Rue de sèvres est un éditeur qui aime prouver sa fidélité à ses auteurs et autrices. D’or et d’oreillers est le septième album de Mayalen Goust proposé par l’éditeur et sans doute, le plus abouti de sa part.
D’or et d’oreillers : Des bons et mauvais usages de la séduction
Un jeune aristocrate que tout le monde pensait perdu, lance un appel aux alentours. Il cherche à prendre épouse et pour trouver la bonne personne, la prétendante devra passer une nuit seule au château, dans un lit recouvert de nombreux matelas, pour faire ses preuves.
Mais si les jeunes femmes se présentent, aucune ne parvient à faire l’affaire. Et puis c’est au tour d’une fratrie de jeunes filles de se présenter, accompagnées par leur servante. L’une d’entre elle parviendra à rester au-delà de cette nuit.
La bande dessinée est un art de la narration graphique
D’or et d’oreillers est une adaptation du roman jeunesse de Flore Vesco. Et l’avantage de travailler une adaptation, c’est que l’on n’a pas à inventer une histoire. Un gain de temps que Mayalen Goust a su parfaitement mettre à profit. En lieu et place, elle s’est concentrée sur la narration et sa traduction graphique.
Cette histoire est écrite dans le genre fantastique, avec un lieu, le château, qui est un personnage à part entière. Alors l’autrice a manifestement voulu transmettre un sentiment de désorientation ressenti par les personnages. Elle explose donc les gaufriers de certaines pages pour chambouler tout le déroulé d’une séquence. Parfois, c’est une simple rambarde qui sert de fil rouge et guide l’œil du lecteur pour faciliter la lecture. C’est fou, c’est recherché, c’est brillant.
D’or et d’oreillers va vous décoller la rétine !
Et en plus, c’est beau. Se renouvelant à chaque album, Mayalen Goust (Vies volées, Lisa et Mohamed, Alicia) produit ici des dessins et des couleurs qui emportent le regard et l’émotion. Son dessin exprime une fausse simplicité qui apaise le regard alors que les planches sont extrêmement denses. Les couleurs viennent tout recouvrir mais expriment de nouvelles émotions, de nouvelles ambiances, à chaque séquence. Certaines pages sont fortes comme des illustrations et pourtant, parfaitement intégrées à la narration bande dessinée. Il y a une forme d’épanouissement chez l’autrice, qui impressionne et ravit.
La richesse vient de la profondeur des sujets explorés
Dessin et narration méritaient une attention particulière, ce n’est pas pour autant que ce livre est creux. Bien au contraire.
Flore Vesco utilisait le contexte du conte, fortement inspiré de La princesse au petit pois, pour livrer un regard très moderne sur la relation de couple, la séduction et la « première fois » d’une femme. Adrian Handerson, semble incarner le mâle pervers adepte de la culture du viol. Sous certains aspects, c’est même ce qu’il est. Mais le récit apporte de très nombreuses nuances, de la profondeur. Les deux autrices nous invitent à plonger sous les différentes couches de matelas pour identifier les différentes couches de traumatisme qui conduisent à l’étrangeté et l’inadaptation du personnage masculin.
In fine, c’est un double récit d’émancipation entre femme et homme qui nous est donné à lire. Une émancipation dans laquelle chacun apporte à l’autre ce qui lui faut pour surmonter ses difficultés et entrer dans une relation plus saine.
D’or et d’oreillers, du Young adult pour tous les adultes
D’or et d’oreillers est une expérience littéraire à vivre et à ressentir. Roman jeunesse, jeune adulte dira-t-on plutôt, il ravira sans aucun doute les « vieux » et les « vieilles » adultes par une virtuosité de tous les instants. Il y a de bonnes et de mauvaises adaptations. Ici, on a une excellente bande dessinée, qui s’avère être adaptée d’un roman. Mais la valeur ajoutée de l’adaptation prend ici tout son sens.
- D’or et d’oreillers
- Autrice : Mayalen Goust, d’après le roman de Flore Vesco
- Éditeur : Rue de Sèvres
- Nombre de pages : 184
- Date de publication : 18 septembre 2024
- Prix : 20€
- ISBN : 9782810205912
Résumé éditeur : Lord Handerson, un riche héritier, a conçu un test pour choisir au mieux sa future épouse. Chaque candidate est invitée à passer une nuit à Blenkinsop Castle, seule, dans une chambre au centre de laquelle se trouve un lit d’une hauteur invraisemblable. Pour l’heure, les prétendantes, toutes filles de bonne famille, ont été renvoyées chez elles au petit matin, sans aucune explication. Mais voici que Lord Handerson propose à Sadima de passer l’épreuve. Robuste et vaillante, simple femme de chambre, Sadima n’a pourtant rien d’une princesse. Et pour cause, l’histoire que va vivre cette dernière, si elle s’apparente bien à de l’amour, est loin d’être un conte de fées…