La course contre l’amour de Valentina Tran

La course contre l’amour de Valentina Tran, de Gene Luen Yang et LeUyen Pham, chez Gallimard, c’est du comic-book romantique Young Adult. Mais l’avantage du genre Young Adult c’est qu’il s’adresse aussi aux adultes plus si « young ». Ce qui fait de cet album une très jolie recommandation pour ce début d’année, en fait pour tous les publics.

La course contre l’amour de Valentina Tran : Saint Valentin comme vous ne pensiez pas le voir

Valentina Tran est une jeune fille d’origine vietnamienne, qui vit aux États-Unis. C’est son père qui l’élève. Sa mère est morte quand elle était toute petite. Alors à toutes les Saint-Valentin, Valentina réalise notamment une petite carte pour que son père sache combien sa défunte épouse l’aime depuis le Paradis. Mais il est fort possible que son père lui cache certaines choses qui risquent fort de chambouler la vie de Valentina.

« On choisit pas ses parents, on choisit pas sa famille »

Si La course contre l’amour de Valentina Tran est un titre a priori orienté « romance », c’est en fait bien plus que cela. C’est un ouvrage sur l’Amour en général. L’amour romantique, l’amitié, l’amour familial. Ces trois aspects rythment l’ensemble du récit, mais nous allons nous attarder d’abord sur cette question de famille.

D’abord, parce qu’elle offre le meilleur personnage de l’album : la grand-mère. Une de ces mères abusives comme les Américains d’origine asiatique aiment les dépeindre. Une grande bouche, incapable de ne pas mettre les pieds dans le plat. Une femme aimante jusqu’à être étouffante, qui ne se pose jamais la question de ce que peuvent ressentir les autres. Un personnage entre mégère et tyran, c’est l’idée. Mais Gene Luen Yang, sans écarter ces travers, parvient à lui donner une dimension comique très efficace. Elle est le détonateur de toutes les situations bloquées, le pied de biche qui ouvre tous les placards à squelettes.

Car le personnage du père en a enfermé quelques-uns de squelettes. Avec cette idée que les enfants ne doivent pas savoir la vérité, qu’il faut les protéger de ce qui pourrait les faire souffrir. Sans entendre que les non-dits sont toujours perçus et viennent matricer le développement desdits enfants. Ce qui est bien le cas pour Valentina. Donc, ce personnage de grand-mère agace autant qu’il réjouit. Et les vérités qu’elle dispense le sont avec une verve extrêmement savoureuse. Luen Yang ne se prive pas d’utiliser sa puissance narrative sur l’ensemble du récit. Une belle preuve de maîtrise technique, au passage.

« C’est l’amour, c’est l’amour, c’est l’a-mour-mour-mour-mour »

Et donc, La course contre l’amour de Valentina Tran nous parle d’amour romantique. Valentina adolescente, jeune adulte, s’est fait un ami imaginaire, Saint Valentin lui-même. Mais Valentina, poussée par sa grand-mère, se pense maudite en amour, comme tous les membres de sa famille. Saint-Valentin va donc devenir un personnage récurrent, entre angelot joufflu et zombie en décrépitude, suivant l’évolution des sentiments amoureux du personnage. Gene Luen Yang écrit avec finesse les différents types d’émois ressentis au fil de l’avancée en âge de Valentina. Les situations proposées, toujours un peu cocasses, restent néanmoins très crédibles. On s’attache à Valentina et à ses doutes amoureux, quand bien même le triangle proposé apparaît rapidement comme assez évident dans sa résolution future.

La course contre l’amour de Valentina Tran c’est aussi de la culture

Oui, on vibre en émotions, dans ce comic-book, mais on s’y instruit aussi, mine de rien. Gene Luen Yang bâtit un récit pour sa dessinatrice, LeUyen Pham. Lui, l’American Born Chinese, développe donc un récit sur la communauté vietnamienne aux États-Unis. Son rapport à la religion catholique, ses fêtes, sa prédominance dans les relations familiales… Le scénariste se montre très crédible dans cette dimension-là aussi. Cela apporte un supplément d’âme au scénario, une profondeur et une persistance, qui en font toute la qualité.

Virtuosité graphique dans La course contre l’amour de Valentina Tran 

Nous avons beaucoup parlé du travail de Gene Luen Yang et de ses multiples facettes. Mais si ce comic-book est intéressant, c’est aussi grandement par la prestation de sa dessinatrice, LeUyen Pham. Issue du monde de l’animation, elle a illustré depuis plus d’une centaine de titres, notamment pour les enfants. Mais ce n’est pas tant pour la bande dessinée, qu’elle est réputée. Et pourtant, elle livre une prestation très forte.

Le trait est évidemment sans faille, constant et maîtrisé. C’est une professionnelle du dessin et cela se sent. Elle adopte un style semi-réaliste très expressif, idéal pour mettre en scène la comédie humaine écrite par son scénariste.

Mais le dessin de LeUyen Pham est plus inventif que cela. Le découpage des cases est pensé pour vibrer à des énergies différentes selon les besoins de l’histoire. Avec la présence d’éléments imaginaires, l’artiste peut aussi s’autoriser des pleines pages qui font sauter les cases et lui permettent d’illustrer graphiquement des concepts très liés au mouvement.

C’est intelligent, c’est très joli tout en restant très accessible. Idéal pour offrir une véritable œuvre au public ciblé.

La course contre l’amour de Valentina Tran : un coup de cœur

Autant le dire pour conclure : La course contre l’amour de Valentina Tran, par Gene Luen Yang et LeUyen Pham, publié chez Gallimard, c’est mon coup de cœur de ce début d’année. Moi le vieux mâle quadra blanc, j’ai juste été capté par une bonne histoire, bien racontée, sincère et bien dessinée. Il n’y a pas que les histoires sombres, tristes et inhumaines, qui font de bons récits, La course contre l’amour de Valentina Tran en fait la démonstration.

Article posté le samedi 25 janvier 2025 par Yaneck Chareyre

La course contre l'amour de Valentina Tran de Gene Luen Yang et LeUyen Pham (éditions Gallimard BD)
  • La course contre l’amour de Valentina Tran
  • Scénariste : Gene Luen Yang
  • Dessinatrice : LeUyen Pham
  • Éditeur France : Gallimard BD
  • Éditeur USA : First Second Books
  • Date de publication France : 22 janvier 2025
  • Date de publication USA : 2024
  • Nombre de pages : 352
  • Prix : 25€
  • ISBN : 9782075212731

Résumé de l’éditeur : Qui croît encore au grand amour ? Autour de Valentina Trân, c’est un festival de sceptiques et de coeurs brisés. Et d’après sa grand-mère vietnamienne, Valentina a hérité d’une ancienne malédiction familiale. En amour, son choix se résumerait donc à souffrir, ou renoncer. À moins qu’elle puisse forcer le destin ?

À propos de l'auteur de cet article

Yaneck Chareyre

Journaliste , critique et essayiste BD depuis 2006.

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