Les éditions Bliss ont décidé de remettre en lumière celles qui ont été des pionnières dans le monde de la bande dessinée, il y a maintenant un siècle. En effet, aux États-Unis, dans les années 1920-1930, des femmes ont créé des bandes dessinées, ou plutôt des strips dans des journaux. Tombées dans l’oubli, c’est donc à travers cet ouvrage intitulé Garçonnes, Les autrices oubliées des années folles qu’elles reprennent vie grâce à l’expertise de Trina Robbins et à la traduction de Marie-Paule Noël.
Un très beau livre à découvrir de ce pas.
Des autrices de bande dessinée, il y a 100 ans …
Quand on évoque les pionnières de la bande dessinée française, on ne peut pas ne pas évoquer des personnalités telles que Claire Bretécher, Florence Cestac ou Nicole Claveloux. Trina Robbins collabora d’ailleurs avec ces deux dernières. Si on veut même remonter un peu plus loin, au début du 20e siècle, alors le nom de Jacqueline Rivière, créatrice de Bécassine, vient à l’esprit des connaisseurs. Mais de notre côté de l’Atlantique, il faut bien reconnaître que nous ne sommes pas très au fait des autrices américaines. Pas les actuelles, bien évidemment, mais celles qui leur ont ouvert la voie.
C’est donc pour cela que Trina Robbins, autrice de comics américaine mais également historienne, a voulu mettre en avant les autrices qui l’ont précédée. Dans ce très bel ouvrage intitulé Garçonnes, Les autrices oubliées des années folles, publié chez Bliss Éditions, elle met en lumière celles sans qui la bande dessinée actuelle ne serait certainement pas ce qu’elle est.
il y en avait effectivement …
Des autrices ont osé prendre leur crayon pour promouvoir une nouvelle génération de femmes actives et indépendantes, ayant dû, quelques années auparavant, remplacer leurs maris partis au front lors de la Première Guerre mondiale. Ces femmes s’émancipant, elles-aussi lisent les journaux. Mais plus seulement ceux qui leur sont réservés afin d’y glaner des conseils pour tenir son foyer ou pour améliorer leur apparence physique, et ainsi plaire à leur mari !
C’est ainsi que Nell Brinkley, durant les années 1920, va dessiner celles qu’on surnomma pendant une décennie les garçonnes ou flappers. En créant de nombreuses héroïnes telles que Prudence Prim, Flossie ou Fossette, pour des dailies (quotidiens) ou des sundays (journaux du dimanche), ces femmes modernes, portant cheveux courts et vêtements souples, vont prouver que les femmes sont dorénavant adultes et n’ont plus besoin de la gente masculine pour s’émanciper et exister.
mais elles ont été malheureusement oubliées…
À travers des strips tenant sur une page ou sur une ligne, en couleur ou bien en monochrome, elles seront plusieurs telles que Eleanor Schorer, Edith Stevens, Edith Hays, Fay King et Virginia Huget, à faire vivre des héroïnes que les femmes attendaient, tel un rendez-vous régulier sur papier journal.
Avec la crise de 1929, ces garçonnes ont fini par disparaître des journaux. En effet, ceux-ci ne pouvaient plus laisser de place à ces femmes qui mettaient en avant d’autres femmes. La situation internationale dans les années 1930 était des plus graves. Il fallait donc que les journaux mettent l’accent sur les catastrophes que ce milieu de 20e siècle s’apprêtait à vivre. L’émancipation des femmes et leur droit à l’expression n’étaient plus un sujet majeur, même si celles-ci allaient rapidement devoir et surtout vouloir s’impliquer dans l’effort de guerre, pendant la Seconde Guerre mondiale.
alors cet ouvrage et le FIBD leur rendent hommage.
Mais, par chance, ce très bel ouvrage rend un vibrant hommage à ces flappers, ainsi qu’à celles qui les ont créées. Pour cela, les éditions Bliss ont mis l’accent sur la qualité esthétique de ce livre, en plus de son indéniable qualité éditoriale. De grand format, afin de mieux apprécier visuellement les très nombreuses planches, Garçonnes bénéficie d’une très belle couverture avec une texture toilée. Le titre, tout comme certaines parties du dessin, sont par ailleurs rehaussés d’un bleu brillant comme pour mieux attirer le regard et offrir une touche de glamour au travail des ces autrices. Ce dont il ne manquait absolument pas !
Le Festival International de la Bande Dessinée d’Angoulême ne s’est d’ailleurs pas trompé en inscrivant ce très bel ouvrage dans sa sélection pour 2025. En effet, Garçonnes, Les autrices oubliées des années folles, figure dans la catégorie Patrimoine. « Décerné par le Grand Jury du Festival, ce prix met à l’honneur une œuvre appartenant à l’histoire mondiale du 9e art, ainsi que le travail éditorial ayant permis de la redécouvrir. »
Un hommage dont Trina Robbins, détentrice de trois Eisner Awards et rare femme inscrite au temple de la renommée Will Eisner, n’aura malheureusement pas pu profiter. La scénariste de Wonder Woman est décédée le 10 avril 2024 à l’âge de 85 ans.
- Garçonnes, Les autrices oubliées des années folles
- Autrice : Trina Robbins
- Traductrice : Marie-Paule Noël
- Éditeur : Bliss
- Prix : 39,00 €
- Sortie : 11 octobre 2024
- Pagination : 168 pages
- ISBN : 9782375783221
Résumé de l’éditeur : Découvrez les Années folles sous un nouveau jour, à travers les œuvres d’autrices oubliées de l’ère du jazz et de la prohibition ! Vous saurez tout sur la figure de la flapper, symbole de la nouvelle liberté féministe du début du vingtième siècle. Avec sa coupe carré et ses coudes et ses genoux tout en angles, cette femme semble danser le charleston, pleine d’extravagance, pour l’éternité. Dans Garçonnes sont compilées de nombreuses pages de magazines et de journaux de ces autrices avant-gardistes qui ont révolutionné le 9e art: Nell Brinkley, Eleanor Schorer, Edith Stevens, Fay King, Ethel Hays ou encore Virginia Huget. Un travail de recherche titanesque, assuré par Trina Robbins, lauréate d’un Eisner Award et histoirienne experte du matrimoine de la bande dessinée américaine.
À propos de l'auteur de cet article
Claire Karius
Passionnée d'Histoire, j'affectionne tout particulièrement les albums qui abordent cette thématique. Mais pas seulement ! Je partage ma passion de la bande dessinée dans l'émission Bulles Zégomm sur Radio Tou'Caen et sur ma page Instagram @fillefan2bd.
En savoir
