La maison aux insectes

Kazuo Umezu est considéré au Japon comme le père du manga d’horreur au Japon. En France, il est connu pour le manga à succès L’École emportée. Le Lézard Noir réédite plusieurs de ses histoires courtes créées entre 1968 et 1973. Des histoires qui naviguent entre horreur et fantastique désuet.

La Maison aux insectes, un recueil de manga d’horreur? Les nouvelles rassemblées dans ce recueil seraient plutôt, chez nous, qualifiées de fantastique. Un fantastique comme sorti du 19e siècle, à la Maupassant ou à la Prosper Mérimée, avec un brin d’Oscar Wilde, d’Edgar Allan Poe et de Lovecraft.

Du fantastique à la Maupassant

Un fantastique qui joue sur les angoisses du quotidien, angoisses qui peu à peu prennent toute la place. Ce recueil fait la part belle aux histoires de mariages malheureux, de couples qui ne marchent pas, de maris jaloux, de femmes trompées. Des histoires qui souvent jouent sur un certain type de morale japonaise, même si cette morale parait aujourd’hui largement désuète – les plus gentils parleront de « charme suranné d’un autre âge ».

Des histoires sombres et cruelles

Mais malgré cette base dépassé, ces histoires sombres, cruelles, psychologiques, tristes et sans espoirs se révèlent, aussi, étrangement captivantes (quand les chutes ne tombent à plat).

Un trait loin du manga moderne

Côté graphisme, l’impression générale parait aussi très désuète. Beaucoup plus que le manga, le trait rappel les comics du début du 20e siècle. Une composition et un trait d’un autre âge, mais qui restent très lisible – et qui font parfois le grand écart. Si les planches nécessitant de mettre en mouvement les personnages paraissent figés, d’autres – comme celles audébut de la nouvelle La Fin de l’Eté – captivent le regard, voir l’hypnotise, avec ses successions de cases presque identiques mais subtilement différentes.

Du noir dont se nourrissent les ombres

L’auteur fait aussi preuve d’une belle maitrise du noir et blanc – avec beaucoup plus de noir que de blanc. Chez Umezu, les peurs se tapissent dans l’ombre, dans les recoins sans lumières, et les âmes sont trop noires pour être éclairées. Des peurs qui parfois paraissent d’un autre âge, certes. Mais les fans d’Umezu apprécieront de retrouver ce pan peu connu de la carrière du maitre. Et pour les autres, l’ouvrage vaut aussi le coup d’œil. Ce n’est pas tous les jours que l’on peut lire du manga des années 70 avec un dessin américain du début du siècle et des scénarios rappelant le fantastique français d’il y a 150 ans.

Article posté le dimanche 10 mai 2015 par Thierry Soulard

La Maison aux Insectes, de Kazuo Umezu
  • La maison aux insectes
  • Auteur: Kazuo Umezu
  • Editeur: Le Lézard Noir
  • Prix: 15 €
  • Parution: 5 mai 2015

Résumé de l’éditeur: La Maison aux insectes est un recueil de sept histoires courtes parues au Japon entre 1968 et 1973. Dans ces récits pleins de noirceur, que l’on peut classer sans aucun doute dans la catégorie « manga d’horreur », Umezu met en scène des personnages dont le quotidien se trouve bouleversé du jour au lendemain, tandis que l’angoisse les fait peu à peu sombrer dans la folie. L’auteur raconte ainsi l’histoire d’une femme qui, pour fuir son mari violent, se prend soudain pour un insecte ; celle d’une épouse dévouée vivant dans la terreur après avoir été surprise en train de tromper son mari ; celle d’un homme, accusé à tort du meurtre de sa femme et de sa fille, qui fait une étrange expérience à la veille de son exécution ; ou encore le parcours d’une jeune fille dont le destin bascule lorsqu’elle rencontre deux hommes sur une plage… Nourri par une imagination débordante, Umezu livre des scénarios inspirés et inquiétants, qui surprennent le lecteur jusqu’à la dernière page, tandis que son dessin magnifique parvient à sonder les aspects les plus sombres de l’humanité. Ses planches, d’une noirceur particulière, attisent un étrange sentiment d’angoisse, et feront sans doute frissonner plus d’un lecteur.

À propos de l'auteur de cet article

Thierry Soulard

Thierry Soulard est journaliste indépendant, et passionné par les relations entre l'art et les nouvelles technologies. Il a travaillé notamment pour Ouest-France et pour La Nouvelle République du Centre-Ouest, et à vécu en Chine et en Malaisie. De temps en temps il écrit aussi des fictions (et il arrive même qu'elles soient publiés dans Lanfeust Mag, ou dans des anthologies comme "Tombé les voiles", éditions Le Grimoire).

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