Killoffer en chair et en fer

Dans un futur proche, l’auteur de bande dessinée, Patrice Killoffer, compose avec un drone qui le flique et un robot de compagnie. Mais ce dernier grille et le laisse seul avec ses clopes et l’alcool. Killoffer en chair et en fer, c’est un très bel album philosophique et poétique, entre mélancolie et asservissement à la technologie.

Sous surveillance

Chez Killoffer dans un futur proche. Dans son lit, l’auteur de bande dessinée se plonge dans Machines insurrectionnelles de Dominique Lestel. Il s’endort. Le lendemain, il doit sortir de chez lui pour aller faire quelques courses, dont des clopes, lui le fumeur invétéré.

Comme à chaque fois qu’il quitte son appartement, il est suivi par un drone qui vérifie tous ses faits et gestes. Il est fliqué comme tous les autres êtres humains. Tous sont sous surveillance. Et lorsqu’il retourne chez lui, l’espion se range tout seul dans sa boîte au-dessus de sa porte, attendant la prochaine sortie de Killoffer.

Gentil robot de compagnie

S’il était agacé et râleur dehors, Killoffer est heureux lorsqu’il franchit le seuil de sa porte. Il retrouve son robot de compagnie qui lui a préparé son repas. Mais voilà, le gentil androïde déraille. Malgré une réparation, il grille. Killoffer est dévasté.

Les autorités viennent alors chercher les effets personnels du robot. En quelques minutes, il disparait totalement de la vie de l’artiste. Il se met en quête d’un nouveau compagnon…

Killoffer en chair et en fer : conte futuriste angoissant

Après Killoffer tel qu’en lui même où il racontait des bribes de sa vie, Patrice Killoffer imagine un conte futuriste, un récit d’anticipation parfois angoissant. Comme dans son précédent ouvrage, il se met en scène dans Killoffer en chair et en fer.

Tels les livres d’Isaac Asimov (Cycle des robots et ses fameuses 3 lois), le cofondateur des éditions L’Association  nous parle de robotique et d’humains. Il plonge son alter ego dans un futur proche où les hommes sont sous surveillance permanente. Un drone pour sortir et un robot domestique pour les taches du quotidien. Chaque geste, chaque parole et chaque fait sont immédiatement décryptés par la police. Cet état de fait est angoissant et cela parfois peut apporter un certain malaise. Comme si George Orwell avait finalement eu raison avec 1984.

Peut-on s’attacher à un robot ?

Dans ce très joli huis-clos quasiment sans texte – il y a des quelques onomatopées et écritures robotiques – Killoffer nous parle de solitude, d’addictions (alcool, clope) et de relations entre l’homme et les robots. On le voit dériver et devenir mélancolique après que son robot a trépassé. Il s’était attaché à cette seule présence auprès de lui. Comme si ce robot de compagnie avait des sentiments. Peut-on s’attacher à un objet mécanique et technologique ?

Ainsi, Killoffer en chair et en fer interroge les lecteurs sur les technologies, le progrès et l’asservissement à ces deux entités. Mais le rédacteur en chef de la revue Mon lapin ne donne pas de réponses, il expose seulement des clefs de lecture. Au lecteur de se forger son opinion. Surtout que l’auteur fait des rêves ambigus qui mettent en scène des femmes mais aussi son robot. Comme son héros, on est donc balloté entre plusieurs sentiments.

D’ailleurs comme l’explique Dominique Lestel, l’auteur de Machines insurrectionnelles, en postface, Patrice Killoffer a travaillé avec le philosophe pour réaliser cet album. Les deux amis ont donc mis sur la table des concepts autour des nouvelles technologies et du progrès scientifique.

Quant au dessin, il est toujours aussi génial chez Killoffer. Son noir profond est toujours aussi attrayant. Les grands aplats de noir et de blanc renforcent l’angoisse mais également les moments de bonheur.

Killoffer en chair et en fer : une formidable fable futuriste entre comédie et tragédie.

Article posté le samedi 19 février 2022 par Damien Canteau

Killoffer en chair et en fer de Patrice Killoffer (Casterman)
  • Killoffer en chair et en fer
  • Auteur : Killoffer
  • Editeur : Casterman
  • Prix : 24 €
  • Parution : 26 janvier 2022
  • ISBN : 9782203239968

Résumé de l’éditeur :  Cofondateur de l’Association et auteur de la scène alternative française depuis les années 1990, Killoffer se dinstingue, comme David B. ou Charles Burns, par la puissance de son noir et blanc. Se représentant volontiers lui-même comme il le faisait dans les 676 apparitions, l’auteur vaque à ses occupations d’homme contemporain, entre son appartement, les servitudes quotidiennes et un penchant immodéré pour les excès en tous genres. Dans ce monde ultratechnologisé, les robots domestiques semblent la norme, mais quid de l’attachement que peut éprouver l’homme pour ces machines, en regard de leur inévitable obsolescence programmée ?

À propos de l'auteur de cet article

Damien Canteau

Damien Canteau est passionné par la bande dessinée depuis une vingtaine d’années. Après avoir organisé des festivals, fondé des fanzines, écrit de nombreux articles, il est toujours à la recherche de petites merveilles qu’il prend plaisir à vous faire découvrir. Il est aussi membre de l'ACBD (Association des Critiques et journalistes de Bande Dessinée). Il est le rédacteur en chef du site Comixtrip.

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