Le rêve de Serine : devenir demoiselle de compagnie de la reine. Son dynamisme, son imagination et son bon goût des mots lui permettent d’entrer à la cour. Mais des complots fomentent contre les souverains. Une aubaine pour Serine ? Les Kerascoët déclinent avec bonheur le roman de Flore Vesco, De cape et de mots. Virevoltant et drôle !
Serine, tourbillon de bonne humeur
Serine, ses cinq frères, son mère et son père vivent dans un vieux manoir en décrépitude. Cette famille de la noblesse de province vit chichement. Mais, la vie est égayée par les facéties de la jeune fille, toujours prête à grimper sur des chaises et autres lit à baldaquin.
L’étiquette, elle n’est pas prête à l’accepter. Ce qu’elle préfère, c’est s’amuser et faire des farces. Ses frères et son père sont d’ailleurs sont meilleur public.
Alors que le vieil homme est malade, il décède par un hiver très froid. Sa mère, un peu sévère aimerait qu’elle épouse un homme de bonne famille. Serine préférerait entrer à la cour au service de la reine.
Le charme de mots, le poids de l’ego
Serine laisse alors une lettre, ou plutôt un dessin, à sa mère. Elle se presse à la cour, elle veut devenir demoiselle de compagnie. Si les prétendantes sont nombreuses, les places sont chères. Elle faut savoir se bien se tenir, impressionner la grande demoiselle et charmer la souveraine. Pas simple.
Si Serine, grâce aux lectures de son défunt père, possède un vocabulaire impressionnant, sa robe est quelconque et la jeune fille ne sait pas lire. Il va falloir user de ses charmes pour parvenir à ses fins. Avoir un gros ego pour terrasser ses concurrentes, Serine ne sait pas faire. Mais, il lui faudra néanmoins flatter l’ego de la reine pour entrer à son service.
Nuits secrètes et esperlune
Comme elle manie les mots avec dextérité, Serine est quasiment dans le saint des saints. Mais, un jeu de mots déformé, un corset qui se défait au mauvais moment et un conseiller aux mains baladeuses mettent à mal le rêve de la jeune adolescente.
Pour se faire pardonner, elle donne trois de ses nuits à la reine. Cela lui permet de découvrir le château sous une autre facette. Les marmitons et cuisiniers s’affairent dès potron-minet et les geôles ne sont pas surveillées que par des bourreaux sans cœur.
Alors pour déjouer les complots du conseiller et pour vraiment devenir demoiselle de compagnie, l’esperlune et le lifrejole lui sont d’une grande utilité. Mais qu’est-ce que ces deux mots ?
De capes et de mots, Flore Vesco et les Kerascoët
Nous avions laissé les Kerascoët – le duo d’artistes Marie Pommepuy et Sébastien Cosset – après leur très joli album L’extraordinaire abécédaire de Zoé Marmelade avec Guillaume Bianco. Les revoici avec un nouveau projet basé sur l’adaptation du roman de Flore Vesco, De capes et de mots.
Quelle belle idée que d’avoir voulu décliner ce livre jeunesse ! C’est un univers qui leur va tellement bien qu’il est forcément enthousiasmant sous leurs pinceaux. Pour cela, les auteurs de Miss Pas Touche (avec Hubert) n’ont pas seulement utilisés la matière de l’ouvrage tel quel mais ils ont entraîné la romancière dans leur aventure. Ainsi, Flore Vesco a participé à la scénarisation de ce formidable album pour les plus jeunes.
De la bonne humeur et des pirouettes langagières
Tout De cape et de mots repose sur le très joli personnage de Serine. Jeune adolescente sautillante, dynamique, enjouée et drôle, elle attire la sympathie à la lecture. Cette héroïne bondissante est attachante. Elle réalise des prouesses avec son corps et ses dialogues sont ciselés, ce que les plus jeunes apprécient. Elle ose des choses qu’ils ne pourraient pas se permettre.
Serine veut atteindre son rêve, elle veut s’extirper de sa province et devenir demoiselle de la reine. Les obstacles, les complots et autres malveillances, elle les franchit avec souplesse. Malgré quelques maladresses – c’est ce qui fait son charme – elle attire grâce à un langage extrêmement maîtrisé. Ses pirouettes langagières sont très drôles.
De cape et de mots, des dominés et des dominants
Serine est avant tout bienveillante avec les domestiques, ceux de la cour d’en bas. Elle les aide, les traite toujours avec respect. Ce respect, elle le reçoit elle aussi en retour. Elle épaule la lingère qui lui renvoie l’ascenseur. Elle aide le bourreau (des coeurs) qui lui apprend à lire.
Ce petit monde, ce petit peuple de serviteurs se fracasse sur les demandes parfois irréelles de la haute cour. En cela, De cape et de mots est un peu politique. Il fait confronter deux univers – qui se côtoient – mais tellement opposés. Les dominés se frottent aux dominants. Mais l’espièglerie de Serine permet de se jouer des nobles pour le plus grand bonheur des petits travailleurs de l’ombre.
Aquarelles et lifrejole
Comme leurs précédentes publications, les Kerascoët jouent délicieusement avec leur dessin à l’aquarelle. Grand prix de l’affiche de Quai des bulles 2022, le duo réalise des planches légères. Les couleurs pastel sont idéales pour donner de la chaleur au récit. Leur trait est d’une belle lisibilité et leur permet de mettre en scène les bonds et autres espiègleries de Serine. Le découpage est dynamique et les mouvements très bien restitués.
Si parfois, j’ai trouvé quelques longueurs dans le récit, De cape et de mots est un très joli album jeunesse sur fond historique. Une belle surprise autour d’une jeune adolescente qui ne se laisse pas dicter sa vie par les autres. Une aventure bondissante et drôle.
- De cape et de mots
- Scénariste : Flore Vesco et Kerascoët
- Dessinateurs :
- Éditeur : Dargaud
- Prix : 20,50 €
- Parution : 7 octobre 2022
- ISBN : 9782205082494
Résumé de l’éditeur : Au palais, les demoiselles de compagnie se succèdent. Aucune d’elles n’est capable de satisfaire les caprices d’une reine tyrannique. Serine décide de tenter sa chance. Avec son goût des bons mots et ses facéties, la jeune fille va souffler un vent de folie sur la cour. Sans se douter qu’elle est en train de risquer sa vie. Tous publics.
À propos de l'auteur de cet article
Damien Canteau
Damien Canteau est passionné par la bande dessinée depuis une trentaine d’années. Après avoir organisé des festivals, fondé des fanzines, écrit de nombreux articles, il est toujours à la recherche de petites merveilles qu’il prend plaisir à vous faire découvrir. Il est aussi membre de l'ACBD (Association des Critiques et journalistes de Bande Dessinée) et co-responsable du prix Jeunesse de cette structure. Il est le rédacteur en chef du site Comixtrip. Damien modère des rencontres avec des autrices et auteurs BD et donne des cours dans le Master BD et participe au projet Prism-BD.
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