Après un deuxième tome qui nous laissait sur un mignon cliffhanger, le nouveau volume de Copra semble prendre une pause récréative. Au menu, six histoires de personnages loin des girons de l’organisation. Mais est-ce vraiment les vacances pour autant ?
MUTATION SANS FIN
A la fin du deuxième tome, la plupart de nos amis de Copra avaient survécu à une attaque hors du commun, déjouant un piège qui se refermait inextricablement sur eux. Cette aventure était le moment pour Fiffe de faire preuve de plus de maturité que la précédente, que ce soit en terme d’enjeux narratifs comme visuels puisque l’histoire se déroulait entre la terre et plusieurs autres dimensions, dessinant en filigrane le mystérieux projet Ochizon, première pierre posée d’une intense saga en devenir.
Si le volume 2 était loin de mettre l’humain à part, la trame de ce tome 3 semble cette fois se poser pour mieux nous rapprocher des âmes branlantes qui composent l’unité. Nous faisons face à six destins, six évocations qui sonnent comme une pause après les déflagrations multiples du deuxième opus. Le mot vacance rimerait-il ici avec insouciance ou errance ? Au bout du numéro 3 on commence à avoir l’habitude: Fiffe aime cacher des baleines derrière ses gravillons. Et inversement.
HUMAN AFTER ALL
La plupart des membres de Copra viennent de rejoindre leur dimension sur terre. La fin du deuxième tome ouvrait sur cette parenthèse voulue par les membres. Ils ont besoin de se reconstruire et pourquoi pas régler quelques problèmes personnels. Le livre reprend sur le personnage de Lloyd, dont l’histoire était laissée en suspend sur un petit cliffhanger. Furieux d’avoir manqué l’ancien coéquipier impliqué dans la mort de son fils, il va de nouveau faire usage de ses poignets mitrailleuses et de sa trogne impossible dans une intrigue sur fond de mafiosos peu commodes.
Les autres personnages qui composent cette parenthèse sont Patrick « Wir » Dale, le bon fils de famille, Gracie, le sosie hispanophone de Grace Jones qui sait aussi bien user d’un langage fleuri que combattre dans les airs, Guthie, simili de Phénix des X-Men, Rax et son armure invisible incontrôlable, ici incarcéré dans une prison et enfin Xenia, qui questionne son amour pour Vincent, qui n’est d’apparence plus vraiment le même homme.
PARDON MANU
De par ses envies de ne jamais s’engluer dans une quelconque routine, Copra reste une lecture exigeante. Si d’apparences Fiffe continue de graisser ses rouages, se réclamant de nombreuses influences digérées et retranscrites avec un soin presque maniaque, en bon chef de son rollercoaster multidimensionnel, il n’hésite pas à nous filer toujours autant de baffes visuelles. Chez Michel Fiffe, vacance rime plus avec abondance (pardon Manu) arrogance, assurance et très souvent élégance. En cela, il aime tordre son univers pour mieux nous permettre de l’explorer et d’en saisir les multiples facettes.
Cette pause récréative, Fiffe se l’octroie autant pour rôder ses pinceaux que nous faire découvrir la vie de certains personnages, comme une visite privée dans leurs psychologies retords. Pourquoi ces six destins plus que d’autres ? Seront-ils clés dans les épisodes suivants ? C’est là tout le mystère qu’il aime entretenir et plutôt que de nous laisser nous reposer sur nos lauriers, ce troisième volume se permet en prime l’exploration d’autres genres que celui du super-héros.
PAINS ET FUSEES
Mention spéciale à l’histoire de Patrick « Wir » Dale. Dans l’interview qu’il nous avait accordé, Fiffe ne cache pas sa fascination pour la série Love and Rockets, cette sublime fresque des Frères Hernandez ou l’humain saigne abondamment en sentiments agités. Dans une ode qui sent bon la vie, l’adolescence, les années 90 et le plaisir des retrouvailles de Dale avec ses amis, Fiffe ne manque pas de nous raconter la dualité trouble de ce personnage. Comme la face sombre d’une pièce, le destin de Wir est lancé en l’air à la fin de son segment et qui sait de quel côté celui qui porte une armure de géant de ferraille comme carapace à son monde, retombera au moment de rejoindre la bande de Copra.
Inventive et furieuse, l’énergie de Copra n’enferme jamais son lecteur, se transformant en permanence grâce au talent créatif unique de son maître d’œuvre. Une mutation que ce tome 3 prolonge avec un plaisir qu’il serait vraiment dommage de bouder, en attendant une suite aussi prometteuse que mystérieuse.
- Copra, tome 3
- Auteur: Michel Fiffe
- Editeur : Délirium
- Prix : 24€
- Parution : Octobre 2022
- ISBN : 978-2-493428-07-3
Résumé de l’éditeur : Après leur épopée vengeresse dans le monde parallèle de RAX, les membres de COPRA sont (presque) tous parvenus à regagner leur propre dimension. Ayant réussi à résoudre leurs petits « problèmes administratifs » au sein de la division gouvernementale qui les chapeaute, ils vont avoir l’occasion de régler certaines affaires personnelles.