Yoko Tsuno tome 31

Avec ses 90 printemps, Roger Leloup est considéré comme le plus ancien auteur de bandes dessinées en activité. Et quoi de mieux que de présenter la 31e aventure de son héroïne Yoko Tsuno. Un album pour tous les amateurs et toutes les amatrices de l’ingénieure en électronique, pilier du journal Spirou !

Yoko Tsuno et les mystères de l’abbaye de Loch Castle

En cette douce soirée d’automne, Yoko et ses amies ont investi leur maison dans les arbres. Alors que les filles sont parties se coucher, Bonnie et Emilia sortent nourrir Goupil, le renard.

Les deux jeunes femmes surprennent alors des moines dans les ruines de l’abbaye de Loch Castle. Que peuvent bien faire ses mystérieux hommes à cette heure-ci dans ce lieu de culte abandonné ?

Mystérieuse diablesse

Le lendemain des péripéties de Bonnie et Emilia, Yoko rend visite à Cécilia dans son immense château. Elle confie à Yoko que les moines sont à la recherche d’une diablesse aveugle aux dons surnaturels.

Pour comprendre le fin mot de l’histoire, l’ingénieure en électronique part découvrir l’abbaye à son apogée. Avec le translateur de Monya, Yoko est projetée au XIIIe siècle…

Yoko Tsuno de Roger Leloup (éditions Dupuis)

Yoko Tsuno, héroïne culte du catalogue Dupuis

C’est en septembre 1970 que les lecteurs du journal Spirou découvrent Yoko Tsuno. Trois courts récits scénarisés par Maurice Tillieux et dessinés par Roger Leloup sont publiés (Hold-up en hi-fi, L’ange de Noël & La belle et la bête). L’histoire suivante est alors imaginée par Leloup, seul (Cap 351).

Le 13 mai 1971 paraît Le trio de l’étrange, la première histoire longue de Yoko Tsuno. C’est le début d’un immense succès pour les aventures de l’électronicienne de la bande dessinée. Elle devient alors un des piliers de la revue. Une prouesse à mettre au crédit de Roger Leloup, un auteur aussi discret que talentueux. Une réussite éditoriale qui débute dans un petit village belge.

Yoko Tsuno de Roger Leloup (éditions Dupuis)

Une enfance pendant la guerre

Verviers dans la province de Liège. Cette petite ville voit naître Roger le 17 novembre 1933. Plusieurs influences feront de Yoko Tsuno ce qu’elle.

Tout d’abord, sa jeune enfance, il la doit la passer pendant la Seconde Guerre mondiale. Roger est fasciné par les V1, avions de l’armée allemande. Il les scrute ne se rendant même pas compte du danger.

Il faut souligner qu’il est attiré par la mécanique. En plus de celle des avions, il peut observer celle des trains de la gare de Viviers. Tous les mécaniciens connaissent sa passion. C’est ce goût qu’il développe dans ses futurs albums, notamment les machines volantes ou les engins motorisés dans Yoko Tsuno.

Yoko Tsuno de Roger Leloup (éditions Dupuis)

Un grand-père et une tante, décisifs dans son rapport aux livres

De son grand-père, il garde le goût pour les sciences. Le vieil homme lui donne des exemplaires de Science & Vie. Roger les dévore.

Mieux encore. Alors que tout petit il doit garder le lit à cause d’une vésicule biliaire sensible, c’est sa tante qui prend le relais grâce aux livres. Comme il l’explique au site Yoko Tsuno : “Ma tante tenait une librairie, et je pouvais lui emprunter tous les livres que je désirais. Un de mes premiers chocs de lecteur, ce fut un album de Tintin: « L’Île noire », en noir et blanc, avec les hors-textes en couleurs. Ensuite, j’ai dévoré tous les grands classiques anglo-saxons, des sœurs Brontë à Dickens ! ».

Il poursuit son ouverture vers la littérature en lisant des œuvres de Jules Verne et H.G. Wells. Tout cela participe à son goût pour la science-fiction.

L'île maudite de la série Alix de Jacques Martin (éditions Casterman) Roger Leloup

La brillantine mène à tout !

Mais bien avant de publier la première aventure de Yoko Tsuno, Roger Leloup fait “ses classes et ses gammes” avec les plus grands auteurs belges de bande dessinée. Notamment Peyo pour lequel il travaille sur un album des Schtroumpfs.

Après des études aux Arts décoratifs et de dessin publicitaire à l’Institut Saint-Luc de Liège, il rencontre, par hasard, Jacques Martin en 1950. Le créateur d’Alix se rend dans le salon de coiffure de ses parents pour acheter de la brillantine ! Il devient son assistant sur les décors et la mise en couleur de L’île maudite. Comme quoi, la brillantine a forcé le destin du jeune homme !

Vol 714 pour Sidney d'Hergé (éditions Casterman)

Engagé par les studios Hergé

Pour Jacques Martin, il repasse également à l’encre des engins motorisés pour des travaux de commande. Et dans l’hebdomadaire Tintin, il réalise des planches autour des trains et des avions.

Il est ensuite engagé par les Studios Hergé en 1955. Roger Leloup y reste 15 ans et devient spécialiste des dessins techniques. Il conçoit notamment la chaise roulante du capitaine Haddock dans Les bijoux de la Castafiore ou l’avion de Laslos Carreidas dans Vol 714 pour Sidney !

Yoko Tsuno de Roger Leloup (éditions Dupuis)

Comme un cadeau de Noël

Arrive ensuite Yoko Tsuno en 1968. Comme un cadeau de Noël, les premières recherches de la jeune femme sont créées le 25 décembre. On connaît la suite.

Comme la décrit Gabriel Privat sur le site Alteia : “Yoko Tsuno est une héroïne née dans le Japon des années 1950. C’est à 19 ans qu’elle arrive en Europe.” Roger Leloup choisit alors le Japon comme patrie de Yoko Tsuno.

“Adulte, j’ai créé Yoko Tsuno. Je me suis en réalité offert l’amie que je n’avais pas eue dans ma jeunesse. Je me suis souvenu de l’actrice de cinéma d’origine asiatique Yoko Tani, si discrète, si réservée. On avait immédiatement envie de la prendre sous son aile… Ma Yoko, c’est la même chose. J’ai vraiment le sentiment de l’avoir créée pour pouvoir la protéger ! » comme il le confie au site Yoko Tsuno.

Yoko Tsuno de Roger Leloup (éditions Dupuis)

« Pour moi, elle a toujours vingt ans ! » [Le Monde]

Yoko Tsuno est une ingénieure japonaise en électronique. Elle vit des aventures sur Terre (en Belgique et dans le Monde entier) mais également dans l’espace et dans le temps.

Si l’on met de côté Bécassine créée en 1905 par Pinchon, dans les années 1960-1970, il y a peu d’héroïnes dans la bande dessinée. On peut les compter sur les doigts d’une seule main. Jean-Claude Forest imagine Barbarela en 1962, Jean-Claude Mézières et Pierre Christin créent Laureline en 1967. C’est la même année que Yoko Tsuno, en 1970, que François Walthéry met en image Natacha.

Roger Leloup confie des missions réservées d’habitude à des hommes à son héroïne. Elle est brillante et combat avec intelligence. Sans oublier que d’autres femmes jouent un rôle central dans la série : Khâny, Ingrid Hallberg, Eva Schulz, Monya ou encore Emilia McKinley. En cela, Yoko Tsuno est une oeuvre féministe et avant-gardiste. De nombreuses autrices soulignent d’ailleurs cet élément important dans la bande dessinée.

Roger Leloup auteur de Yoko Tsuno (crédit photo Dupuis / D. Fouss)

Roger Leloup, un auteur hors du temps

Alors oui, le trait de Roger Leloup dans L’aigle des Highlands est moins précis qu’à l’apogée de la série La forge de Vulcain, La fille du vent ou La spirale du temps mais il reste comme un repère important dans le monde de la bande dessinée franco-belge. Classique mais efficace.

Cédric Pietralunga, dans une interview accordée au Monde en 2015 mettait en exergue la force de travail de l’auteur belge : “C’est un travail à temps plein, je suis à mon bureau 70 heures par semaine”. Est-ce encore le cas aujourd’hui ?

Néanmoins, avec ses 90 ans, Roger Leloup est sans conteste l’auteur le plus âgé de la bande dessinée francophone. Mondiale ? Sûrement aussi.

Malgré sa modestie et sa discrétion, il a influencé de nombreux artistes et fait lire de nombreuses générations depuis 1970. Il a également ouvert la porte de l’Asie et du Japon à de nombreuses personnes alors que le manga n’était pas encore dans les librairies.

Yoko Tsuno est donc une œuvre majeure du 9e art, féministe, engagée et ayant ouvert les portes de l’Asie à de nombreux lecteurs.

Article posté le vendredi 24 mai 2024 par Damien Canteau

  • Yoko Tsuno, tome 31 : L’aigle des Highlands
  • Auteur : Roger Leloup
  • Coloriste : Studio Léonardo
  • Éditeur : Dupuis
  • Date de publication : 17 mai 2024
  • Nombre de pages : 48
  • Prix : 12,50€
  • ISBN : 9782808504942

Résumé de l’éditeur : Il se passe de drôles de choses dans les vestiges de l’abbaye de Loch Castle : des moines fouillent les ruines à la recherche de traces d’une diablesse et de son animal satanique. Mais ces moines sont surpris par Emilia et viennent s’expliquer auprès de Yoko. Ils racontent que la diablesse en question, une adolescente aveugle qui voyait à travers les yeux d’un aigle mécanique, aurait disparu dans une spirale de lumière ! À l’aide de Monya et de son translateur, Yoko part pour le XIIIe siècle découvrir ce qui s’est réellement passé dans l’abbaye calcinée. Roger Leloup a pris l’habitude d’alterner histoires dans l’espace et histoires « terrestres ». Que ce soit sur (ou sous) Terre ou dans l’espace, ses histoires sont toujours passionnantes et empreintes d’humanisme.

À propos de l'auteur de cet article

Damien Canteau

Damien Canteau est passionné par la bande dessinée depuis une trentaine d’années. Après avoir organisé des festivals, fondé des fanzines, écrit de nombreux articles, il est toujours à la recherche de petites merveilles qu’il prend plaisir à vous faire découvrir. Il est aussi membre de l'ACBD (Association des Critiques et journalistes de Bande Dessinée) et co-responsable du prix Jeunesse de cette structure. Il est le rédacteur en chef du site Comixtrip. Damien modère des rencontres avec des autrices et auteurs BD et donne des cours dans le Master BD et participe au projet Prism-BD.

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