Deux passantes dans la nuit

Croisée de chemins pour deux jeunes femmes, par une nuit d’hiver parisienne, sous l’occupation nazie. Elles n’auraient pu que se croiser au détour d’un spectacle de cabaret, un contrôle d’identité va changer la donne. Deux passantes dans la nuit est une série de deux tomes, coréalisée par Patrice Leconte, Jérôme Tonnerre et Alexandre Coutelis, aux éditions Grand Angle, nous éclaire sur les tensions d’un Paris sous couvre-feu.

A sa sortie de prison, la neige et le silence pour l’accueillir…

Arlette est une jeune femme comme les autres, si ce n’est cette curiosité, le choix d’une tenue d’été en plein hiver…. Rien de surprenant tout compte fait puisqu’il s’agit de celle qu’elle portait lors de son dernier bal, le 14 juillet, juste avant son interpellation… Ce soir, elle sort de prison et espère retrouver quelqu’un qui n’est pas venu.

Quelques notes de musique la tirent de ses pensées, et l’encouragent à se diriger vers le garage où son fiancé travaillait avant qu’elle ne se retrouve à l’ombre. N’y trouvant que portes closes, elle entre dans un cabaret se mettre au chaud. Subjuguée par le numéro de prestidigitation d’une jeune femme, elle cherche à sympathiser, mais cette envie n’est pas réciproque. Anna préfèrerait garder ses distances, un malheureux concours de circonstances l’amène néanmoins à accepter la main tendue d’Arlette.

Dans l’ambiance parisienne d’un couvre-feu, un instant de répit musical

Nous plongeons dans l’ambiance feutrée d’une nuit parisienne en hiver, en pleine occupation. La neige est bien présente, elle atténue tous les bruits. Pourtant, la musique demeure. Quelques notes émises par les cabarets ou par les salles de danse obscures souterraines, comme un pied de nez à la morosité, à l’inquiétude, à la violence et à la perte de liberté. Une quête de légèreté dans la nuit, à esquiver les risques qui pourraient se présenter qu’il s’agisse des contrôles d’identité impromptus réalisés par la police ou des sirènes d’alarme annonçant les bombardements à venir. Oublier le quotidien et vivre l’instant présent ? quoi de mieux qu’une danse pour y arriver…

Les deux jeunes femmes évoquent chacune à leur manière une forme de liberté et de résistance en cette période de flottement. Par leur tenue déjà : Arlette a toujours sa robe d’été malgré le froid hivernal, comme si elle se tenait prête à aller danser de nouveau. D’ailleurs, son premier réflexe est bien de se diriger vers ces lieux qu’elle fréquentait avant son incarcération. Anna, elle, a choisi un complet noir sobre comme tenue d’artiste, qui lui permet de circuler plus discrètement et de rester dans l’ombre. Comme un avant-goût de leurs tempéraments respectifs, même si le mystère demeure sur leur vie d’avant.

Deux passantes dans la nuit, Comme une parenthèse…

Ce récit se tient sur une seule nuit, c’est la trame de construction voulue par les auteurs. Coutelis nous ravit par les jeux d’ombres et de lumière marquant les visages des différents personnages. Le trio Leconte-Tonnerre-Coutelis retranscrit avec justesse l’inquiétude et les tensions qui transpirent en ces sombres années mais n’occulte pas pour autant l’insouciance que chacun tente de retrouver à sa manière. Même la nuit, la vie continue, pleine de surprises et de rencontres.

Les passages et arrière-cours de la ville sont évoqués avec subtilité, dans une forme de douceur cotonneuse malgré la pénombre. Témoins à part entière de ce pan de l’Histoire de la ville, ils sont présentés dans une palette de couleurs maintenant une ambiance mystérieuse qui fait le charme de cet album.

Nous attendons avec impatience le second volet de Deux passantes dans la nuit, qui nous dévoilera certainement d’autres facettes jusqu’ici cachées de l’histoire des deux jeunes femmes.

Article posté le lundi 22 février 2021 par Sophie Gateff

Deux passantes dans la nuit de Patrice Leconte, Jérôme Tonnerre et Alexandre Coutelis (Grand Angle)
  • Deux passantes dans la nuit, tome 1/2 : Arlette
  • Scénaristes : Patrice Leconte et Jérôme Tonnerre
  • Dessinateur : Alexandre Coutelis
  • Editeur : Grand Angle
  • Prix : 16,90 €
  • Parution : 26 août 2020
  • ISBN : 9782818967065

Résumé de l’éditeur : La longue nuit de deux femmes en fuite dans le Paris désert de l’Occupation. Après des années de détention, Arlette recouvre la liberté dans un Paris occupé par les nazis. Et elle entend bien rattraper le temps perdu. Anna, elle, cherche à sauver sa peau. Magicienne et israélite, elle a fui un danger qui l’a rattrapée. La ville occupée est une cage dont elle doit s’échapper au plus vite. Elles sillonneront en une nuit ce Paris obscurci. L’inquiétante étrangeté de l’Occupation, avec ses contrôles d’identité, ses fonctionnaires tatillons, ses sombres ombres et ses connaissances qu’on ne connaît pas si bien que ça et à qui il ne faut pas faire confiance…

À propos de l'auteur de cet article

Sophie Gateff

Chez Sophie, la bande dessinée, c'est une affaire de famille. Avec ses deux enfants (Gabriel et Léna), ils aiment les polars mais aussi les récits jeunesse. Des chroniques à plusieurs pour vous faire découvrir des pépites.

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