Après la mort de son père, Sara quitte son foyer familial espagnol pour l’Allemagne où elle va suivre des études artistiques. Entre ses angoisses et une vieille dame bizarre chez qui elle loge, Sara aura beaucoup de difficultés à s’intégrer. Anapurna dévoile Sara, un bel album aux éditions Çà et là.
QUITTER L’ESPAGNE
Sara prend le temps de visionner une cassette VHS du Noël 1990, un beau moment de partage avec son père, sa mère et son petit frère. Triste, personne ne peut la consoler. Il faut souligner que son père vient juste d’être enterré aujourd’hui.
Afin de se donner de l’air, la jeune femme d’une vingtaine d’années a décidé de quitter l’Espagne pour apprendre la gravure à Karlsruhe en Allemagne. Après des au-revoir délicats, elle pose le pied dans ce pays inconnu.
GRETA : UNE ÉTRANGE LOGEUSE
A peine débarquée, elle le sent, son séjour ne va pas se dérouler de la plus simple des manière. Maîtrisant mal la langue – elle a très peu travaillé lors de ses cours – elle ne connait pas le chemin de sa logeuse. Elle croise alors Max, un allemand qui a vécu deux années en Espagne et qui prend le temps de la conduire jusqu’au petit pavillon typiquement allemand de Greta.
Avec son accent à couper au couteau, Sara a du mal a comprendre tout ce qu’elle peut dire. Grâce à un allemand très simple, elle réussit à parler un peu. Installée dans la chambre d’amis, elle est entourée de livres sur l’Art. Un sentiment étrange envahie la jeune femme ; il faut dire que Greta est étrange, passant de nombreuses heures dans sa cave. Qu’y fait-elle ?
SARA ET SES DEMONS
Anapurna (de son vrai nom Ana Sainz) dont c’est le premier album de bande dessinée, met en scène des événements qu’elle a vécu partiellement – la mort de son père et ses études en Allemagne – pour proposer un ouvrage d’une grande intelligence narrative. Sensible et tout en pudeur, elle raconte ses délicates relations avec les autres (sa mère, son frère et les Allemands) mais aussi ses doutes et ses peurs matérialisés par des démons intérieurs forts et prégnants. A travers des cauchemars peuplés des images de son père, elle essaie de se construire en tant que femme bon gré mal gré.
Ce dépaysement total est donc une quête personnelle identitaire forte. Ce traumatisme est également traité de manière surprenante entre raison et folie. Le personnage de Greta résumant parfaitement cette ambivalence : cette femme très âgée est à la fois douce, chaleureuse mais surtout très mystérieuse. Sara pensera même qu’elle est une dangereuse maniaque, comme elle le racontera à ses amis.
Dans Sara, Anapurna propose aussi une réflexion sur l’Art et les études autour de cette thématique. En choisissant la gravure, son héroïne peut matérialiser ses peurs et ses démons.
FANTASMES
En parsemant son récit de cases muettes, elle renforce le suspens mis en scène aussi par des visions fantasmées de la réalité. Entre horreur et cauchemars, Sara traine sa nostalgie douce-amère au fil de son séjour. La mélancolie est parfaitement mise en lumière par un trait fait des hachures qui remplissent les cases et qui ne nécessitent pas d’aplats de couleurs. Agrémentée de quelques touches d’orange ou de rouge, la partie graphique est parfaitement maîtrisée. Un découpage lent et singulier permet à Anapurna de livrer une histoire qui charmera le lecteur.
Pour découvrir l’univers de cette jeune auteure espagnole à suivre, vous pouvez parcourir son blog ici : Anapurna.
- Sara
- Auteure : Anapurna
- Éditeur : Çà et là
- Prix : 18€
- Parution : 21 juin 2016
Résumé de l’éditeur : Sara est le premier roman graphique d’une auteure espagnole, Anapurna (de son vrai nom Ana Sainz), récompensé par le Prix Fnac Salamandra en 2015. Dans ce récit, une jeune artiste, Sara, quitte l’Espagne pour suivre une formation dans un atelier de gravure à Karlsruhe, en Allemagne, alors que son père vient tout juste de décéder. Elle débarque dans ce pays inconnu, maîtrisant très mal la langue. Encore sous le choc de la mort de son père, Sara n’est pas rassurée par son nouvel environnement. Elle vit chez Greta, une vieille allemande très douce mais un peu mystérieuse. La nuit, Sara entend des bruits inquiétants en provenance du sous-sol de la maison. Elle en vient à se demander si Greta n’est pas une dangereuse maniaque… Partiellement inspiré d’événements arrivés à l’auteur (le décès de son père et un séjour en Allemagne dans le cadre de ses études artistiques), Sara est un récit sur la frontière parfois ténue entre la raison et la folie qui traite de la paranoïa, de la perte d’un être cher et de la tragédie historique. Au diapason des pensées du personnage principal, les fines hachures du dessin remplissent tout l’espace des cases, contribuant à créer un climat étouffant et oppressant et la bichromie par petites touches contraste avec la noirceur des fantasmes de Sara et ses démons personnels. Un premier ouvrage remarquablement maîtrisé.
À propos de l'auteur de cet article
Damien Canteau
Damien Canteau est passionné par la bande dessinée depuis une trentaine d’années. Après avoir organisé des festivals, fondé des fanzines, écrit de nombreux articles, il est toujours à la recherche de petites merveilles qu’il prend plaisir à vous faire découvrir. Il est aussi membre de l'ACBD (Association des Critiques et journalistes de Bande Dessinée) et co-responsable du prix Jeunesse de cette structure. Il est le rédacteur en chef du site Comixtrip. Damien modère des rencontres avec des autrices et auteurs BD et donne des cours dans le Master BD et participe au projet Prism-BD.
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