Alors qu’elle entre au lycée, Rebekka est hantée par les attentats terroristes d’Utøya et d’Oslo en Norvège qui se sont déroulés un mois auparavant. Ces bouleversements se mêlent à son premier émoi pour un de ses camarades. Nora Dåsnes, autrice âgée de 16 ans lors de la tuerie, imagine Appels en absence, un récit entre traumatisme, envie de se relever et adolescence incandescente.
La Norvège panse ses plaies
2011. Rebekka habite Oslo avec sa mère policière et Joakim, son frère chômeur. Depuis moins d’un mois, tout le pays est bouleversé par l’attaque d’un terroriste d’extrême-droite dans la capitale et sur l’île d’Utøya.
Rebekka, elle aussi, est meurtrie. Pourtant, l’adolescente n’était pas sur place et ne connaît personne ayant péri dans les deux attentats. Elle n’arrive pas à s’en remettre. Alors, elle passe ses nuits à tenter de comprendre. Elle lit des articles et commence à écrire sur la tragédie.
Une entrée spéciale au lycée
En attendant de rentrer en seconde au lycée, Rebekka rejoint sa meilleure amie Fariba. Ensemble, elles se retrouvent avec des copains au bord de l’eau pour se baigner. Rien n’est plus comme avant. Leurs parents sont tétanisés à l’idée de les laisser sortir seuls. Ils multiplient les appels sur les téléphones pour savoir comment ils vont.
Le jour de la rentrée. Le proviseur fait un discours devant les nouveaux élèves. Il rend hommage à leurs camarades tués à Utøya. Rebekka se sent mal et sort de l’auditorium. Elle est rejointe par Daniel, un élève de première. C’est le coup de foudre !
Fariba décide de rejoindre la Ligue des jeunes travaillistes, tandis que Rebekka s’inscrit au cours de théâtre…
Appels en absence ou comment surmonter une traumatisme
Nora Dåsnes aborde l’horreur, le traumatisme et comment les surmonter. Dans Appels en absence, l’autrice de L’année où je suis devenue ado, imagine les bouleversements psychologiques des adolescents après l’attentat sur l’île d’Utøya. Pour cela, elle met en scène Rebekka, une adolescente en plein doute.
Âgée de 16 ans lors du massacre, Nora Dåsnes peut ainsi laisser ses émotions ressenties alors transpirer de son récit. Sans jamais être manichéenne, son histoire prend le parti de relater les troubles chez trois adolescents. Tous ne réagissent pas de la même manière à ce traumatisme. Rebekka tente de comprendre et se sent incomprise, Fariba a besoin de se sentir entourée en rejoignant la ligue des jeunes travaillistes (dont plus de 70 membres furent victimes de la tuerie sur l’île) et Daniel est protecteur.
“C’est ça, le but du terrorisme. Nous faire peur. Nous influencer.”
Nora Dåsnes ne nomme jamais le terroriste dans Appels en absence. Elle prend le soin de le laisser à distance pour se focaliser uniquement sur les sentiments et les émotions de ses protagonistes. Elle donne la parole à des victimes collatérales, des victimes par procuration. Rebekka n’est pas touchée directement, pourtant elle le ressent dans sa chair et dans son cœur. Dans l’album, les émotions sont simples, justes et profondes.
Le vendredi 22 juillet, le terroriste d’extrême-droite, Anders Breivik, place une bombe dans le quartier du Regjeringskvartalet à Oslo, faisant 8 morts. Plus tard, il se rend sur l’île d’Utøya et ouvre le feu sur des jeunes travaillistes en camp d’été. C’est un massacre ! 87 victimes dont la plupart ont entre 15 et 16 ans. L’âge de Rebekka, Daniel et Fariba.
Le pays est choqué et traumatisé. Peu habituée à des attaques terroristes, la Norvège est considérée comme un lieu ouvert, tolérant et bienveillant. C’est l’incompréhension totale.
Appels en absence : réactions en chaîne
Nora Dåsnes aborde ainsi la peur des parents et des adolescent.es, la résilience et les réactions différentes face à une tragédie. Dans Appels en absence, elle parle aussi de racisme par l’entremise de Fariba, de repli sur soi – par Rebekka mais aussi Joakim qui passe sa vie à jouer à des jeux vidéo violents – de silences mais aussi d’espoir. Espoir d’un pays qui se relève. Désir d’un avenir meilleur grâce aux jeunes. Espoir d’un amour naissant entre Daniel et l’héroïne du livre. Rebekka navigue entre ses premiers émois et cette torture intérieure. Et c’est là que l’autrice norvégienne est forte : elle mêle des sentiments contradictoires dans la tête d’une jeune fille en construction.
Si les propos sont puissants dans Appels en absence, l’album ne verse jamais dans la noirceur, dans la déprime. Dans toutes ses planches, il cache une lumière qui guide ces adolescent.es en perpétuelle demande et recherche.
- Appels en absence
- Autrice : Nora Dåsnes
- Traductrice : Aude Pasquier
- Éditeur : Casterman
- Prix : 25 €
- Sortie : 1er mai 2024
- Pagination : 288 pages
- ISBN : 9782203241848
Résumé de l’éditeur : Oslo, automne 2011. Peu après les attentats qui ont frappé la capitale norvégienne et l’île d’Utøya le 22 juillet 2011, Rebekka et Fariba entrent au lycée. Alors que Fariba rejoint la Ligue des jeunes travaillistes (dont le camp d’été a été la cible du terroriste), Rebekka, même si elle ne connaissait aucune des victimes, se révèle profondément marquée par cette tragédie. Submergée par un traitement médiatique sensationnaliste, incapable de comprendre les motivations du tueur, elle perd peu à peu pied… Comment surmonter l’horreur et le traumatisme, même lorsqu’on n’en est qu’une victime par procuration ? Nora Dåsnes avait 16 ans en 2011. Son ressenti a fortement nourri son récit.
À propos de l'auteur de cet article
Damien Canteau
Damien Canteau est passionné par la bande dessinée depuis une vingtaine d’années. Après avoir organisé des festivals, fondé des fanzines, écrit de nombreux articles, il est toujours à la recherche de petites merveilles qu’il prend plaisir à vous faire découvrir. Il est aussi membre de l'ACBD (Association des Critiques et journalistes de Bande Dessinée). Il est le rédacteur en chef du site Comixtrip.
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