Le prix du reste de ma vie

Le prix du reste de ma vie, c’est l’histoire de Kusunoki. On ne peut pas dire qu’il ait une vie heureuse. Elle est même carrément morne. Ce n’est pas que le sort s’acharne… Simplement, il n’a pas d’ambition et besoin d’argent. Voilà qu’il apprend l’existence d’un drôle de comptoir où l’on peut vendre la vie qu’il nous reste….

Trois jours de bonheur

Parfois l’avenir nous semble tellement sombre et sans issue, qu’on se dit “Si seulement je pouvais vendre la moitié de ma vie contre une grosse somme d’argent. » C’est à partir de cette idée, que Sugaru Miaki imagine sa nouvelle “Pour trois jours de bonheur, j’ai vendu le reste de ma vie”. Tout est dans le titre. Pourtant la version manga, dessinée par Shouichi Taguchi, laisse un peu plus de place au suspens. La série, publiée aux éditions Delcourt/Tonkam, se nomme “Pour le prix du reste de ma vie”. Qu’a donc obtenu notre héros pour le prix du reste de sa vie ? Trois jours de bonheur me direz-vous. Et si c’était plus que ça ? 

Lorsque on est près à vendre sa vie au sens littéral du terme, il est difficile d’imaginer devenir heureux du jour au lendemain. J’en viens donc à la fameuse question : qu’est-ce qui fait le bonheur ? Et surtout : qu’est-ce qu’une vie réussie ? Parce que c’est bien là, la question que semble poser Sugaru Miaki.

Reprenons depuis le début

Kusunoki, un taciturne individu,  a besoin d’argent. Et voilà qu’on lui raconte qu’il existe une agence où l’on peut vendre sa vie, sa santé ou son temps. Il n’y croit pas trop mais se retrouve quand même devant le comptoir de vente. Et là, grosse déception. L’estimation de la valeur de son existence est bien en deçà de ce qu’il espérait. Pour 30 ans et 3 mois de vie restant, elle vaut 10 000 yens par an. Soit 300 000 yens en tout. Une bagatelle. Mais comment est évaluée cette vie ? 

Et bien… elle est évaluée sur tout ce qu’il aurait accompli durant les 30 années et 3 mois qui lui restait à vivre. C’est pour cela que la valeur d’une vie varie beaucoup selon le client. Peu d’accomplissement, peu d’ambition, peu de satisfaction personnelle, peu de bonheur… Tout cela fait grimper la valeur de sa propre existence. Alors quand il n’y a rien dedans, son prix reste très bas. C’est dire à quel point la vie de Kusunoki allait être morne. 

Mais voilà. Il l’a vendu, cette vie là. Pour être exacte, il a vendu 30 années d’existence. Il ne lui reste donc plus que 3 mois à vivre. Il aimerait bien faire quelque chose d’incroyable, mais il n’aurait rien fait en 30 ans, comment pourrait-il faire quelque chose d’incroyable en 3 mois ? 

Alors, il va et vient. Il erre sans but dans une existence qui est la sienne et pourtant dans laquelle il ne se reconnaît pas. On en vient à se demander : la vie, une vie, ça vaut quoi ? Qui peut en juger finalement ? 

Pour revenir au réel

Le texte à l’origine de ce manga a été écrit en 2013. C’est ce que raconte Sugaru Miaki. Assis dans un parc, une bière à la main, alors qu’il parlait avec un ami, cette histoire est née. Aucun sujet joyeux ne leur venait. Ils parlaient d’eux-mêmes avec amertume, “comme si nous étions des prisonniers en cage” dit Sugaru Miaki. Et, sans trop savoir d’où ça vient, la réflexion tombe : “Si seulement je pouvais céder la moitié de ma vie contre une grosse somme d’argent…”. Quelques temps plus tard, Sugaru Miaki écrit une nouvelle à partir de cet épisode. Elle est publiée la même année, et 4 ans plus tard, elle est adaptée en manga. 

Shouichi Taguchi a conservé, dans Le prix du reste de ma vie, beaucoup de détail de l’oeuvre original. Une rencontre dans une librairie ? des courses faites en pleine nuit, en tenues négligées ? Une odeur de shampoing ? On ne sait pas vraiment. Mais ces petites cases, un focus sur une boîte de nouille instantané, une cigarette à moitié consommée ou même ces deux personnages silencieux dans une rue, apportent beaucoup de texture au récit. Shouichi Tagushi a su, semble-t-il, donner corps aux personnages de Sugaru Miaki. Le taciturne Kusunoki, l’énigmatique Miyagi ou même le superficiel Naruse. C’est une oeuvre étrange, pleine d’ennui mais où le lecteur, lui, ne s’ennuie jamais. 

Le prix du reste de ma vie : (Ré)apprendre à vivre

Et si, la perspective de bientôt mourir allait donner à Kusunoki l’énergie qu’il n’a jamais eu ? Et si, cela balayait l’attente que quelque-chose lui arrive ? Et le remplaçait par le désir de faire quelque chose ? Les trois mois de fin de vie que raconte Le prix du reste de ma vie pourrait bien être un voyage initiatique pour réapprendre à vivre. Ou, dans son cas, tout simplement apprendre à vivre.

Alors, je me demande si à la fin du récit, Kusunoki va vraiment mourir. Peut-être que oui. Mais, même si cela devait arriver, je crois que serait une belle fin. 

Parce qu’à la lecture du tome 1 (sur 3), je comprends une chose : apprendre à vivre lorsque on doit d’abord apprendre la valeur de la vie, ça ne peut donner qu’une vie bien remplie. Et qui vaut le “coût” d’être vécu. 

Comme le dit Sugaru Miaki : « On ne peut pas prédire quels choix nous porteront chance, mais c’est souvent quand on se trouve plus bas que terre qu’on parvient à rebondir plus facilement. » Voyons voir comment le héros de cette histoire, Kusunoki, va lui aussi rebondir…

Article posté le mercredi 25 mars 2020 par Marie Lonni

  • Le prix du reste de ma vie
  • Auteur : Sugaru Miaki et Shouichi Taguchi 
  • Éditeur : Delcourt/Tonkam
  • Prix : 7.99€
  • Parution : 19 février 2020
  • ISBN : 9782413026570

Résumé de l’éditeur : Kusunoki était un enfant plein de rêves et d’ambitions. Désormais jeune adulte désargenté, il entend parler d’une boutique dans laquelle il est possible de vendre son espérance de vie.

Après estimation, son existence n’est évaluée qu’à quelques milliers de yens… Il décide toutefois de la vendre, à l’exception de ses trois derniers mois. Le compte à rebours est désormais lancé. Avec cette épée de Damoclès au-dessus de la tête, il va envisager son avenir autrement et, peut-être, apprendre à connaître la vraie valeur de la vie…

À propos de l'auteur de cet article

Marie Lonni

"C'est fou ce qu'on peut raconter avec un dessin". Voilà comment les arts graphiques ont englouti Marie. Depuis, elle revient de temps en temps nous parler de ses lectures, surtout quand ils viennent du pays du soleil levant. En espérant vous faire découvrir des petites pépites à savourer ou à dévorer tout cru !

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