En écho à l’exposition « Surréalisme » qui se tient jusqu’en janvier 2025 au Centre Pompidou à Paris, l’artiste Damien MacDonald publie chez Denoël « Le rayon invisible« , un traité graphique qui rend hommage à ce grand mouvement littéraire et artistique du 20e siècle.
Changer la vie, transformer le monde
Considérée comme l’une des œuvres majeures du siècle dernier, Le Manifeste du Surréalisme d’André Breton (1896-1966) fête ses cent ans en 2024. Jusqu’en janvier 2025, le centre Pompidou présente pour l’occasion une grande exposition en hommage à ce mouvement et à ses multiples propositions artistiques, radicales, tant dans le champ de la littérature, de la poésie que dans celui de la peinture, de la sculpture, de la photographie…
Mais le surréalisme fut aussi bien plus que cela, une sorte de philosophie, une anti-morale, une manière d’être, soucieux dans un même élan de « changer la vie » comme l’espérait le poète Arthur Rimbaud et de « transformer le monde » comme le souhaitait Karl Marx. La bande dessinée ne pouvait rester étrangère à ce foisonnement d’images.
Un Who’s who du mouvement
C’est pourquoi un lecteur curieux de se familiariser avec le surréalisme ou de rafraîchir ses connaissances accueillera avec intérêt « Le rayon invisible » de l’artiste franco-écossais Damien MacDonald, déjà remarqué pour sa belle et audacieuse adaptation dessinée de Notre-Dame de Paris.
En moins de 150 pages, Le rayon invisible met en scène Flamelle, une jeune femme, et un producteur de cinéma qu’elle tente de convaincre de la pertinence de son projet filmique, « réaliser une fresque historique, un portrait intellectuel de la France entre 1914 et 1945. Au cœur de celui-ci figurerait bien sûr celui qu’on surnommait « le pape du surréalisme », André Breton, ainsi que toutes celles et tous ceux qui vécurent à ses côtés les riches heures du mouvement.
Un blason à redorer
L’entreprise de Damien MacDonald tient de la réhabilitation. Partant du constat que ledit André Breton n’est plus guère lu aujourd’hui et que le Surréalisme est mis aujourd’hui à toutes les sauces, il expose au fil des planches les idées portées pendant plusieurs décennies par l’homme de lettres tant adulé que détesté que fut André Breton. Du féminisme avant l’heure à l’anticolonialisme et au socialisme, Breton fut l’homme de bien des combats.
Pour lui, le surréalisme, outil de lutte, se devait d’être révolutionnaire, abolissant les barrières entre conscient et inconscient, s’ouvrant à la magie comme à la poésie et à l’humour noir… Des partis pris qui manqueraient cruellement aujourd’hui à ses yeux dans une époque qui prend l’emploi des émojis pour des signes de rébellion et l’émergence de l’intelligence artificielle comme remède à tous nos maux…
Une révolution toujours à faire
“Le Surréalisme est le Rayon Invisible qui nous permettra un jour de l’emporter sur nos adversaires” écrivait-il à la fin du Manifeste. Dans cet album à la fois didactique et onirique, Damien McDonald reprend cette phrase à son propre compte, appelant de ses vœux une nouvelle révolution surréaliste, persuadé, comme il l’écrit dans un percutant post-scriptum, que l’homme Breton mérite aujourd’hui un nouvel examen. » La bourgeoisie de son époque l’avait vilipendé par conservatisme, celle de la nôtre le méprise par méconnaissance. Trop Jacobin dans ses oukases, trop enflammé dans sa passion libertaire, il insupporte la mollesse des temps ».
Un foisonnement d’images
Adeptes des collages, des cadavres exquis et des audaces graphiques de toutes sortes, les surréalistes n’auraient sans doute pas renié ceux que propose Damien MacDonald. A chaque page, en écho aux dialogues entre la jeune réalisatrice et le producteur, surgissent des sortes d’images-collages, tableaux oniriques qui questionnent notre imaginaire. L’auteur ne dit-il pas « avoir rêvé ces pages ».
- Le rayon invisible
- Scénariste : Damien MacDonald
- Dessin : Damien MacDonald
- Editeur : Denoël Graphi
- Prix : 25 €
- Parution : 28 août 2024
- Pagination : 124 pages
- ISBN : 9782207181713
Résumé de l’éditeur : Créé à l’occasion de l’exposition du Centre Pompidou « Surréalisme » célébrant le centième anniversaire de la parution du premier du surréalisme d’André Breton (1924), ce joyeux traité graphique n’aborde pas le mouvement littéraire et intellectuel le plus important du XXe siècle sous l’angle strictement muséal. Il le considère plutôt comme l’outil absolument moderne d’une prochaine révolution des consciences et des inconscients, indispensable face aux défis aggravés du XXIe siècle. Une ode rieuse et panthéiste au tsunami poétique et au triomphe de l’esprit, antidote radical à l’étroitesse vénéneuse de l’époque.
À propos de l'auteur de cet article
Jean-Michel Gouin
Passionné par l'écrit, notamment l'histoire, la littérature policière et la bande dessinée, Jean-Michel Gouin a été journaliste radio et presse écrite pendant une trentaine d'années à Poitiers.
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