Entre septembre 1986 et octobre 1987 était publiée la formidable série Watchmen par les éditions DC Comics. Signées Alan Moore et mises en image par Dave Gibbons, les histoires innovantes et fortes faisaient entrer les deux auteurs dans le Hall of Fame du comics américain. Les éditions Urban Comics avaient décidé de rééditer le recueil en français en janvier 2012.
LES WATCHMEN : DES PERSONNAGES COMPLEXES ET TORTURÉS
Notre curiosité sur la vie de chaque personnage est clairement assouvie (et le sera un peu plus avec la récente série qu’est Before Watchmen, éditée par Urban Comics, si tant est qu’on veuille s’émouvoir du passé de chacun de ces protagonistes). C’est donc autour de ces hommes et femmes dotés non pas de super-pouvoir (sauf l’un d’entre eux) mais plutôt d’une capacité physique, métaphysique ou intellectuelle supérieure à la moyenne, que se dessine une Amérique au bord d’une attaque nucléaire sans précédent. Décor planté dès les premières pages : l’un deux, le Comédien, dernier vivant des Minutemen, est retrouvé défenestré. Cette mort tragique vite conclue en assassinat sera le fil rouge de l’histoire. Tour à tour, on fera la connaissance de chacun d’entre eux. Le lien les unissant au Comédien servira de prétexte pour entrer dans l’intimité de Dr Manhattan, Ozymandias, le Spectre Soyeux II, le Hibou II, et Rorschach. Et le moins que l’on puisse constater c’est que tous ont un passé, une histoire, une blessure qui font d’eux des êtres complexes et torturés. Une évidence se décante au fur et à mesure de la lecture : leur leitmotiv commun, la protection du citoyen américain, résonne comme une thérapie voire un échappatoire à leur défaitisme légitime…
DES RÉCITS PESSIMISTES
Les 419 planches des Watchmen sont remplies de pessimisme, de fatalité, de noirceur qui tranchent avec les couleurs flashy propres aux années 80. Les mini-récits fourmillent de détails tellement précis, tellement riches que le lecteur ne passe à côté de rien.
UNE HISTOIRE INTEMPORELLE
Alan Moore est brillant dans sa faculté à décortiquer toutes les facettes d’un personnage, on le sait, mais dans Watchmen on assiste à un feu d’artifice d’émotion, de retenue, de pudeur rendant ces héros particulièrement attachants. Quant au dessin, il pourrait sembler désuet à ce jour mais on parle d’une série achevée en 1986. L’histoire, elle, est intemporelle de par ce retentissement incessant de cette Amérique blessée mais jamais vaincue…
DES ADDENDA INGÉNIEUX
Ainsi les planches de Dave Gibbons paraissent voyager tout aussi aisément que le scénario de son compère. Sans oublier les ingénieux addenda à la fin de chaque chapitre qui donnent encore plus de détails grâce à des coupures de presse, journal intime, notes… Tout comme cette histoire dans l’histoire ! celle des pirates lu par un personnage secondaire : brillant ! Watchmen est une bande dessinée qui, incontestablement, a et devrait encore marquer quelques générations de bédéphiles.
Un article rédigé par Mikey Martin
- Watchmen
- Scénariste : Alan Moore
- Dessinateur : Dave Gibbons
- Editeur: Urban Comics, collection DC Essentiels
- Prix: 35€
- Parution: 21 janvier 2012
Résumé de l’éditeur : Quand le Comédien, justicier au service du gouvernement, se fait défenestrer, son ancien allié, Rorschach, mène l’enquête. Il reprend rapidement contact avec d’autres héros à la retraite dont le Dr Manhattan, surhomme qui a modifié le cours de l’histoire. Alors qu’une guerre nucléaire couve entre les USA et l’URSS, tous s’interrogent : qui nous gardera de nos Gardiens ?
ALAN MOORE A PROPOS DES WATCHMEN
« Je suppose que je me disais juste que c’était une bonne manière de démarrer un comic : un super-héros célèbre retrouvé mort. À mesure que le mystère s’éclaircissait, nous voulions progresser de plus en plus profond dans le cœur même du monde des super-héros, et montrer une réalité très différente de l’image de super-héros du grand public. » (in Jon B. Cooke, « Toasting Absent Heroes – Alan Moore Interview », Comic Book Artist, TwoMorrows Publishing, 16 juin 2000)
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