Fort du succès de ses albums précédents, Emmanuel Reuzé revient avec un cinquième opus de Faut pas prendre les cons pour des gens. Un catalogue des absurdités de notre époque à l’humour grinçant.
Les cons sont de retour
Et de cinq ! « Faut pas prendre les cons pour des gens », la série initiée par Emmanuel Reuzé en 2019 revient cet hiver avec toujours autant d’à propos. Énorme succès d’édition (Plus de 800.000 exemplaires vendus !) ces albums constituent désormais ce qui s’apparente à une petite bibliothèque de la connerie humaine. Et ce nouvel opus, publié par Fluide Glacial, tient toutes ses promesses.
Au royaume de l’absurde
Que diriez-vous de participer au grand jeu télé « Qui veut gagner un emploi ? », pourriez-vous faire surveiller votre enfant par un drone, 24h/24 ? Un SDF peut-il devenir un entrepreneur en mendicité ? Autant de questions, a priori absurdes, que pose Reuzé et ses deux acolytes scénaristes Jorge Bernstein et Vincent Haudiquet. Absurdes ? Pas tant que cela!
Fins observateurs de notre société de consommation, les auteurs poussent le curseur de la dérision sur des thèmes d’actualité. Ainsi, la pauvreté, les violences policières, la pollution, le règne de la technologie sont au cœur de ce nouvel album.
Travailler jusqu’au bout
Avec ce numéro 5, Emmanuel Reuzé aborde des sujets sombres sous le prisme de la dérision. Les questions traitées ici sont de celles qui traversent la société de 2024. Et il suffit d’une page et de cinq à six cases dessinées pour en dire beaucoup plus qu’un long discours politique.
Prenons l’exemple de l’allongement de la durée du travail. Avec ce « Bonne retraite, Maurice ! », sketch traité deux fois (en couverture et page 40) on assiste à un pot de départ organisé en l’honneur de celui-ci. Mais il semble qu’il ne pourra jamais partir. Deux ans après ce premier pot, la cérémonie se répète avec le même Maurice car l’âge de la retraite a été repoussé. Rebelote cinq ans, puis dix ans plus tard… Au final, on apprend aussi que la garderie de l’entreprise n’existe plus. « A cause de la réforme des retraites, explique sa responsable, elle a été transformée en Ehpad! ».
Le thème de la précarité est aussi traité à plusieurs reprises au fil de ces 56 pages. Vous ferez ainsi connaissance avec un drôle de personnage, Marcel Mendicity, sorte d’entrepreneur de la misère qui fait feu de tout bois, allant jusqu’à organiser dans la rue de vastes opérations de « dons à prix cassés ».
En rire ou pas ?
Parfois potache, souvent grinçant, l’humour qui affleure à toutes les pages n’est pas gratuit. Si l’on sourit souvent, on peut aussi parfois s’interroger. Et si ces outrances, ces clichés détournés, ces injustices qui caractérisent les sociétés modernes devenaient monnaie courante ? Les auteurs ne tranchent pas. Ils pointent du crayon ce qui à leurs yeux ne va pas. La technique utilisée reste la même.
Le trait de Reuzé, classique et diablement efficace, reprend des images stéréotypées qu’il répète dans la même planche. Les personnages sont traités à hauteur du regard, sans plongées ou contre-plongées. Le même dessin reproduit sur plusieurs cases produit l’effet escompté. Appuyer là ou ça fait mal. Mais avec le sourire…
- Faut pas prendre les cons pour des gens, tome 5
- Scénaristes : Emmanuel Reuzé, Jorge Bernstein, Vincent Haudiquet
- Dessin : Emmanuel Reuzé
- Editeur : Fluide Glacial
- Prix : 13, 90 €
- Parution : 13 novembre 2024
- Nombre de pages : 56
- ISBN : 9791038207264
Résumé de l’éditeur : Emmanuel Reuzé, accompagné de ses fidèles acolytes Bernstein et Haudiquet, revient cette année pour un cinquième tome toujours aussi drôle et grinçant. Dans ce nouvel album, il continue de s’attaquer à la bêtise ordinaire par l’absurde : la mendicité, les violences policières, la pollution, le travail des enfants, la précarité étudiante mais aussi les mots de passe, enfer moderne. Nous retrouverons pour la première fois un personne au fil de l’album : Marcel Mendicity, SDF à succès ayant réussi à monter sa propre boîte de mendicité. Mais si ces sujets peuvent sembler d’une déprime absolue, pas d’inquiétude : Reuzé est le maître du décalage et du ridicule, vous en sortirez hilare, c’est 100 % garanti ou remboursé en pièces jaunes, foi de Marcel Mendicity !
À propos de l'auteur de cet article
Jean-Michel Gouin
Passionné par l'écrit, notamment l'histoire, la littérature policière et la bande dessinée, Jean-Michel Gouin a été journaliste radio et presse écrite pendant une trentaine d'années à Poitiers.
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