Simon du fleuve

Les éditions Le Lombard rééditent l’oeuvre de Claude Auclair, dessinateur phare des années soixante-dix, créateur de Simon du fleuve.

HÉROS D’UN MONDE PERDU

Les lecteurs quinquagénaires se souviennent peut-être de cet élégant jeune homme aux cheveux longs et à la barbe fournie qui hantait les pages de leur journal Tintin dans les années 70… Ce Simon du fleuve, né sous les crayons du dessinateur Claude Auclair (1943-1990) revit aujourd’hui à travers une intégrale (3 tomes sont prévus) que lui consacre les éditions du Lombard.

Avec ses faux airs de Rahan et son pistolet désintégrateur, seul vestige d’un monde perdu, Simon du Fleuve est un migrant qui dit-il « sait d’étranges contes où des cités fantastiques et de mystérieux peuples s’affrontent en de titanesques batailles « .

UNE NATURE SOMPTUEUSE

L’histoire qui ouvre cette intégrale, « La ballade de Cheveu rouge », nous emmène dans un futur proche. Dans un décor somptueux où la nature a repris ses droits après qu’une guerre mondiale a décimé une partie de l’humanité, Simon qui vit en ermite au bord  du fleuve rencontre un vieil homme qui lui demande de l’aide pour retrouver son fils, « Cheveu rouge « . Ce dernier n’et pas revenu de sa dernière campagne d’abattage et de  convoyage de bois.  On apprend bientôt que Cheveu rouge est sans doute tombé entre les mains des « Seigneurs' » qui terrorisent la région.

S’en suivent alors plusieurs mésaventures au cours desquelles Simon va devoir se battre pour tirer Cheveu rouge des griffes de ses oppresseurs. Ce cheminement qui prend la forme d’une quête initiatique – des ermites quittant la vie sauvage pour rechercher un fils et qui se sacrifient pour lui- rappelle le roman de Jean Giono, « Le Chant du monde ». A l’époque, en 1973, on accusa même Auclair de plagiat alors que celui-ci se défendait en parlant d’hommage…

Dans les deux épisodes suivants qui nourrissent cette « Chronique de temps à venir « , « Le clan des centaures » et « Les esclaves », on retrouve notre héros, toujours évoluant au sein d’une nature généreuse. On en apprend aussi un peu plus sur ses origines, sur son père, scientifique de renom et sur la mystérieuse « Cité 3″… On y voit des hommes prêchant le retour à la nature qui se font asservir par les maîtres des Cités et deviennent des esclaves dans de gigantesques complexes militaro-industriels…

ÉCOLOGISTE AVANT L’HEURE ?

Avec ses trois albums post-apocalyptiques aux allures de néo-westerns dans lesquels il décrit un monde saccagé par la soif de pouvoir et la violence du plus fort, Auclair développa aussi un discours social et politique fort qui ne détonne pas dans le paysage idéologique des années soixante-dix en France et en Europe. A tel point que certains reprochèrent et reprochent encore à Simon du Fleuve son aspect démonstratif et « pédagogiste ».  L’auteur s’en moquait sans doute, lui qui ne cachait pas ses sympathies écologistes.

« Je ne crois pas, expliquait-il dans une interview à l’époque, que l’écologie soit systématiquement synonyme de retour aux  champs. Trop souvent, on s’est planté en ayant cette démarche. Ce que j’ai tenté de dire à travers Simon du fleuve, entre autres choses, c’est que si on ne vit pas avec en soi la conscience de la terre, sa sagesse, mais aussi sa brutalité, alors l’humanité est fichue, elle se réserve un avenir concentrationnaire en vivant sous cloche, ou un avenir régressif où la barbarie sera épouvantable « . 

Quarante ans plus tard, le propos d’Auclair est-il si décalé ?

Article posté le lundi 21 décembre 2015 par Jean-Michel Gouin

  • Simon du fleuve
  • Scénario et dessin : Claude  Auclair
  • Editeur : Le Lombard
  • Prix : 29 euros
  • Parution : 16 octobre 2015

Résumé de l’éditeur: Au début des années 70, Simon du Fleuve surgit dans l’hebdomadaire Tintin. Son créateur, Claude Auclair, ne va pas tarder à fêter son trentième anniversaire et n’a encore derrière lui qu’une courte carrière dans la bande dessinée. Peu importe, le ton littéraire de sa « Ballade de Cheveu Rouge », dans laquelle perce toute son admiration pour Jean Giono et son « Chant du monde », suscite d’entrée de jeu un débat passionné entre les lecteurs du journal. Suivent bientôt « Le Clan des Centaures » et « Les Esclaves », deux « Chroniques des temps à venir » au ton résolument adulte et engagé et situés dans un monde post-atomique. Retour sur l’une des séries les stimulantes des Éditions du Lombard et sur l’un de ses auteurs les plus attachants.

À propos de l'auteur de cet article

Jean-Michel Gouin

Passionné par l'écrit, notamment l'histoire, la littérature policière et la bande dessinée, Jean-Michel Gouin est journaliste à Poitiers.

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