Eden it’s an Endless World !

Eden, it’s an Endless World est un manga de science fiction brillant. Dans un monde post-pandémie, une humanité futuriste reprend peu à peu son quotidien, avec ses complots politiques et ses guérillas internationales. C’est un récit sur plusieurs générations que nous raconte Hiroki Endo dans la superbe réédition de Panini. 

Enoa, Elijah et Cherubim

Dans un futur proche, 15% de l’humanité est décimée par un virus inconnu. Né dans un laboratoire isolé et élevé par un chercheur mourant, Enoa et Hannah sont immunisés. Ils font partie d’une nouvelle génération d’humain qui cohabitent avec le virus.

Le monde se reconstruit peu à peu. Mais la pandémie a complètement bouleversée l’équilibre des forces. Alors qu’Enoa et Hannah souhaitent construire leur propre Eden, leur paradis, ils sont rapidement rattrapés par la réalité. La nouvelle humanité ne vaut pas mieux que l’ancienne. Elle a ses injustices, ses guerres et ses hommes près à tout pour assouvir leur soif de pouvoir.

Au côté de Cherubim, une IA au corps militaire, Enoa et Hannah font de leur mieux pour tirer leur épingle du jeu.

20 ans plus tard

Eden, It’s a Endless World est un manga mille-feuille. Il dépeint notre monde avec une complexité folle. Entre flashback et présent, Hiroki Endo nous raconte la pandémie. La maladie qui gagne du terrain, les gouvernements qui perdent le contrôle, le laboratoire de nos héros qui s’isole un peu plus chaque mois. Puis les mois deviennent des années. Enoa et Hannah grandissent, première génération post-virus. Puis Elijah, leur fils, qui ne connaît que ce monde d’Après.

Les tensions gouvernementales se sont étirées, aggravées. Enoa se tient au sommet d’un cartel, sa famille est la cible numéro 1 de ses adversaires. C’est ainsi que le jeune Elijah se retrouve isolé dans une Amérique du Sud ravagée par la pauvreté et les guérillas. A ses côtés se tient Cheribum, l’IA qui fait désormais partie de la famille. Sans elle, Elijah serait déjà mort plus d’une fois.

Une réédition terriblement d’actualité

Par certains aspects, Eden souligne ses origines nippones des années 1990. C’est criant notamment dans son approche de l’homosexualité. Le docteur Lane est gay. Très bien. Mais visiblement c’est un personnage traumatisé par ses expériences dû à son homosexualité. Encore aujourd’hui, l’homosexualité est difficile à reconnaître et à normaliser. Cependant le comportement répétitif – presque obsessionnel – de Lane qui justifie tous ses malheurs par son homosexualité – et pas simplement parce qu’il était amoureux d’un homme qui ne lui rendait pas la pareille – montre à quel point la place de l’homosexualité dans les années 90 est encore plus marginalisé qu’aujourd’hui.

Cela montre aussi la complexité du caractère du docteur Lane. Et quoi que ça n’enlève rien au poids du sujet abordé ni à la profondeur du personnage, on ne peut que constater que, oui, certaines choses ont évolué en 20 ans, ne serait-ce qu’un peu.

Pour le reste. Eden aurait pu être écrit hier.

Son approche de la pandémie mondiale résonne terriblement avec notre covid-19. L’économie qui se redresse, le quotidien qui reprend. La brutalité de la pauvreté dans les ghettos et les bidons-villes. Les magouilles diplomatico-médiatiques entre gouvernements et organismes aux sigles vénéneux sont bien là. Les religions pétries de certitudes aussi, avec tous leurs excès mais également avec leurs vérités qui blessent.

Eden est brillant pour cela : il se pose en véritable photographie de notre humanité du XXème, du XXIème et – oui, aussi – du XXIIème siècle.

Petit homme devient grand

Sous couvert de dépeindre notre monde dans toute sa complexité, Hiroki Endo raconte l’histoire d’un garçon devenant adulte. Elijah est jeune, relativement naïf, et pour survivre sans la protection de ses parents, il va devoir s’adapter. Faire les concessions qu’on rechigne à faire à l’adolescence, comprendre et surtout accepter certaines réalités. D’autant plus que dans un monde post-apocalypse, en proie à la violence la plus primaire, il n’y a pas de place pour la justice.

Elijah ne pourra se cacher derrière rien ni personne s’il veut rester en vie, et revoir sa famille.

Imprévisible n’est pas impossible

Hiroki Endo relate une histoire où tout est possible. Ses personnages sont si bien conçus qu’ils pourraient évoluer dans n’importe quelle direction. Il nous place dans un monde imprévisible où l’intelligence des antagonistes est aussi sûre que l’intelligence des protagonistes. Mais aussi dans un monde où on a conscience de tout ce qu’on ignore. Et on en ignore beaucoup.

La part de Science-Fiction s’incorpore avec une beaucoup d’aisance à la part de réel. A travers ce mélange, Hiroki Endo nous plonge toujours plus profondément dans l’ambition humaine qui échappe à l’homme, dans sa folie qui dégénère malgré lui. Dans son aveuglement absolu et son désir d’atteindre un jour… l’Eden.

Eden it’s an Endless World !

Dans un style plutôt riche et réaliste, Hiroki Endo nous dope totalement à son univers post-apocalypse. L’ambiance guérilla cyberpunk est prenante et survoltée. Ses plans sont émouvants, chargés de symbolique.

La réédition de Panini de 434 pages, est lourde à lire d’une seule traite. Pourtant il est très difficile de s’arrêter en chemin. On engloutit chaque volume avec soif de plus et le retour à la réalité se fait péniblement.

Eden est un chef-d’œuvre des récits d’anticipation. Il s’inscrit dans une suite d’œuvres diablement intelligentes de Blame! à Matrix, passant par Ghost in the Shell et Blade Runner.

Article posté le jeudi 21 octobre 2021 par Marie Lonni

Eden - Hiroki Endo - Panini
  • Eden, it’s an Endless World !
  • Auteur : Hiroki Endo
  • Editeur : Panini Manga
  • Prix : 16 €
  • Parution : 14 avril 2021
  • ISBN : 978-2809495454

Résumé de l’éditeur : La Terre, dans un futur proche.
Le closure virus, un mal mortel et incurable dont l’origine est inconnue, a dévasté la population mondiale. Dans les décombres de la civilisation, l’humanité tente de se relever. Une famille, en particulier, fait tout ce qu’elle peut pour survivre : la famille Ballard, dont l’un des membres, Enoa, est immunisé contre le virus depuis sa naissance. Si l’espèce humaine a frôlé l’extinction, ses travers sont toujours bien présents  : l’égoïsme, l’avarice, la volonté de domination, l’individualisme…

À propos de l'auteur de cet article

Marie Lonni

"C'est fou ce qu'on peut raconter avec un dessin". Voilà comment les arts graphiques ont englouti Marie. Depuis, elle revient de temps en temps nous parler de ses lectures, surtout quand ils viennent du pays du soleil levant. En espérant vous faire découvrir des petites pépites à savourer ou à dévorer tout cru !

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