Seizième printemps

Une petite renarde est abandonnée par ses parents chez son grand-père et sa tante. Tout son malheur est adoucit par l’arrivée dans sa vie de sa voisine, une poule d’une douceur extrême. Après Je ne suis pas d’ici, Yunbo nous plonge dans Seizième printemps un récit animalier jeunesse tendre et poignant aux éditions Delcourt. Somptueux.

« Et je me demande chaque fois ce que j’ai fait de mauvais pour être ainsi, seule dans ce monde. »

La vie de Yeowoo semble douce. La petite fille de 5 ans vit avec son père et sa mère. Mais les disputes dans le couple se font de plus en plus fréquentes et fortes.

Le point de rupture arrive alors. Yeowoo doit quitter le foyer familial pour rejoindre la maison de son grand-père et de sa tante. L’homme très âgé et la femme célibataire ne sont pas au goût de la petite fille. Son père l’abandonne là, à son triste sort. Une grande colère monte en elle contre tous ces adultes autour d’elle. Rien ne l’apaise.

Poule et fruits rouges, un délicieux cocktail

Toujours en quête de retrouver sa maman, Yeowoo attend le prochain car pour la ville. Sur le banc, elle y croise pour la première fois Paulette, une poule qui a quitté la grande ville pour le village des Renards. Surprenant.

Paulette a acheté la maison voisine de celle du grand-père de Yeowoo. Celle avec une serre que la poule a aménagée avec soin : plantes, arbustes vivriers, table de lecture.

Après une deuxième rencontre effrayante entre la petite fille et sa voisine, puis un troisième avec les camarades de la première, le fil se noue entre les deux femmes esseulées. Une grande amitié nait entre elles…

« Chaque enfant bourgeonne à sa propre saison. »

Il y a de l’amour, de l’amitié, de l’humain et de l’optimisme dans Seizième printemps. Malgré les rages, les rancœurs et les frustrations, Yeowoo et Paulette se retrouvent l’une dans l’autre, se retrouve dans leur solitude et leur chagrin. L’une et l’autre grandiront ensemble, entre envie de liberté, d’émancipation et d’envie d’ailleurs.

Après le magnifique Je ne suis pas d’ici, Yunbo poursuit son cheminement et sa réflexion sur la solitude et l’arrivée dans une ville étrangère dans Seizième printemps. Si elle parlait d’elle dans le premier, dans le second, elle utilise des animaux anthropomorphes pour aborder des thématiques variées qui parleront aux enfants dès 12 ans (début collège).

Faire réfléchir pour grandir

On aime la délicatesse et l’envie de prendre son temps dans l’album de Yunbo. Rien ne sert de vouloir se dépêcher, de grandir trop vite, il faut gérer au mieux les étapes de sa vie. Ne pas s’imposer de rythme endiablé, juste prendre le temps de se découvrir pour forger sa personnalité. D’ailleurs, l’autrice sud-coréenne compose son album au fil des années et des saisons, où l’on voit grandir la petite Yeowoo de ses 5 à ses 16 ans. Le temps qui passe est donc aussi au cœur de l’album, notamment par le personnage du grand-père, au crépuscule de sa vie.

On est aussi submergé par les émotions entre les absences, les gros chagrins et les colères de Yeowoo, mais aussi l’écoute et la bienveillance de Paulette. On apprécie la douceur et le temps long pour être la confidente de la renarde. Elle ne force jamais la jeune fille et la fait réfléchir sur sa condition juste en la faisant verbaliser. Si Yeowoo semble seule, abandonnée, elle est finalement entourée d’amour, plus qu’elle ne le pense. S’épanouir auprès de personnes qui nous portent de l’attention, c’est tellement fort et beau.

La délicatesse des aquarelles pastel

Les deux héroïnes sont différentes, n’ont pas la même vie, le même âge et n’ont pas la même vision de la vie mais elles se retrouvent pour s’enrichir.

Ces belles valeurs de Seizième printemps sont merveilleusement mises en image par Yunbo. Tout est délicat et beau dans les planches de l’autrice. Ses pages sont admirablement mises en valeur par une édition au format à l’italienne. Les aquarelles pastel sont attrayantes par des couleurs subtilement choisies. Chaque chapitre s’ouvre sur une fleur (forsythia, colza, abricotier du Japon, iris…). La flore est belle sous les pinceaux de Yunbo et ses personnages zoomorphes sont attachants. On a envie de les prendre dans nos bras pour les chouchouter.

Seizième printemps : la sublime surprise de ce mois d’avril. De l’amitié, de l’amour, de la bienveillance et de l’écoute pour une fable animalière touchante et solaire.

Article posté le dimanche 24 avril 2022 par Damien Canteau

Seizième printemps de Yunbo (Delcourt)
  • Seizième printemps
  • Autrice : Yunbo
  • Éditeur : Delcourt, collection Jeunesse
  • Prix : 26,50 €
  • Parution : 13 avril 2017
  • ISBN : 9782413028277

Résumé de l’éditeur : À cinq ans, la jeune renarde Yeowoo part vivre à la campagne chez son grand-père et sa tante. Rejetée par les siennes, une poule jardinière, Paulette, devient sa nouvelle voisine. Cette dernière n’a jamais pu pondre d’oeufs et considère la petite renarde solitaire comme son propre enfant. Avec son aide, Yeowoo mûrit, grandit et commence à apprécier la vie à la campagne, la vie tout simplement.

À propos de l'auteur de cet article

Damien Canteau

Damien Canteau est passionné par la bande dessinée depuis une vingtaine d’années. Après avoir organisé des festivals, fondé des fanzines, écrit de nombreux articles, il est toujours à la recherche de petites merveilles qu’il prend plaisir à vous faire découvrir. Il est aussi membre de l'ACBD (Association des Critiques et journalistes de Bande Dessinée). Il est le rédacteur en chef du site Comixtrip.

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