La petite dernière

Très grande autrice jeunesse (Joker, Ma boîte à histoires, Emma), Susie Morgenstern a publié en 2017, La petite dernière, l’autobiographie de l’année de ses dix ans. Johann G. Louis s’en empare pour la décliner en album de bande dessinée. Entre sororité forte, envie d’écrire et cousins revenus des camps de la mort, cette histoire drôle et poignante est éditée par Dargaud.

Susie Morgenstern, l’amour des mots, l’amour de la France

Née en 1945, Susie Morgenstern est l’une des autrices jeunesse les plus lues en France. Après une enfance à Belleville dans le New Jersey  – qu’elle raconte dans La petite dernière – elle s’installe en France à l’âge de 22 ans. Doctorante en littérature comparée à l’université de Nice, elle produit de nombreux ouvrages pour les enfants.

Si elle possède toujours un sympathique accent, elle écrit ses livres en français, à part Mes dix-huit exils, son autobiographie parue le 29 avril 2021 chez L’iconoclaste. Pour se raconter, elle préféra la langue de Shakespeare.

Joker fut son plus grand succès en librairie – de nombreux élèves l’ont étudié en classe – il y eut ensuite La famille trop d’filles ou encore Lettres d’amour de 0 à 10 que Thomas Baas déclina en bande dessinée en 2019.

La petite dernière en bande dessinée

Pauline Mermet – éditrice – eu la géniale idée d’adapter en album de bande dessinée La petite dernière. Susie Morgenstern fut ravie. Il ne restait plus qu’à trouver le dessinateur.

Le choix se posa alors sur Johann G. Louis, réalisateur de courts et longs métrages mais également auteur de bandes dessinées : Shelley après l’autruche, tournez à droite et Fréhel.

Susie et ses sœurs

Lorsque l’on est la petite dernière de la famille, ce n’est jamais simple d’y trouver sa place. Pas pour Susie ! A Belleville, elle habite avec ses deux parents et ses deux grandes sœurs, Effie et Sandra. Si elle se taquinent gentiment, elles ne se fâchent jamais entre elles. Elles s’entendent à merveille.

Il faut souligner que le couple Hoch a fui la Pologne avant la Seconde guerre mondiale pour se réfugier dans cette petite ville du New Jersey. Ainsi, les filles grandirent dans un climat serein et à l’abri. Leur judéité leur auraient forcément posé de gros problèmes en restant en Europe.

Rivka et Chaim doivent se reconstruire

Les parents annoncent alors à Effie, Sandra et Susie qu’ils vont accueillir pour une courte période, Rivka et son mari Chaim, rescapés de l’enfer des camps de la mort nazis.

Voûtés par le manque de force, leur mine grise, leurs traits tirés et leur maigreur font peur aux trois sœurs. Il faut souligner que leurs parents ne leur ont pas donné de détails sur l’extermination des juifs.

Rapidement, Susie se prend d’affection pour Rivka et tente de lui apprendre quelques mots en anglais…

La grande liberté de la petite dernière

On le comprend dans La petite dernière, Susie Morgenstern fut choyée dans son enfance. Le vie fut douce pour elle et ses sœurs. On sent la grande liberté donnée à ces filles pour grandir.

La mère non-conformiste et le père agréable, apportent une vraie douceur dans leur existence. On ressent de la bienveillance même lorsque Susie est traité de « sale juive ».

Le bonheur transpire à chaque page de l’album. Malgré les douleurs, l’optimiste est là, chevillé au corps.

« Écrire, ce n’est pas oublié qui nous sommes ! Écrire, c’est aussi un moyen de parler quand on ne peut pas. »

L’année des dix ans de Susie Morgenstern est aussi importante, c’est celle où elle veut devenir autrice. Une vingtaine d’années plus tard, elle publiera son premier livre L’alphabet hébreu en 1977.

De la douceur des dessins

La petite dernière est parfaitement adapté par Johann G. Louis. Il a gardé ce côté optimiste, ce bonheur décrit à chaque page. Pour cela, l’auteur ayant suivi des études aux beaux-arts d’Angers a réalisé des planches d’une grande douceur.

Dans la veine de Sempé (il suffit de se pencher sur les illustrations pleine-page qui ouvrent les chapitres pour voir un lien), son dessin au trait d’une grande finesse à la plume est rehaussé par de très belles aquarelles pastel.

On ressort de la lecture de La petite dernière avec le sourire. C’est une belle parenthèse enchantée, une manière de connaître encore plus Susie Morgenstern, la très grande autrice franco-américaine.

Article posté le mercredi 19 mai 2021 par Damien Canteau

La petite dernière de Johann G. Louis et Susie Morgenstern (Dargaud)
  • La petite dernière
  • Auteur : Johann G. Louis, d’après le roman de Susie Morgenstern
  • Editeur : Dargaud
  • Prix : 17 €
  • Parution : 07 mai 2021
  • ISBN :  9782205085020

Résumé de l’éditeur : L’année des dix ans de Susie, aux États-Unis dans le New Jersey dans les années 1950. Susie grandit dans une famille juive de trois enfants. De trois filles plus exactement : Sandra, Effie et elle, Susie, la « petite dernière ». Et c’est son grand drame d’être la troisième ! En plus, ses soeurs prennent toute la place : Sandra est « la plus jolie », Effie « la plus drôle ». Que lui reste-t-il de spécial ? Susie Morgenstern a écrit « La petite dernière » (Nathan) en 2015. Elle y relate une enfance heureuse, non conventionnelle, qui a déterminé sa vie.

À propos de l'auteur de cet article

Damien Canteau

Damien Canteau est passionné par la bande dessinée depuis une vingtaine d’années. Après avoir organisé des festivals, fondé des fanzines, écrit de nombreux articles, il est toujours à la recherche de petites merveilles qu’il prend plaisir à vous faire découvrir. Il est aussi membre de l'ACBD (Association des Critiques et journalistes de Bande Dessinée). Il est le rédacteur en chef du site Comixtrip.

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