Dans les forêts de Sibérie

Il y a 10 ans, Sylvain Tesson a décidé de s’isoler complètement dans un coin sauvage du globe, se retirant volontairement du tumulte de notre civilisation moderne. Dans les forêts de Sibérie de Virgile Dureuil est le récit contemplatif de cette aventure hors du commun, publié chez Casterman. Merveilleux !

Un journal de bord sibérien

Quitter son quotidien de citadin et se détacher du monde des hommes, voilà le défi que s’est lancé l’auteur.
Au fin fond de la Sibérie, à la pointe du Cap des Cèdres du Nord, à 120 km du premier village, seul, pendant six mois. Installé dans une petite cabane au confort rudimentaire, sur les rives gelées du lac Baïkal, Sylvain n’a pour seule compagnie que des livres, des cigares et de la vodka..

Pour finalement reprendre le contrôle du temps et de sa vie : s’offrir le privilège de ne rien faire, de savourer le temps qui passe, comme un retour à soi-même, une parenthèse au sein d’une nature grandiose.

« Je veux m’enraciner, devenir de la terre après avoir été du vent. »

L’écrivain nous partage la simplicité de son quotidien : faire du feu, pêcher, aller puiser de l’eau, faire de longues promenades en forêt; mais aussi les pensées qui le traversent. Ainsi, il nous livre tour à tour son émerveillement, ses doutes, sa nostalgie, sa peur parfois, son ennui par moments. Un récit particulièrement introspectif, qui mêle avec poésie réflexions intérieures et rencontres avec la vie sauvage.

Une remarquable adaptation littéraire

Par un dessin subtil et d’une incroyable justesse, Virgile Dureuil nous propose une magistrale adaptation en bande dessinée de ce récit psychologique, restant fidèle aux portraits des personnages et au texte originel. L’immensité des espaces, la beauté du lac gelé, la sacralité des futaies enneigées, la force furieuse des rafales de vent… Tout est si justement retranscrit, on croirait y être!

« Si la nature pense, les paysages sont l’expression de ses idées. »

En effet, à travers les pages, on ressent la violence des tempêtes glacées de la taïga; on savoure à ses côtés la chaleur du poêle dans cette cabane isolée. La mise en page dégage une luminosité envoutante, avec un encrage épais et généreux; qui s’oppose à la typographie fine et délicate des récitatifs sur bandeaux blancs. Les couleurs froides dominent : le blanc scintillant des étendues enneigées, le bleu lagon des plaques de glace.

L’écriture est pure, sans artifices, à l’image de cette vie d’ascète : ne garder que l’essentiel.

« Je suis venu ici sans savoir si j’aurais la force de rester, je repars en sachant que je reviendrai. J’ai découvert qu’habiter le silence était une jouvence. J’ai peiné dans la neige et oublié ma peine au sommet des montagnes. »

Une épopée portée à l’écran par Safy Nebbou en 2016, avec un beau film franco-russe dans lequel Raphaël Personnaz incarne un Sylvain Tesson très convaincant. Pour aller plus loin dans l’univers de cet écrivain voyageur, je vous conseille son dernier roman La panthère des neiges (Gallimard), qui vient de recevoir le Prix Renaudot 2019.

Dans les forêts de Sibérie : Un journal d’ermitage à la portée universelle. Un coup de maître et un de mes plus gros coups de cœur de ce début d’année. Un moment de lecture magique et poétique !

Article posté le dimanche 19 janvier 2020 par Cléophée

Dans les forêts de Sibérie de Virgile Dureuil et Sylvain Tesson (Casterman)
  • Dans les forêts de Sibérie
  • Auteur : Virgile Dureuil, d’après le récit de Sylvain Tesson
  • Éditeur : Casterman
  • Prix : 18€
  • Parution : 13 Novembre 2019
  • ISBN : 9782203198821

Résumé de l’éditeur : L’adaptation en bande dessinée du best-seller de Sylvain Tesson. Peut-on se détacher complètement du monde des hommes ? Quitter la ville et son quotidien pour aller vivre au bout du monde, tel est le défi que s’est donné Sylvain Tesson. De février à juillet 2010, l’écrivain voyageur a choisi de vivre la fin de l’hiver puis le printemps sibérien. Habitant seul une cabane au bord du Lac Baïkal, il s’est plié au silence en choisissant de vivre lentement, environné de livres, de vodka et de souvenirs. Sans déranger la nature mais en s’interrogeant avec elle dans une introspection au long cours, Tesson a marché, exploré, pêché, il a fait du patin à glace sur le lac et accepté l’hospitalité de ses rares voisins. Cette ascèse de six mois loin de la France, l’auteur en a fait le récit dans son célèbre livre paru chez Gallimard en 2011. Par un dessin subtil et généreux tout en couleur, Virgile Dureuil en propose pour la première fois une adaptation en bande dessinée…

 

À propos de l'auteur de cet article

Cléophée

Cléophée est une passionnée de bande dessinée depuis son plus jeune âge; elle adore dénicher de nouvelles pépites en passant des heures dans les librairies. Son compte instagram @cleoopineapple lui permet de partager régulièrement ses coups de cœur, en alliant sa passion pour les romans graphiques et la photographie. N'hésitez pas à aller y faire un tour!

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