision, elle attend…

Tôt ou tard, son doigt appuiera sur la gâchette, et là, un nazi tombera ; alors elle attend…

Son nom est Sara; et Garth Ennis et Steve Epting nous content son histoire dans une œuvre magistrale éditée par Panini Comics.

L’OPÉRATION BARBAROSSA.

En Juin 1941, en lançant l’opération Barbarossa, le IIIe Reich entendit éradiquer les « Rouges ». Ainsi, quatre millions de soldats pénétrèrent l’U.R.S.S., bien décidés à faire plier l’opposant communiste en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire.

Pourtant, l’impensable se produisit, et malgré son écrasante supériorité, la Wehrmacht marqua le pas et s’enlisa même dans un conflit qui allait jouer un rôle prépondérant dans sa défaite finale.

Bien trop sûre de son avantage, l’armée allemande n’avait pas prévu que pour défendre la Mère patrie, l’armée Rouge mettrait tout son cœur et toute son âme.

En effet, pour repousser les nazis, la Russie s’est levée et a combattu comme un seul homme, comme une seule femme devrait-on plutôt dire ici…

SARA GOT HER GUN.

Le fait est que dans SaraGarth Ennis et Steve Epting nous proposent de découvrir ce pan de l’histoire par le prisme d’une héroïne fictive, mais inspirée de Lioudmila Pavlitchenko, une tireuse d’élite surnommée « Lady Death » pour des faits d’armes qui ont construit sa légende.

« Messieurs, j’ai 25 ans. J’ai déjà éliminé 309 envahisseurs nazis. N’avez-vous pas l’impression de vous cacher trop longtemps derrière mon dos ? »

Une bataille épique, une héroïne tueuse nazis…

Tous les ingrédients sont réunis pour réaliser une bonne bande dessinée de guerre. Mais lorsque Garth Ennis est à l’écriture, on se doute que l’histoire s’éloignera des sentiers battus.

SEVEN GLORIOUS BASTARDS.

Elles s’appellent Vera, Darya, Mari, Nata, Lydi ‘Rina et Sara. Elles ont toutes un même idéal que partage d’ailleurs l’auteur : éradiquer le mal incarné que constitue le nazisme.

Elles sont toutes différentes, elles sont toutes attachantes, mais dans ce récit de guerre, elles sauront toutes arriver à leurs fins et trouver un nazi dans le viseur de leur fusil.

Guidées par le personnage éponyme qu’est Sara, elles iront là où personne -aucun homme pourrait-on dire- n’ose aller.

Mais qu’on ne s’y trompe pas, Sara n’est pas Lioudmila Pavlitchenko. Et les habitués de l’auteur de Punisher – Soviet savent que s’il est fasciné par la guerre, c’est avant tout parce qu’il la déteste.

LA GUERRE SELON GARTH ENNIS.

Garth Ennis a beau être connu du grand public pour ses œuvres irrévérencieuses adaptées au petit écran (Preacher, The Boys), il est aussi un passionné de récits de guerre qui bénéficient tous de la même vision désabusée sur fond d’histoire réelle (Histoires de guerre, War is Hell).

Sara, initialement édité chez TKO Studios et paru en France chez Panini Comics est de cette veine.

Comme à son habitude, le très talentueux scénariste livre une histoire extrêmement documentée. Les dates, les lieux, les uniformes, les armes, les stratégies militaires et même certaines personnes sont issus de l’Histoire. Ainsi, bien vite, l’immersion se produit et on se retrouve plongés dans un froid sec au cœur du siège de Leningrad, dans une unité de tireuses d’élite dévouées corps et âme à la Mère patrie.

Sara ou Le talent de Steve Epting

Le talent de Steve Epting contribue d’ailleurs grandement à cette impression : la pureté des décors immaculés contraste avec l’horreur des combats et la noirceur du cœur de certains hommes.

Pourtant, là où on aurait pu s’attendre à un récit de guerre mené tambour battant, le scénariste choisit de se caler, presque par mimétisme, sur le sang-froid des snipers. Ainsi, l’auteur présente une narration étonnement lente qui avance à un rythme parfaitement maîtrisé. Au plus proche des héroïnes, on retient notre respiration avec les jeunes femmes. Et face à leur talent au tir, on se surprend à croire qu’elles pourraient réussir ; d’autant plus qu’elles combattent l’ennemi ultime et qu’elles glissent petit à petit vers le statut de super-héroïne…

Mais finalement, c’est là, au moment où on espère le plus assister à l’apothéose du super-héros, que le pessimisme et la vision désabusée de l’auteur prennent le dessus.

Et comme bien souvent lorsqu’on termine une œuvre de l’auteur irlandais, on referme le livre abasourdi avec un goût amer dans la bouche.

Avec Sara, Garth Ennis et Steve Epting réalisent une œuvre parfaitement maitrisée, touchante et engagée bien que pessimiste.

À l’image de ses personnages, Garth Ennis ajuste un tir millimétré qui nous touche en plein cœur.

Article posté le lundi 08 février 2021 par Victor Benelbaz

Sara de Garth Ennis et Steve Epting (Panini)
  • Sara
  • Scénariste : Garth Ennis
  • Dessinateur : Steve Epting
  • Editeur : Panini
  • Parution : 02 décembre 2020
  • Prix : 19,95 €
  • ISBN : 9782809492781

Résumé de l’éditeur :  Nous sommes en Russie pendant l’interminable hiver 1942, et nous suivons le sniper soviétique Sara, tandis qu’elle résiste aux envahisseurs nazis avec ses camarades. Les femmes du campement sont isolées dans un baraquement à part et l’unité repousse vaillamment l’ennemi, mais pour combien de temps ? Une histoire complète inspirée d’une histoire vraie. Garth Ennis (The Boys, Preacher, Punisher) n’est jamais autant à l’aise que sur les histoires de guerre. Il est donc ici dans son élément aux côtés de l’efficace Steve Epting, qui illustrait entre autres le Captain America d’Ed Brubaker. Des dessins qui valaient bien un format un peu plus grand que le format comics habituel.

À propos de l'auteur de cet article

Victor Benelbaz

Tombé dans la marmite de la bande dessinée depuis tout petit, Victor est un vrai amateur éclairé. Comics ou récits jeunesse sont les deux genres préférés de ce professeur de français.

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