La déconfiture (tome 2)

Pascal Rabaté revient avec le second tome de La Déconfiture, une chronique tendre et réaliste d’hommes ordinaires en temps de guerre. Superbe.

DANS LA TOURMENTE

Le premier opus de La Déconfiture, paru en 2016, avait été salué ici comme il se doit, avec un grand intérêt. D’abord parce qu’il était le fruit du travail d’un dessinateur de grand talent, Pascal Rabaté, et d’un scénariste non moins talentueux, en l’occurrence le même homme. L’auteur d’Ibicus, des Petits ruisseaux, de Crève Saucisse ou encore de Vive la marée! prouvait une nouvelle fois que qu’un savant mélange de légèreté et de gravité pouvait générer une histoire des plus attachantes.

Ainsi faisait-on connaissance avec des hommes ordinaires pris dans la tourmente de l’exode de juin 1940. Parmi eux, un certain Amédée Videgrain, soldat du 11 e régiment, instituteur dans le civil, à moto sur les routes de France… Les Stukas allemands bombardent les populations civiles et militaires, laissant au bord des routes des cadavres sur lesquels Videgrain et ses camarades d’infortune sont chargés de veiller. Mais une balle ennemie ayant perforé le réservoir de sa bécane va le contraindre à changer son chemin…

Il va devoir avancer le long des routes de campagne, croisant bonnes sœurs en godillots, un cheval avec chauffeur qui tire une voiture en panne.. Avec d’autres soldats perdus comme lui, Videgrain se meut comme il peut « dans une France qui se débine ».  Ainsi il ne fauchera pas les blés dans la chaleur de l’été mais se fera fossoyeur, condamné à creuser des trous pour y déposer les dépouilles de ceux qui sont tombés sous le feu. « On est emballeur chez Borniol , résume alors l’un d’eux, on fait des lits à la pioche et on borde à la pelle » .

FAIRE LE DOS ROND

Au hasard de son chemin d’exode, Videgrain croise d’autres gars comme lui, ni héros, ni va-t-en guerre prêts à mourir pour leur patrie.  Chacun est au contraire soucieux d’échapper au pire et de s’en tirer le mieux possible, même s’il faut parfois subir les foudres de gradés qui eux « ont une guerre à faire «  Et puis il y a l’occupant qui les a jetés sur ces  routes. Comme dit l’un des compagnons d’infortune d’Amédée, « la race des seigneurs pavoise » tandis que « la race des vaincus fait le dos rond ». Alors, en attendant des jours meilleurs, chacun dans cette longue colonne qui s’allonge au fil du temps, fait comme il peut.

Sous le soleil de l’été 40, qu’on soit parisien ou paysan, on se raconte des histoires, des anecdotes du temps d’avant. On parle, on discute le bout de gras, même si le bout de gras justement vient cruellement à manquer. La faim et la soif s’ajoutent à une forme de fatalisme.

DE L’ÉLÉGANCE

Tous ne se sont pas résignés. Videgrain et quelques autres, alors que « c’est toute l’armée française qui rampe vers l’Allemagne », ont décidé de se faire la belle. Ismael, un soldat noir s’est joint à la petite bande. Mais bientôt il se retrouve seul avec Amédée pour poursuivre l’aventure. Ils se cachent un temps dans une ferme où les accueillent une mère et sa fille.

Là, comme une pause bienvenue dans cet univers de violence continue, ils vont vivre des amours furtives dans la nuit ou dans la moiteur d’une grange. Le tout est habilement suggéré par le trait épuré de Rabaté, dont le dessin noir et blanc joue admirablement avec les ombres et les hachures.

Au bout de son parcours, Amédée reste vivant mais se retrouve seul au monde dans un Paris déserté. La déconfiture, jusqu’au bout…

Article posté le jeudi 22 mars 2018 par Jean-Michel Gouin

La déconfiture 2 de Pascal Rabaté (Futuropolis) décrypté par Comixtrip
  • La déconfiture, tome 2
  • Auteur : Pascal Rabaté
  • Editeur : Futuropolis
  • Prix : 20€
  • Parution : 22 février 2018
  • ISBN: 9782754823128

Résumé de l’album : Juin 1940. Videgrain, soldat du 11e régiment, est sur les routes… Les Allemands ont enfoncé tous les fronts, c’est la débâcle. Les Stukas viennent faire des incursions meurtrières sur les colonnes de réfugiés qui fuient l’avancée allemande. Videgrain, qui a été séparé de son régiment, le rejoint à temps pour être fait prisonnier par l’armée allemande avec tous ses camarades. Au fil du chemin qui les emmène vers leur camp de détention, leur nombre s’accroît de jour en jour, confirmant l’étendue de la défaite française. Videgrain, son copain Marty et quelques autres soldats, veulent profiter de la pagaille créée par cette colonne de prisonniers qui s’étire de plus en plus, pour s’évader…

À propos de l'auteur de cet article

Jean-Michel Gouin

Passionné par l'écrit, notamment l'histoire, la littérature policière et la bande dessinée, Jean-Michel Gouin est journaliste à Poitiers.

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