Ma Guerre, De La Rochelle à Dachau

Notre avis : Nous sommes le 08 mai 2015, à la Roche-sur-Yon. Sur la place du Monument aux Morts, chacun attend de recevoir sa distinction. Parmi ces futurs décorés, un homme au crâne nu, absorbe chaque goutte de pluie sans le moindre frémissement. Ainsi commence le témoignage de Guy-Pierre Gautier, 91 ans, Résistant à la Seconde Guerre Mondiale et déporté à Dachau. Ainsi commence Ma Guerre.

Comme si cette pluie battante le ramenait à ses douloureux souvenirs, on retrouve Guy-Pierre 70 ans en arrière.  De là débute son histoire, son témoignage de cette douloureuse époque. De cet album dirigé par Tiburce Oger, le petit-fils de celui qui nous délivre sa guerre, ressortent deux parties distinctes.

C’est en juin 1940 que Guy-Pierre vit pour la première fois un officier allemand sur une avenue de La Rochelle. A peine âgé de 17 ans, il comprit vite le rôle qu’il pouvait jouer auprès de ses camarades résistants. C’est lorsque l’un d’entre eux, Paul Guérit, fut fusillé qu’il entra activement dans un réseau appelé l’Organisation Secrète étudiante (OSE). Les distributions de tracts clandestins prônant la défaite de l’Allemagne signaient le début des rébellions. Ce n’était pas suffisant. Après avoir intégré un groupe de Francs-Tireurs et Partisans Français, Guy-Pierre devient le matricule FTPF 501. Les opérations auxquelles il participe deviennent plus risquées et se concentrent sur les destructions d’infrastructures stratégiques ou sabotages de l’environnement ferroviaire.

Malgré plusieurs missions accomplies, l’inévitable se produit. Accompagné de quelques uns de ses compagnons qui ne se sont pas fait fusiller, Guy-Pierre se retrouve prisonnier et fut conduit en mai 1944, par des membres de la division Das Reich, à la gare [de Penne]. Le terrible voyage vers Dachau sert de transition glaçante à la deuxième partie de Ma Guerre.

Le 22 juin 1944, Guy-Pierre Gautier pensionnaire de Dachau, porte un nouveau matricule, le 73505. Jusqu’au 30 avril de l’année suivante, par les moult détails narrés par notre héros, nous survolons l’enfer subi par tous les déportés. Toute cette partie ne peut être décrite par quelques lignes. Il faut simplement respecter ce témoignage rude, poignant et suffocant, en ouvrant grand les yeux. Les cases de Tiburce Oger feront le reste. De l’arrivée de son grand-père maternel dans cet ignoble camp, où il fut transféré une vingtaine de jours après dans une annexe, Allach, pour finir dans un camp disciplinaire. A chacune de ces étapes, aucune horreur réveillée par les souvenirs de Guy-Pierre ne nous est épargnée. La fin de ce calvaire qui devrait s’associer au soulagement, devient si révoltante tant l’indifférence ressentie par notre protagoniste est flagrante à son retour.

Ma Guerre, De La Rochelle à Dachau, est avant tout un hommage d’un homme pour son grand-père. On devine aisément que l’énergie employée à respecter la justesse des événements a été pour Tiburce Oger une attention de tous les instants. On a cette sensation que les souvenirs de Guy-Pierre Gautier resurgissent au même rythme que le lecteur tournant les pages. L’illustration de l’auteur peut être perturbante notamment pour la difficulté, parfois, à reconnaître son protagoniste. Elle se justifie certainement par le fait que là-bas, logés à la même enseigne, encaissant les mêmes atrocités, portant le même costume rayé, subissant la même tonsure, ils se ressemblaient tous…

Ce nouveau récit de Tiburce Oger sonne comme un devoir de mémoire. Même s’il est très intimiste, il nous permet, une fois de plus, de nous rendre compte de l’ignominie subie par tous ces hommes et femmes durant cette sombre période. Monsieur Gautier en est l’un des rares témoins aujourd’hui. Il nous confie sa guerre, nous nous devons de l’écouter.

Article posté le dimanche 30 avril 2017 par Mikey Martin

Ma Guerre (Rue de Sèvres), T. Oger retrace l'histoire bouleversante de Guy-Pierre Gautier - décryptée par Comixtrip le site BD de référence
  • Ma Guerre, De La Rochelle à Dachau
  • Scénariste : Tiburce Oger
  • Dessinateur : Tiburce Oger
  • Adaptée de  : Guy-Pierre Gautier
  • Éditeur : Rue de Sèvres
  • Prix : 17,00 €
  • Parution : 22 février 2017

Résumé de l’éditeur : Voici le témoignage de Guy-Pierre Gautier, grand-père de l’auteur, survivant de Dachau. Engagé en 1943 dans la brigade « Liberté » des francs-tireurs et partisans de La Rochelle, il s’emploie à des sabotages de voies ferrées et au renseignement. La bravoure côtoie l’insouciance. A l’arrestation du réseau, les difficultés commencent avec les interrogatoires par la gestapo, une mutinerie de la prison d’Eysses, les fusillés. Le cauchemar s’installe lors du voyage infernal en wagons à bestiaux jusqu’à Dachau. Le courage masque alors à peine la frayeur. Le récit poignant d’un survivant, jour après jour, souffrance après souffrance, jusqu’à l’apparition de la silhouette immense d’un gi américain qui annonce la fin du cauchemar le 30 avril 1945. BD Ado/Adulte.

À propos de l'auteur de cet article

Mikey Martin

Mikey, dont les géniteurs ont tout de suite compris qu'il était sensé (!) a toujours été bercé par la bande dessinée. Passionné par le talent de ces scénaristes, dessinateur.ice.s ou coloristes, il n'a qu'une envie, vous parler de leurs créations. Et quand il a la chance de les rencontrer, il vous dit tout !

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