A partir de 2009, sur le site du futur aéroport de Notre-Dame-des-Landes, des centaines de personnes s’organisent pour lutter contre ce projet et préserver l’écosystème des tractopelles. Ils constituent alors une ZAD. Simon Rochepeau et Thomas Azuelos y sont restés plusieurs semaines et en ont créé un album militant de grande valeur, La ZAD c’est plus grand que nous aux éditions Futuropolis.
L’aéroport de Notre-Dame-des-Landes : un vieux projet irréalisable et coûteux
En 1963, un projet naissait dans la tête des hommes politiques : l’aéroport du Grand Ouest au sud du bourg de Notre-Dame-des-Landes. Il devait désengorger ceux de la capitale mais aussi permettre une plus grande mobilité géographique du côté de la Bretagne.
Mis en sommeil dans les années 70 à cause de la crise des chocs pétroliers, il est remis au goût du jour par Lionel Jospin alors Premier ministre. Deux syndicats mixtes sont créés pour piloter le projet. Déclaré d’utilité public, il devait ouvrir en 2017.
Projet coûteux (plus de 550 millions d’euros au départ), irréalisable et écologiquement destructeur, l’aéroport agrège de nombreuses personnes opposées au projet. Dès 1972, la lutte débute et s’intensifie pour se transformer en ZAD (Zone à défendre) à partir de 2009.
La ZAD Notre-Dame-des-Landes : une vie de lutte(s)
Au plus fort de la lutte, à partir de 2012, des centaines de femmes et d’hommes s’organisent pour un siège très long. C’est dans ce contexte que Simon Rochepeau et Thomas Azuelos s’y rendent dans le but de faire connaitre la lutte à travers un album de bande dessinée.
La vie prend racine(s) dans cette zone à l’écosystème de grande valeur. Des paysans du coin sont rejoints par des idéalistes et des radicaux. Ils rêvent d’une vie meilleure, d’une modèle économique et sociétal plus juste et plus humain.
Parmi eux, il y a Gildas et Christine, un couple de paysans en passe d’être expropriés. Ils viennent lutter avec les autres parce que tous les recours administratifs pour sauver leur exploitation ont échoués.
Il y a aussi Kat et Scoot, radicalisés et prêts à lutter physiquement mais aussi Cloé, toute nouvelle arrivée sur le site et qui tombe sous le charme de Maxime, un ancien. Si chacun veut défendre la ZAD, tous n’ont pas la même vision de la lutte et même du futur des lieux…
Destructions et blessés : de la dureté du conflit
D’une grande force narrative et graphique La ZAD c’est plus grand que nous, happe les lecteurs, les entrainent et les fait réfléchir sur notre rapport à la notre terre, au pouvoir et à l’obéissance civile.
A travers 208 pages, Simon Rochepeau et Thomas Azuelos essaient de nous faire comprendre ses années de lutte, démêler le vrai du faux. Les zadistes sont beaux sous leur plume et deviennent attachants malgré leur caractère parfois fort. S’ils sont tous fictifs, ils sont inspirés par des personnes existantes que les auteurs ont rencontré sur place.
Le duo avait déjà travaillé ensemble sur L’homme aux bras de mer (2018), Le fantôme arménien (2015) et Douce France (2013). Ce regard croisé fonctionne à merveille. Solidement documenté et de l’intérieur, La ZAD c’est plus grand que nous souligne aussi la dureté du conflit. Blessés , destructions de cultures et d’habitats, tout est âpre. Simon Rochepeau met aussi en lumière le jeu subtil du chat et de la souris entre les zadistes et les forces de l’ordre.
Entre abstractions et silences, les planches de Thomas Azuelos sont magnifiques. Il arrive à nous faire ressentir tous les aspects de la lutte et plus particulièrement les moments de combats avec les autorités policières. Et c’est cela qui est très fort !
De l’obscurité nait la lumière et l’espoir. Malgré les obstacles, la vie a tenu bon dans la ZAD. Le projet est abandonné le 17 janvier 2018, et même si l’évacuation fut tendue, le camp des zadistes a gagné. Une victoire qui en appelle d’autre à Sivens, à Bure, à Gonesse, à Drucat ou encore à Plaisance du Touche mais ce sont d’autres histoires…
- La ZAD c’est plus grand que nous
- Scénaristes : Simon Rochepeau et Thomas Azuelos
- Dessinateur : Thomas Azuelos
- Editeur : Futuropolis
- Parution : 06 février 2019
- Prix : 25€
- ISBN : 9782754824149
Résumé de l’éditeur : En 2000, l’ancien projet d’aéroport du Grand Ouest est réactivé dans le bocage de Notre-Dame-des-Landes, près de Nantes. En 2009, après tous les recours juridiques imaginables, des habitants envisagent de s’opposer physiquement au démarrage des travaux et lancent l’appel des « habitant-e-s qui résistent ». Des centaines de jeunes gens de la France entière, issus des luttes politiques écologiques, antiautoritaires ou à la recherche de modes de vie alternatifs, commencent à venir s’installer sur la zone promise aux grands travaux. Le 16 octobre 2012, le gouvernement Ayrault lance « l’opération César » qui a pour but d’évacuer, par la force, Notre-Dame-des-Landes et d’en chasser les occupants qui s’opposent au projet de construction de l’aéroport. Le 17 janvier 2018, le projet est officiellement abandonné. Entre ces deux dates, les zadistes résistent, s’organisent collectivement, cultivent, avec l’aide des paysans restés sur place, des terres dans le bocage, rêvent d’une autre façon de vivre : « Nous sommes une armée de rêveurs (rêveuses) et pour cette raison nous sommes invincibles. » Qui sont vraiment les zadistes de Notre-Dame-des-Landes ? Que veulent-ils ? Comment vivent-ils ? Embarqués pendant de longues semaines à leurs côtés, les auteurs ont choisi une fiction documentée pour rendre compte, au plus près, de la réalité de la vie sur la ZAD. Le récit de Thomas Azuélos et Simon Rochepeau est celui d’une lutte, hors des partis et mouvements traditionnels, contre l’aménagement capitaliste du territoire et pour défendre d’autres manières de vivre.
À propos de l'auteur de cet article
Damien Canteau
Damien Canteau est passionné par la bande dessinée depuis une trentaine d’années. Après avoir organisé des festivals, fondé des fanzines, écrit de nombreux articles, il est toujours à la recherche de petites merveilles qu’il prend plaisir à vous faire découvrir. Il est aussi membre de l'ACBD (Association des Critiques et journalistes de Bande Dessinée) et co-responsable du prix Jeunesse de cette structure. Il est le rédacteur en chef du site Comixtrip. Damien modère des rencontres avec des autrices et auteurs BD et donne des cours dans le Master BD et participe au projet Prism-BD.
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