L’artiste et son modèle tomes I, II & III

Pourrais-tu nous dresser ton portrait dans ses grands traits afin d’exposer l’artiste à son lectorat ?
Vincent Levêque : Je suis un dessinateur qui aime varier les plaisirs entre des images pour la communication, la bande dessinée – notamment chez Fluide Glacial – l’illustration jeunesse et des œuvres plus personnelles et plus adultes.

Comment cette idée de varier l’illustration d’une relation entre un artiste et son modèle s’est-elle invitée dans l’espace de ta création ?                                                                                                           

J’adore visiter les musées et je suis toujours fasciné par les œuvres où l’on sent le regard du modèle se poser sur nous comme si on était à la place de l’artiste qui l’a peint ou sculpté, même des siècles plus tard.

C’est cette relation aussi ancienne que l’Art que j’ai voulu explorer à ma manière.

Comment définis-tu le lien illustré entre l’artiste et le modèle ?
C’est un lien puissant et indéfectible puisque dans mon esprit l’un ne peut pas exister sans l’autre. Tous les artistes que j’apprécie ont toujours eu des muses qui leur ont permis de sublimer leur art.

Quelles sont tes principales sources d’inspiration qui permettent de faire voyager ton idée à travers les époques, les styles et les situations ? La poésie est-elle un chant lexical important à ta matière car tu cites à chaque fois en préface de beaux extraits comme ceux de Jacques Vaucherot « Poèmes du val et de l’amour » ou de Théophile Gautier « Musée secret » ?
Pour l’inspiration,  je me laisse porter par mon imagination en me référant inconsciemment ou non à des images et à des artistes (de différentes époques) que j’ai déjà croisés.

J’aime laisser mon crayon libre des premiers traits, quitte à reprendre le contrôle si je veux préciser des choses et aller dans le détail, mais in fine il y a dans chacune de mes illustrations un début quasiment irréfléchi de pur plaisir du dessin ; c’est souvent le moment que je préfère dans la création ! Concernant la poésie je trouve le parallèle avec le dessin et la peinture assez naturel puisque la plupart des grands poètes ont évoqué leur amour pour le corps humain et la sensualité.

Jacques Vaucherot était mon grand-père maternel et la présence de ces élégants poèmes érotiques est aussi un hommage que je lui rend au passage.

On remarque que ton modèle est loin d’être unique. Est-ce que c’est primordial pour toi de véhiculer l’idée que le corps nu est un magnifique vêtement sensuel sous toutes les différentes courbes qui peuvent l’habiller ?
Bien sûr ! J’aime les corps dans toutes leurs variétés. Si je dessinais toujours le même style physique je m’ennuierai et je pense que je n’aurais pas tenu la distance sur ce projet.

Mais je dois reconnaître que j’ai quand même une prédilection naturelle pour les courbes féminines généreuses qui transparaît, je pense, assez souvent dans mes illustrations.

As-tu été tenté de glisser parfois une bulle ou un titre dans un de tes dessins ?
Non, pas vraiment. Pour avoir participé à des séances de modèle vivant, ce sont souvent des moments silencieux, feutrés, où l’on sent juste la tension de la pause du modèle et celle du geste créatif de l’artiste. J’aime le silence de cet instant suspendu où l’on ne communique plus qu’avec les yeux. J’adore cette idée d’un « non-dit » qui sous-entend une grande complicité et une confiance entre les deux parties.

Je tiens aussi à laisser l’image s’exprimer par elle-même et à donner ainsi au lecteur (et lectrice) une grande liberté d’interprétation.

Si tu devais choisir trois mots primaires pour définir la palette complète de ces trois Artbooks, lesquels seraient-ils ?
Pas facile, je dirais : « complicité », « variation », « sensualité ».

Pourquoi le choix de l’auto-édition ?
J’avais envie de créer le livre que je voulais, sans me soucier des contraintes de l’édition classique. C’est mon « œuvre » et je tenais à la contrôler de A à Z.

Peut-être que pour les prochains tomes j’étudierai le système du financement participatif, il y a sans doute des pistes intéressantes à explorer de ce côté. Après, si je rencontre un jour un éditeur très ouvert à ce genre de thématique, peut- être que je changerai d’avis.

Et si tu devais être toi-même un modèle, tu aurais envie d’être dessiné par qui ?
Bonne question, j’aurais bien voulu voir l’interprétation de mon corps qu’auraient donné de moi des peintres un brin torturés comme Lucian Freud et Jules Pascin, ou une grande artiste comme Suzanne Valadon (qui a aussi été modèle).

Sinon en bande dessinée, je n’aurais pas dit non à une session de pose avec le maître Moebius.