Lerew est un jeune pêcheur dans un village perdu. Quand les poissons se font rares, il décide d’aller dans les zones plus dangereuses accompagné par son père et un ami. Il ne se doute pas une seconde que ce choix chamboulera toute son existence….
Lerew et Einstein
Lerew est amoureux de Mary. Il veut l’impressionner, mais aussi faire ses preuves pour prendre la relève de son vieux père. Dans son village isolé, les pêcheurs retrouvent de plus en plus souvent leurs filets vides. C’est ainsi que Lerew décide de tenter sa chance dans les recoins les plus dangereux de l’océan. Proche des récifs, là où le poisson est riche, mais aussi là où le temps n’a aucune clémence pour les marins audacieux.
Il part avec son père et un ami, tous deux pêcheurs aguerris. Mais rien ne se passe comme prévu. Les filets pleins, ils se font surprendre par un brusque changement de météo. Lerew se blesse, des requins débarquent affolés par la bonne odeur de viande. C’est le drame.
Lerew se réveille dans un sous sol mystérieux. Le corps recouvert de bandages, les membres tout flagada et pourtant … surpuissants. Et il a désormais la peau bleuâtre.
C’est Einstein qui l’a sauvé. Le docteur du village.
Le monstre-humain et l’humain-monstre
Einstein est un garçon-sorcière. Il a l’apparence d’un petit garçon malgré son grand âge et des oreilles de lapin. Il a sauvé Lerew, car dans son délire de mourant, Lerew a gémit qu’il ne voulait pas mourir, à n’importe quel prix.
Le garçon-sorcière s’est exécuté.
Au fil de sa guérison, Lerew apprend à maîtriser sa force, il cohabite avec Einstein, trépignant d’impatience à l’idée de montrer au village qu’en fait il n’est pas mort. Et de retrouver son ami et son père. Après tout, ils doivent être mort d’inquiétude.
Mais est-il encore humain ? Les humains sont-ils capables de le reconnaître ?
Miyanaga et Shelley
Ryu Miyanaga pose ces questions en filigrane. Mais ce n’est pas vraiment le sujet. Et en cela, Le Monstre d’Einstein n’a rien à voir avec l’œuvre originelle de Mary Shelley, Frankeinstein ou le Prométhé moderne. Qui, certes questionne la nature humaine et monstrueuse, mais aussi l’amour, la haine dans des versions quasi extrême et fusionnel, la solitude, dans ce qu’elle a d’effroyable.
Le Monstre d’Einstein de Ryu Miyanaga raconte plutôt la solitude en état de guérison. Il raconte un être blessé par sa vie esseulée, qui tente presque inconsciemment de se construire une famille. Et un être mort, mais qui s’adapte si bien à sa condition de cadavre ambulant qu’il brille par sa vitalité.
Le Monstre d’Einstein prend le contre-pied de l’histoire dramatique dont il s’inspire.
Ceci étant dit, c’est ce qui fait du Monstre d’Einstein, une série courte et plutôt bienveillante. Il remplit tout à fait son rôle.
Anguleux et organique
La perle d’originalité de ce manga réside dans son graphisme. Le monstre d’Einstein est très organique. Son trait est semblable à de la dentelle, foisonnante comme une forêt. Les objets et personnages sont à la fois très arrondis mais aussi anguleux. Le dessin se déploie comme des arabesques.
Il offre au récit assez classique de la réhumanisation d’un monstre un théâtre poétique et atypique.
C’est notamment cela qui nous donne envie d’aller voir un peu plus loin dans l’histoire. Ce « conte gothique » édité en trois tomes chez Casterman nous invite au voyage.
- Le Monstre d’Einstein
- Autrice : Ryu Miyanaga
- Éditeur : Casterman
- Prix : 9,45 €
- Parution : 19 janvier 2022
- ISBN : 9782203224674
Résumé de l’éditeur : Dans son petit village de pêcheurs perdu sur une côté désolée, Lerew rêve plus volontiers de ravir le cœur de Mary que de partir en mer avec son père. Mais les filets remontent de plus en plus vides, il faut donc se risquer à sortir dans des eaux de plus en plus périlleuses pour les équipages et leurs embarcations. Après un accident qui le laisse plus mort que vif, Lerew est sauvé par un sorcier à la réputation sinistre… L’existence du garçon est bouleversée à jamais : le voici projeté dans un périple qui pourrait aussi bien être une renaissance qu’une malédiction.
À propos de l'auteur de cet article
Marie Lonni
"C'est fou ce qu'on peut raconter avec un dessin". Voilà comment les arts graphiques ont englouti Marie. Depuis, elle revient de temps en temps nous parler de ses lectures, surtout quand ils viennent du pays du soleil levant. En espérant vous faire découvrir des petites pépites à savourer ou à dévorer tout cru !
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