The Riddler – Année Un

The Riddler – Année Un : «  Toute ma vie n’est qu’une énigme cruelle que je ne réussis pas à résoudre, et qui m’asphyxie l’esprit sans relâche. Et puis aujourd’hui je l’ai aperçu… ce mot tout bête sur le registre posé sur le bureau. Sous mes yeux ! RELANCE ! Cette promesse creuse qu’on m’a fait avaler enfant à l’orphelinat. Il m’a suffi de jeter un œil sur ces pages pour comprendre enfin. Toute ma vie m’a préparé à cet instant… cet instant où j’apprendrais la vérité… où je pourrais enfin leur rendre leurs coups et dénoncer leurs mensonges ! Si vous voulez que les gens comprennent, vous comprennent vraiment, il ne suffit pas de leur donner les réponses, il faut les défier. Les torturer à coup de questions terrifiantes, tout comme ils m’ont torturé. Je sais à présent ce que je dois devenir. »

Ces mots sont ceux d’Edward Nashton, un homme d’une trentaine d’années à la psyché fragile, qui le jour où il les écrivit venait d’avoir une révélation sur les rouages d’un système politique corrompu et organiser pour cela, l’organisation politique de la ville de Gotham.

 

Un homme timide et ordinaire

A l’ouverture du récit Edward travaille sans relâche dans un cabinet d’expertise comptable. Ses facultés hors norme pour le calcul, alliée à une pugnacité increvable et à une attitude méticuleuse extrême, font qu’il produit des rapports d’audit et d’expertise irréprochables en des temps records. Seulement, c’est toujours Zach, son chef de projet, un incompétent arriviste, qui en récolte les lauriers.

Edward trop timide, trop introverti est incapable de sauter un échelon pour aller lui-même présenter son excellent travail à son patron, M. Stone. Edward Nashton est l’archétype du binoclard surdoué, névrosé, incapable de rapports sociaux ordinaires. Malmené depuis sa plus tendre enfance à l’orphelinat de Gotham City, il est toujours en proie aux doutes et le manque de reconnaissance dont il souffre n’a de cesse à faire enfler ses frustrations et son sentiment d’injustice.

The Riddler : Un nouveau justicier pour nettoyer Gotham

À l’heure où débute ce récit, la ville de Gotham est infestée par la violence, envahie par la délinquance en tous genres, infectée par le collyre – une drogue bon marché qui fait des ravages. Les autorités en place semblent définitivement incapables de redresser la barre, et d’enrayer la criminalité galopante. La seule lueur d’espoir aux yeux d’Edward pour peut-être éviter le naufrage absolu de Gotham, réside dans l’apparition récente en ses rues, d’un justicier masqué qui parvient tant qu’à faire ce peut à châtier nombre de malfaiteurs et autres criminels. Le Batman, surgit dont ne sait où, débute sa carrière de justicier. Les journaux en font leurs gros titres, et Edward commence à lui vouer une véritable admiration.

The Riddler de Paul Dano et Stevan Subic (éditions Urban Comics)

L’audit de trop

Aussi après que lui ait été confié un nouvel audit, et qu’Edward y ait découvert d’insidieuses malversations. Après qu’il ait tiré le fil comme personne ne l’aurait fait à partir d’une minuscule petite erreur de comptabilité que personne n’aurait jamais remarqué. Après qu’il se soit lancé dans une enquête approfondie  – Edward est du genre à récupérer les chutes de papiers dans la broyeuse du bureau pour reconstituer des documents compromettants – et que cela lui ouvrit les yeux sur une corruption de masse. Une corruption qui implique des sociétés écrans, un système qui utilise des entreprises foireuses pour blanchir l’argent d’un trafic très organisé de collyre (production – distribution – et vente).

Après qu’il ait compris que son patron, M. Stone, mais aussi le commissaire, le maire et le procureur de Gotham aient tous trempés les doigts dans le pot de confiture. Et surtout, et c’est ce qui le rend le plus dingue, après qu’il ait réalisé que le fond de Relance de Gotham est au cœur de ces malversations, Edward n’y tient plus.

Malversation dans Le fond de relance de Gotham

Il faut dire que ce fond de Relance a été créé bien des années auparavant, alors qu’Edward était encore à l’orphelinat, par le richissime philanthrope Thomas Wayne. Le père de Bruce, alors en campagne pour briguer la mairie de Gotham. Dans ses yeux d’enfants, Thomas Wayne apparaissait déjà comme le héros qui allait sauver la cité alors déjà pétrie d’injustices. Enfin bref c’est une énorme désillusion qui vient lui gifler le visage et aujourd’hui Edward veut faire exploser le merdier, sortir de son angle mort, et mettre un terme à son existence jusqu’alors recluse et soumise. Lui aussi veut faire la une des journaux, et pourquoi pas aux côtés du Batman, main dans la main, même s’il se demande bien comment, pour l’heure, il va pouvoir rentrer en contact avec lui.

The Riddler de Paul Dano et Stevan Subic (éditions Urban Comics)

 

The Riddler : Un profil psychologique consistant

D’un point de vue narratif le récit scénarisé par Paul Dano ne présente guère plus d’intrigue ou d’évènements marquants que le résumé que je viens de vous en faire. Cependant là où ça devient véritablement intéressant et remarquablement brillant c’est dans la construction psychologique du personnage du Riddler (énigme) ou du Sphinx.

Edward Nashton flirte avec la ligne rouge en permanence, ses névroses gagnent du terrain inlassablement. Une paranoïa pointe gentiment le bout de son nez, et l’on pourrait aisément croire qu’il tomberait alors dans une interprétation erronée des découvertes qu’il fait. Et pourtant son sens inné du calcul et son esprit de déduction affuté lui ouvriront les yeux sur des évidences incontestables. Cela ne lui laissera d’autres choix que de passer à l’action. Ainsi nait le Riddler et c’est dans sa tête, à partager ses pensées les plus intimes, que nous suivons ce cheminement, cette transformation.

Un dessin parfaitement idoine

Graphiquement le travail que réalise Stevan Subic sur ce titre offre un rendu sombre, glauque – brouillon dans le bon sens du terme-, un travail qui reflète en permanence la confusion et la souffrance qui règne dans l’esprit d’Edward. Les écritures sont raturées, obliques, voire carrément tête en bas. Les illustrations de documents de travail d’Edward sont souillées, rafistolées, faites de collages aux apparences foutraques. Et tout ce désordre ambiant participe pleinement à renforcer la sensation de fragilité mentale du personnage sans en ternir la méticulosité dont il fait preuve. Si vous connaissez le travail de Martin Simmonds sur la série The Department of Truth, alors vous avez une idée assez juste de celui de Subic sur ce titre.

 

Et pourquoi pas une suite de The Riddler…

Bien que ce récit soit présenté comme un one shot, la naissance du Riddler, on aimerait vraiment que les auteurs se lancent dans la réalisation d’une suite qui nous révèlerait sans doute le twist qui expliquerait comment et pourquoi Batman, ici justicier idolâtré par Edward Naston, deviendra demain son opposant le plus coriace connu de la Batsphère.

Article posté le vendredi 24 mai 2024 par David Lemoine

The Riddler de Paul Dano et Stevan Subic (éditions Urban Comics)
  • The Riddler – Année Un
  • Scénariste : Paul Dano
  • Dessinateur : Stevan Subic
  • Traducteur : Jérôme Wicky
  • Éditeur : Urban Comics
  • Collection : DC Black Label
  • Prix : 24 €
  • Pagination : 240 pages
  • Parution : 02 février 2024
  • ISBN : 9791026827832

Résumé de l’éditeur : Dans le film à succès de Matt REEVES, The Batman, le Riddler n’est pas simplement un joyeux excentrique ayant un goût prononcé pour les jeux de mots et les indices déconcertants, mais un véritable psychopathe aussi énigmatique qu’ impitoyable. Comment Edward Nashton, expert-comptable fragile et invisible, a t-il pu devenir l’un des pires criminels de Gotham ? Plongez dans l’histoire sombre et glauque d’un homme en marge de la société, refusant de passer inaperçu plus longtemps.

À propos de l'auteur de cet article

David Lemoine

Lecteur de BD depuis sa plus tendre enfance, David a fini par délaisser assez vite les classiques franco-belges, pour doucement voir ses affinités se tourner vers des genres plus noirs, plus grinçants, sarcastiques, trashs, violents, absurdes et parfois même décadents. Il grandissait en somme…. Fan de la première heure de Ranxerox et Squeeze the Mouse, il vénère aujourd’hui l’oeuvre d’auteurs Anglo-Saxon tel que Bendis, Brubaker/Phillips, Ben Templesmith, Terry Moore, Jonathan Hisckman, Ellis/Robertson, sans bouder son plaisir à la lecture des européens talentueux, francophone ou non, que sont Tardi, Ralf Konîg, Michel Pirus, Gess, les frères Hernandez, ou même Fred Bernard. La liste de ses amours dans le 9e art est loin d’être exhaustive, vous vous en doutez, et cela fait plus de 20 ans maintenant qu’il s’efforce de vous convaincre de les embrasser à travers ses chroniques radio qu’il vous livre chaque semaine dans l’émission XBulles sur les ondes de Radio Pulsar (http://www.radio-pulsar.org/emissions/thema/x-bulles/ / https://www.facebook.com/xbulles)”

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