Victory Parade

La Seconde Guerre mondiale vue des États-Unis. Pourtant l’horreur y est plus proche qu’il n’y paraît puisque les retentissements se sont fait sentir à travers l’océan Atlantique. C’est ce que Victory Parade nous propose de vérifier à travers cet étonnant récit. Mais cet album publié chez Çà et Là, nous invite à découvrir l’étonnant dessin de Leela Corman dont les influences puisées dans l’Expressionnisme allemand se font profondément sentir.

Victory Parade de Leela Corman chez Çà et Là

Une femme en temps de guerre

1943, Brooklyn. Rose Arenberg travaille dans un chantier naval. En effet, nombreuses sont les femmes à avoir pris les emplois précédemment occupés par les hommes. Ceux-ci ont été envoyés au front depuis l’entrée en guerre des Etats-Unis, le lendemain de l’attaque sur Pearl Harbor, le 7 décembre 1941.

Telles des Rosie la riveteuse, les femmes ont adopté l’uniforme de travail. Et ce n’est qu’une fois le travail terminé, qu’elles revêtent leurs tenues habituelles qui leur permettent de retrouver leur féminité. Mais pour Rose, sa féminité elle la retrouve également dans les bras de celui qui est devenu son amant.

Victory Parade de Leela Corman chez Çà et Là

 Trois femmes sous un même toit

Le quotidien de Rose se conjugue avec celui de sa fille Eleanor. Mais également avec Ruth, une réfugiée juive allemande qu’elle a recueillie. Les trois femmes cohabitent en l’absence de Sam, le mari de Rose, parti en Europe.

Même loin de New York, la guerre est bien présente chez ces trois femmes. Ruth, d’origine allemande, est là pour leur rappeler les traumatismes liés à l’antisémitisme qu’elle a subis alors qu’elle habitait à Berlin. C’est pour cela que la jeune femme souhaite prendre une revanche sur la vie. Celle-ci aura la forme de combats de catch auxquels elle va participer. Comme pour ainsi matérialiser sa lutte contre l’Allemagne nazie.

Victory Parade de Leela Corman chez Çà et Là

Un impossible retour à la normalité

1945, l’Allemagne a capitulé, Sam rentre du front. Et avec lui, il ramène à la maison toutes les horreurs qu’il a vues en libérant les camps de concentration. Le  traumatisme vécu par cet homme va modifier à tout jamais l’équilibre de sa famille.

Il est dans l’incapacité de s’exprimer ou d’expliquer ses angoisses. Comment est-il possible que quelqu’un puisse croire ce qu’il a rencontré ? Alors des hallucinations et des cauchemars viennent hanter ses jours et ses nuits. Et cela malgré la présence rassurante de sa femme et de sa fille.

Victory Parade de Leela Corman chez Çà et Là

Un dessin très fort au service du récit

Avec une forte imprégnation d’Expressionnisme allemand, Leela Corman nous fait basculer, d’une façon très originale, dans un univers pavé de traumatismes. Grâce à son dessin fortement marqué par ce style graphique, mais également par une revisite de certains tableaux du peintre Otto Dix, l’autrice américaine décrit habilement la façon dont un conflit peut meurtrir ses protagonistes, qu’ils en aient été à proximité ou à distance.

Son analyse sur le syndrome post-traumatique est très intéressante et montre que les conséquences, qui en découlent, peuvent atteindre les proches des traumatisés. Malgré un soutien sans faille, l’horreur vue ou vécue ne peut mener qu’à une incompréhension involontaire de la part de celles et ceux qui n’ont pas pu visualiser et mesurer l’indicible.

Victory Parade de Leela Corman chez Çà et Là

Le brut au service de la brutalité de l’Histoire

Victory Parade est un album vraiment très fort en raison des thématiques qu’il aborde, mais surtout en raison du traitement graphique qui en a été fait. Une parfaite adéquation entre un style graphique brut et un pan brutal de notre Histoire.

Un album à lire et à réfléchir !

Victory Parade de Leela Corman chez Çà et Là

Article posté le samedi 04 mai 2024 par Claire Karius

Victory Parade de Leela Corman chez Çà et Là
  • Victory Parade
  • Autrice : Leela Corman
  • Traducteur : Jean-Paul Jennequin
  • Éditeur : Çà et Là
  • Prix : 25,00
  • Parution : 19 avril 2024
  • Pagination : 176 pages
  • ISBN : 9782369904014

Résumé de l’éditeur : Rose Arensberg fait partie d’une équipe de femmes travaillant comme soudeuses sur le chantier naval de Brooklyn pendant la Seconde Guerre mondiale. Elle entretient une relation amoureuse avec un vétéran, en attendant le retour de son mari, Sam, engagé sur le front en Europe. Rose doit faire face à un quotidien difficile, tout en s’occupant d’Eleanor, sa petite fille impressionnable, et aussi de Ruth, une réfugiée juive allemande qu’elle héberge. Ruth va tenter d’exorciser le trauma de son enfance dans l’Allemagne nazie d’avant-guerre en devenant lutteuse professionnelle, avec des conséquences dévastatrices. Quant à Sam, les horreurs découvertes à la libération d’un camp de concentration le poursuivront jusqu’à son retour à Brooklyn sous la forme de flashbacks terrifiants qui le marqueront à jamais. Victory Parade brosse un portrait profondément émouvant de ces femmes résilientes inspirées de la fameuse « Rosie la riveteuse », et dépeint la façon dont les individus subirent les traumatismes de la guerre. Magnifiquement dessiné et parsemé d’hommages à Otto Dix, Victory Parade est un voyage expressionniste à travers les champs de bataille du coeur humain et les charniers de la Shoah.

À propos de l'auteur de cet article

Claire Karius

Passionnée d'Histoire, j'affectionne tout particulièrement les albums qui abordent cette thématique. Mais pas seulement ! Je partage ma passion de la bande dessinée dans l'émission Bulles Zégomm sur Radio Tou'Caen et sur ma page Instagram @fillefan2bd.

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