Vous avez aimé Les Cités Obscures, la master-piece du duo d’auteurs, Benoit Peeters & François Schuiten, une œuvre singulière de douze albums et au moins autant de spin-off et dont la publication s’est étirée sur une quarantaine d’années ? La tour, La fièvre d’Urbicante, L’enfant penché, La frontière invisible, Brüsel, pour n’en citer que quelques-uns… Alors vous allez adorer Horizons Obliques de Richard Blake.
Filiation
Premier album de bande dessinée pour ce peintre et graphiste new-yorkais et coup de maître incontestable. Schuiten, le dessinateur des Cités Obscures, salue ce récit comme vous le découvrirez à la lecture d’un entretien entre les deux auteurs, publié en postface de ces Horizons Obliques.
Richard Blake en préface de l’album, confesse et affirme sans détour l’influence prépondérante de l’œuvre de Schuiten et Peeters dans son travail artistique. On peut donc affirmer que la filiation est totale. D’ailleurs, la lecture de cet album vous fera comprendre qu’elle n’a rien d’un plan marketing orchestré par l’éditeur, mais qu’elle est parfaitement justifiée. En effet, le récit de Blake semble s’inspirer des atmosphères propres à celui des Cités Obscures tout en affichant une identité forte et singulière qui le mets à l’abri de toute accusation de plagiat.
Étrange Intrigue
Parlons maintenant de l’intrigue proposé par Richard Blake. Dans un futur très lointain, nous sommes au début du cinquième millénaire. Nous suivons la mission de sauvetage mener par une jeune femme aux pouvoirs hors normes, Adley Armlen. Epaulée par Staden, une I.A. complice qui prend corps dans un robot à la stature humanoïde. Leur mission a pour but de retrouver les parents d’Adley, Jacob et Elena Armlen. Ce couple de cartographes est porté disparu depuis plusieurs années.
Alors que leur fille n’était encore qu’une très jeune enfant, Jacob et Elena ont entrepris d’aller explorer une dimension parallèle mystérieuse, pour en dresser une topographie précise. Pour se faire, ils ont emprunté un portail, baptisé La Passerelle, la seule voie d’accès pour pénétrer cette autre dimension. Seuls quelques drones d’exploration avaient été envoyés jusqu’alors en éclaireurs.
Vous l’aurez compris le couple Armlen n’est jamais revenus de cette étrange dimension. Leur fille durant vingt ans a continué de maintenir un lien psychique et télépathique ténu avec ses parents. Elle perçoit de faible signaux qui tendraient à prouver que ses parents ne sont pas décédé mais juste retenus captifs de cette autre dimension. Adley de l’extérieur va donc tenter de piloter et de guider l’I.A. Staden au travers le dédale mouvant de cette autre dimension, pour que cette dernière localise et tente de ramener le couple de cartographe disparu.
Entrainement intensif
Horizons obliques nous apprend qu’Adley et Staden ne se lancent pas dans cette mission la fleur au fusil. Les facultés psychiques et télépathiques exceptionnelles dont fait preuve Adley lui servent à guider Staden par-delà la Passerelle. Et cela fait quinzaine d’années qu’une équipe de scientifiques du centre Exagone 12 coordonnée par le grand-père d’Adley, a passé à préparer la jeune fille à cela. Autant d’années à upgrader l’I.A. Staden, à lui construire une enveloppe physique. Autant d’années à ne rien laisser au hasard et à les entraîner tous les deux à renforcer, à stabiliser leur communication télépathique.
Oui je sais, cela parait fou de pouvoir entrer en communication psychique avec une I.A., mais souvenez-vous que nous sommes en 4048 et acceptez juste que cela puisse arriver.
Une dimension parallèle à haut risque
Et donc, si autant de temps a été nécessaire pour mettre sur pied cette mission de sauvetage et pour maximiser son succès, c’est que la dimension parallèle où s’apprête à s’aventurer Staden n’a rien d’une mappe en 3 dimensions, aussi complexe soit-elle. Où on se promènerait en suivant un itinéraire prédéfini.
Dans cet endroit, aucune des lois physiques majeures connues ne s’appliquent. Une gravité fluctuante, des éléments de décors physiques changeant en permanence, une topographie multiple et instable, et peut-être même un écoulement du temps variable et différent de celui de notre monde. Il y a franchement de quoi se perdre. Et comme si cela ne suffisait pas, ajoutez à ces distorsions de repères, la présence dans cette dimension d’entités, robotiques selon Adley, malicieuses et possiblement hostiles. Est-ce que Adley et son I.A. amie, Staden parviendront à localiser et à ramener Jacob et Elena Armlen vivants ? C’est là tout l’enjeu de cette intrigue palpitante.
Horizons Obliques : Un graphisme d’orfèvre
Là où Horizons obliques place la barre très haut, c’est qu’au-delà du scénario très solide mis en scène par Richard Blake, au-delà du découpage au scalpel qu’il opère, c’est aussi dans la représentation des scènes dans cette étrange dimension qu’il nous offre une réalisation véritablement bluffante.
Des décors fractionnés, dont chaque élément flotte en apesanteur suivant des lignes de fuite qui semblent infinies. Il y a des jeux de constructions monumentaux dont les briques donnent l’impression de se mouvoir en permanence, cherchant à s’emboiter à la perfection par endroit et se désolidarisant du décor à d’autre pour aller prendre place dans une nouvelle modélisation 3D ailleurs. C’est assez difficile à décrire mais le rendu de ses planches donne un aperçu assez juste de la complexité physique de l’univers qu’il décrit.
Chapeau M. Blake, vos horizons obliques nous précipitent dans un drôle de vertige qu’il est très plaisant d’éprouver.
- Horizons Obliques
- Auteurs : Richard Blake
- Traducteur : Maxime Le Dain
- Éditeur : Urban Comics
- Collection : Grand format Urban
- Prix : 19,91 €
- Pagination : 160 pages
- Parution : 26 Avril 2024
- ISBN : 9791026828013
Résumé de l’éditeur : Il y a plusieurs années, Jacob et Elena Armlen, un couple d’explorateurs, se sont retrouvés piégés dans une étrange dimension parallèle aux paysages insaisissables, à l’architecture changeante, peuplée d’entités malicieuses, laissant derrière eux leur fille en bas âge, Adley. Bien des années plus tard, Adley a grandi mais n’a jamais oublié ses parents. Dotée d’un pouvoir de clairvoyance et accompagnée de Staden, un robot à la sensibilité très humaine, elle se lance à leur recherche.
À propos de l'auteur de cet article
David Lemoine
Lecteur de BD depuis sa plus tendre enfance, David a fini par délaisser assez vite les classiques franco-belges, pour doucement voir ses affinités se tourner vers des genres plus noirs, plus grinçants, sarcastiques, trashs, violents, absurdes et parfois même décadents. Il grandissait en somme…. Fan de la première heure de Ranxerox et Squeeze the Mouse, il vénère aujourd’hui l’oeuvre d’auteurs Anglo-Saxon tel que Bendis, Brubaker/Phillips, Ben Templesmith, Terry Moore, Jonathan Hisckman, Ellis/Robertson, sans bouder son plaisir à la lecture des européens talentueux, francophone ou non, que sont Tardi, Ralf Konîg, Michel Pirus, Gess, les frères Hernandez, ou même Fred Bernard. La liste de ses amours dans le 9e art est loin d’être exhaustive, vous vous en doutez, et cela fait plus de 20 ans maintenant qu’il s’efforce de vous convaincre de les embrasser à travers ses chroniques radio qu’il vous livre chaque semaine dans l’émission XBulles sur les ondes de Radio Pulsar (http://www.radio-pulsar.org/emissions/thema/x-bulles/ / https://www.facebook.com/xbulles)”
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