Réaliser l’adaptation graphique d’un roman n’est toujours chose aisée. Alors quand il s’agit de reprendre la trilogie écrite entre 1989 et 1991 par Philip Kerr, c’est s’attaquer à un chef-d’œuvre. La trilogie berlinoise, puisqu’il s’agit d’elle, fait peau neuve grâce à la collaboration entre Pierre Boisserie au scénario et François Warzala au dessin. Ce premier tome intitulé L’été de cristal est publié chez Les Arènes BD.
La trilogie berlinoise, un chef d’œuvre de Philip Kerr
Les trois romans de La trilogie berlinoise ont été les premiers écrits par le romancier écossais Philip Kerr. L’été de cristal publié en 1989 se situe à Berlin en 1936. Les deux autres romans de cette trilogie La pâle figure et Un requiem allemand ont eux été publiés en 1990 et 1991 et se situent respectivement en 1938 et 1947, toujours à Berlin, sur fond de Troisième Reich.
Cette série devait s’arrêter là, mais le personnage de Bernhard « Bernie » Gunther ayant rencontré un franc succès, le romancier écrira, à partir de 2006, onze autres romans qui se situeront avant, pendant et après La trilogie berlinoise.
Les aventures du détective privées se dérouleront donc entre 1928 (Metropolis) et 1957 (L’offrande grecque) et conduiront notre héros en Europe, Autiche, Yougoslavie, Grèce, France mais également en Argentine et à Cuba.
Un héros au profil d’antihéros
Bernie Gunther naît à Berlin en 1896. Soldat pendant la Première Guerre mondiale, notamment la Bataille de la Somme en 1918, il sera décoré de la croix de fer de 2e classe, tout comme Adolph Hitler. Bernie ne manque pas de préciser que seuls les morts recevront la croix de fer de 1ère classe !
Après guerre, il va travailler comme inspecteur à la Kripo (Kriminalpolizei, police criminelle). Il la quittera en 1933, avec l’accession des nazis au pouvoir. Attaché aux valeurs démocratiques de la République de Weimar (1918-1933), il démissionne de son poste et devient chargé de la sécurité de l’hôtel Adlon à Berlin.
Un détective déterminé et prêt à tout
En 1936, Bernie va créer sa propre agence de détective. Un riche industriel le sollicite alors pour enquêter sur un double meurtre et la disparition d’un collier de diamants.
Décrit comme un Philip Marlowe allemand, Bernie Gunther est un homme des convictions. L’arrivée d’Adolph Hitler au pouvoir le 30 janvier 1933, ne l’empêche pas de rester fidèle à sa ligne de conduite malgré la disparition de plus en plus croissante d’opposants au régime.
Brillant et déterminé, découvrant ce que les autres cachent, il avance dans cette enquête au milieu de personnages peu recommandables tels que Göring.
Une plongée dans le Berlin de 1936
Du 1er au 16 août 1936, Berlin sert de vitrine au régime nazi et accueille les onzièmes Jeux Olympiques d’été. Hermann Six, un riche industriel qui a fait fortune dans l’acier, invite Bernie Gunthar chez lui. Celui-ci le charge de découvrir qui a tué, puis brûlé les corps de Grete sa fille et son gendre Paul Pfarr, un ange noir, un SS autrement dit « un nazi de la pire espèce ».
Au détour des ses rencontres avec des personnages peu recommandables, anciens prisonniers libérés, admirateurs et collaborateurs du régime en place, on découvre un Berlin qui se vide de ses indésirables selon le Troisième Reich. La ville veut se donner un air de respectabilité en raison de l’arrivée d’étrangers qui vont assister aux Jeux olympiques. Mais on ressent parfaitement bien la terreur qui règne dans la capitale.
Une enquête des plus dangereuses
Avec L’été de cristal, le tome un de La trilogie berlinoise, Pierre Boisserie plonge le lecteur dans une enquête aux multiples ramifications. Bernie Gunther, qui semble hermétique à la peur ambiante, ne se laisse à aucun moment impressionner. Il avance, se prend des coups, au propre comme au figuré, mais tel un phénix se relève à chaque fois.
Son humour et ses réflexions en voix off ne peuvent nous empêcher de sourire. Surtout quand il tourne en dérision le régime en place.
Il était indispensable que figure dans cette adaptation, la mythique course du 100 mètres, épreuve reine des Jeux Olympiques, remportée par Jesse Owens, sous les yeux médusés du Führer. Cette séquence sera un véritable camouflet pour Chancelier du Reich et les théories raciales qu’il prône.
Des dessins ligne claire
Quoi de mieux que la sobriété choisie par François Warzala dans le dessin et les couleurs pour mettre en image une des périodes les plus terribles de l’histoire ? Le trait est fin et précis. Le choix des couleurs est caractéristique de celles des uniformes. Gris, noir et marron, portés par les hommes au service du Reich, qu’ils soient militaires ou pas.
Ce sont les femmes qui vont croiser, et même un peu plus selon les affinités, le chemin de Bernie Gunther qui apportent des touches de couleurs dans cette grisaille.
Les autres personnages qui gravitent autour de notre détective ont eux des mines patibulaires. Elles reflètent parfaitement bien leurs intentions et la sauvagerie de leurs actes.
Un carton plein pour cette adaptation
Quel plaisir d’avoir pu découvrir l’adaptation de cette Trilogie berlinoise ! Cet album ne pourra que plaire aux amateurs d’Histoire. Mais également aux amateurs de romans policiers noirs, comme le fut cette période. À n’en pas douter, le deuxième tome intitulé La pâle figure, qui mettra Bernie Gunther sur la piste d’un tueur en série alors que la Nuit de cristal se profile (9 novembre 1938), devrait encore nous réserver un très bon moment de lecture.
- La trilogie berlinoise, L’été de cristal 1/3
- Scénariste : Pierre Boisserie
- Dessinateur : François Warzala
- Adapté de : Philip Kerr
- Éditeur : Les Arènes BD
- Prix : 20 €
- Parution : 18 novembre 2021
- ISBN : 9791037504678
Résumé de l’éditeur : Berlin, 1936. Alors que les nazis règnent en maître sur l’Allemagne, un détective pas comme les autres enquête sur d’étranges disparitions. La capitale, Berlin, est en ébullition et se prépare à recevoir les Jeux olympiques d’été. Une série d’inquiétantes disparitions risque de gâcher la fête. Lorsque la fille du magnat de l’acier Hermann Six est assassinée, son père embauche l’inspecteur Bernard Gunther, ancien brillant membre de la police allemande tombé en disgrâce sous le IIIe Reich. Irrévérencieux, alcoolique et bagarreur « Bernie » se retrouve au coeur d’un complot qui implique les plus hautes sphères du nazisme : Göring, Heydrich, Himmler, la SS et la Gestapo. Des dorures du Reich au camp de concentration de Dachau, il faudra un sacré bagou et une sacrée droite à Bernie Gunther pour se tirer de ce nid de serpents où tous les coups sont permis.
À propos de l'auteur de cet article
Claire Karius
Passionnée d'Histoire, j'affectionne tout particulièrement les albums qui abordent cette thématique. Mais pas seulement ! Je partage ma passion de la bande dessinée dans l'émission Bulles Zégomm sur Radio Tou'Caen et sur ma page Instagram @fillefan2bd.
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