Kimi le vieux chien

Etre seul n’est jamais facile, encore plus lorsque l’on est au crépuscule de sa vie. Kimi le vieux chien parcourt la campagne pour trouver là de la nourriture, là un endroit pour se reposer. Nylso raconte son périple entre nostalgie et philosophie dans ce superbe roman graphique édité par Misma. Encore une grande bande dessinée de Nylso !

A la recherche du réconfort…

Seul depuis que son maître est mort dans un accident de voiture précipitée au fond de l’océan, Kimi le vieux chien erre. Sa truffe lui faisant défaut et ses os lui faisant très mal, il n’a que deux buts : trouver de la nourriture et des endroits pour se reposer. Il quitte alors la ville et la maison où il a vécu plusieurs années pour cette nature qu’il arpente de long en large.

« Je passais tout mon temps à suivre mes désirs »

Ces longs moments de solitude lui permettent alors de réfléchir sur lui même et sur son passé doux et chaleureux chez son maître. « Je cherche un endroit pour dormir. Comment y parvenir quand on a perdu son ouïe ? Perdu sa raison d’être, sa vitesse, sa souplesse, perdu ses forces… Je m’endors n’importe où, là où je me trouve, dans un rayon de soleil, de préférence. »

… jusqu’au dernier soupir

Entre chagrin et désespoir, il traine sa vieille carcasse. Parfois quelques minutes de bonheur auprès d’un arbre, à manger un os, à observer une femelle lui redonne du courage et de la confiance pour repartir plus loin et découvrir autre chose.

Tel un pachyderme qui chercherait le cimetière des éléphants, Kimi le vieux chien marche inexorablement vers la fin de sa vie, le crépuscule d’une existence riche. Jusqu’à son dernier soupir, il pense et philosophe – son cerveau fonctionnant encore à merveille – dans cette nature qui sera son dernier écrin, sa vraie maison.

Kimi le vieux chien : une fin de vie précaire

Quel bonheur de lire une nouvelle bande dessinée de Nylso ! Comme il nous en avait parlé lors de notre entretien en juin dernier, cet album est avant tout un monologue intérieur où il se livre personnellement. Ces échanges autour de Gros ours et Petit lapin mais aussi sur Kimi le vieux chien nous avait mis l’eau à la bouche. Sans trop en dévoiler, l’auteur de Porsmeur (avec Marie Saur) avait ajouté : Je ne sais pas si cela fonctionne sur le public mais j’ai rarement eu autant de plaisir à finir un livre que dans ses conditions ».

Aidé dans ce nouvel album par son frère aîné, Nylso embarque son lecteur avec une grande aisance narrative. On est capté par ce long périple à travers la nature. Les mots sont pesés; l’écrit étant fondamental dans les récits de cet auteur singulier, intelligent et attachant. Pour raconter son histoire, qui de mieux que Kimi le vieux chien ! Avec la force du « je », il concerne tout son lectorat et entre dans l’intimité de cet animal en fin de parcours. Nous sommes dans le dénuement le plus total entre Kimi et lui même, dans une forme de vie précaire. Tout est simple, sans artifice.

Si parfois, le lecteur est à deux doigts de verser une larme, non sur l’apitoiement que l’on pourrait avoir pour Kimi – mais sur les émotions véhiculées et le miroir réfléchissant de sa propre existence. Il y a aussi des moments de grâce et d’humour – extrêmement subtil, qu’il faut aller chercher – pour donner un livre exceptionnel.

En choisissant le crépuscule d’une vie d’un animal – cela pourrait fonctionner pour un être humain – cela permet à Nylso de parler du temps qui passe, la solitude, l’abandon, le rejet, le fait de ne pas être un poids pour les autres plus vaillants, le corps qui vieillit et fait mal mais aussi de la mort. Ce personnage qui n’est pas très beau – arqué, sans flair ni ouïe – pourtant nous charme et devient aux yeux du lecteur un bel être. Il n’est pas défaitiste, juste nostalgique; sans avoir peur de la mort qu’il veut accueillir en simple amie.

Hymne à la nature

« Le matin quand je me lève, je fais cela : des traits, ça fait partie de l’hygiène et j’en ai besoin. C’est aussi une discipline mentale » parce que la particularité du dessin de Nylso, ce sont des hachures, des petits traits fins extrêmement rapprochés pour livrer des illustrations éblouissantes.

De Kimi le vieux chien, on voit que son pelage, quelques traits pour ses pattes et une truffe. Ce minimalisme donne pourtant toute sa force à ce personnage. D’ailleurs, c’est bien le seul de cet album, nul humain que quelques poissons, juste lui et la nature. Comme Gros ours et Petit lapin, Kimi se fond dans cette nature immense et quasi luxuriante. Arbres, fleurs, plantes ou rivière, il passe inaperçu comme s’il n’existait plus, comme s’il allait disparaître derrière un buisson.

Kimi le vieux chien : et si l’on prenait du temps pour regarder l’autre, celui qui est seul, celui qui part ?

Article posté le mardi 11 septembre 2018 par Damien Canteau

Nylso - Kimi le vieux chien (Misma)
  • Kimi le vieux chien
  • Auteur : Nylso
  • Editeur : Misma
  • Parution : 12 septembre 2018
  • Prix : 20€
  • ISBN : 9782916254654

Résumé de l’éditeur : Kimi est un chien. Un vieux chien sans flair qui traîne sa carcasse à la recherche d’un peu de nourriture et de tranquillité. Il erre dans les bois, fait de longues siestes à l’ombre des arbres et se rend chaque soir en haut de la falaise. Cette falaise qui a vu la voiture de son maître glisser et disparaître dans les profondeurs de l’océan. Depuis ce jour, Kimi le Vieux Chien est seul. Le monde des humains l’a abandonné. Il ne lui reste que la nature. Cette nature qui l’entoure et qui dans une longue et chaude étreinte l’accompagnera jusqu’à son dernier soupir.

À propos de l'auteur de cet article

Damien Canteau

Damien Canteau est passionné par la bande dessinée depuis une vingtaine d’années. Après avoir organisé des festivals, fondé des fanzines, écrit de nombreux articles, il est toujours à la recherche de petites merveilles qu’il prend plaisir à vous faire découvrir. Il est aussi membre de l'ACBD (Association des Critiques et journalistes de Bande Dessinée). Il est le rédacteur en chef du site Comixtrip.

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