Avec La Veuve, le dessinateur Glen Chapron propose une magistrale adaptation en noir et blanc du roman éponyme de Gil Adamson. Un western au féminin dans le cadre somptueux des Rocheuses canadiennes.
Une femme en fuite
Qu’y a-t-il dans ses yeux inquiets, dans ce regard noir où perce la peur ? Que fait donc cette jeune femme frêle dans ces montagnes Rocheuses, tenaillée par la faim et le froid, et surtout que fuit-elle ? Voici planté le décor de La Veuve, un roman graphique du dessinateur breton Glen Chapron que publie Glénat en ce début 2025. Il adapte ici le premier roman de la canadienne Gil Adamson, paru en France en 2009 chez l’éditeur Christian Bourgois puis dans la collection de poche 10/18.
Comme une bête
Nous sommes en 1903, dans une Amérique sauvage où la mort semble toujours à portée de fusil. Comme ceux de ces deux hommes partis aux trousses de la jeune Mary, bien résolus à en découdre. Celle-ci, à peine vingt ans, a été mariée à John, un homme violent. Alors elle l’a tué… Ce sont ses deux beaux-frères qui veulent venger sa mort et la traquent comme un vulgaire gibier.
Des rencontres salavtrices
Mais Mary, bien que d’apparence fragile, va au cours de cette folle cavale se révéler de plus en plus forte et déterminée. Des rencontres, parfois heureuses, vont l’y aider. Ainsi cette vieille femme qui lui offre un temps l’hospitalité et qui en peu de temps semble tout saisir des malheurs de Mary : « Je sais exactement où vous en êtes. Vous vous dites que c’est la fin de tout. Le veuvage n’est pas un choix: c’est la vie qui vous l’impose. Être seule est un fardeau ».
Puis il y a ce jeune trappeur, William, avec lequel elle va bientôt partager sa couche. C’est à lui que Mary Bolton va confier comment son mari, criblé de dettes et coureur de jupons, a brisé sa jeune vie, la sienne et celle d’un enfant qui n’a pas survécu…
L’envie de vivre
Malgré toutes ces embûches, ces drames, ces malheurs, la jeune Mary fait preuve de courage et de détermination. Face à l’adversité, elle oppose une formidable envie de vivre et de liberté reconquise. Une forme de résilience qui rend cette héroïne particulièrement attachante. L’auteure canadienne a su camper un western qui, une fois n’est pas coutume, met en avant un personnage féminin.
Beauté du noir et blanc
Le trait de Glen Chapron fait le reste. Il propose un noir et blanc maîtrisé, parfois pointilliste dans la restitution de somptueux paysages. Au rythme des scènes d’action ou de pure contemplation, il alterne savamment des encrages de noirs profonds et des lavis de gris et installe un découpage dynamique.
Après le fantastique et les séries jeunesse, dont Les Dragons de Nalsara, Glen Chapron fait avec La Veuve une entrée remarquée dans l’univers du western. À nos yeux une jolie réussite!

- La Veuve
- Scénario et dessin : Glen Chapron
- Editeur : Glénat
- Prix : 25 €
- Parution : 15 janvier 2025
- ISBN : 9783244047514
Résumé de l’album. 1903. Affamée, à bout de force, une jeune femme fuit à travers les Rocheuses canadiennes, sans regarder derrière elle. Que fuit-elle, ou plutôt qui ? À ses trousses, deux brutes déterminées à venger la mort de leur frère la traquent telle une bête sauvage. À 19 ans, Mary est déjà veuve et meurtrière. Aussi seule que démunie, elle réussit pourtant à semer ses poursuivants au cours d’une cavale oppressante dans les montagnes, la nature suppléant les lois des hommes… Déterminée, Mary, qui porte le secret d’une vie brisée, fait des rencontres fortuites, de celles qui changent une vie. Autant de confrontations étonnantes, révélatrices d’un passé mouvementé que l’on appréhende par petites touches… Des personnages avides ou généreux, des débrouillards ou des ermites lui permettent de tenir la distance… Malgré la peur au ventre, chevauchant à travers les sombres forêts escarpées, une furieuse envie de vivre permet à Mary de choisir son propre destin : celui d’une femme libre. Glen Chapron révèle son style plein d’émotion et sa maîtrise du N&B à travers ce western littéraire au féminin. Tension, vengeance mais aussi poésie et émancipation rythment cette adaptation du beau roman de Gil Adamson que Glen fait reposer pour l’essentiel sur l’atmosphère et les relations humaines. Les rencontres de Mary avec des personnages forts et attachants nous rappellent le droit universel à la recherche du bonheur. Une fresque épique et sociale pour un roman graphique captivant et libérateur.
À propos de l'auteur de cet article
Jean-Michel Gouin
Passionné par l'écrit, notamment l'histoire, la littérature policière et la bande dessinée, Jean-Michel Gouin a été journaliste radio et presse écrite pendant une trentaine d'années à Poitiers.
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